mardi 24 mai 2011

Avec douceur et respect

Une méditation sur la deuxième lecture du 6e dimanche de Pâques, Année A:

I Pierre 3, 15-18

À l’époque où saint Pierre écrit sa première lettre, les chrétiens et chrétiennes sont souvent traînés devant les tribunaux où on les accuse de toutes sortes de crimes. Cette persécution mine la confiance et la foi de ces jeunes communautés. Une des raisons qui pousse Pierre à écrire cette lettre, c’est de les encourager à ne pas abandonner. Il leur rappelle qu’ils passent par le même chemin que Jésus, lui le juste qui a été injustement accusé et condamné. Il leur rappelle que Jésus, ressuscité dans l’Esprit, doit être pour eux une source de courage et de persévérance.

Il y a encore aujourd’hui des parties du monde où être chrétien demeure dangereux. Vivre en chrétien l’est encore plus. S’engager pour la justice au nom de l’Évangile dérange, provoque, menace les pouvoirs économiques et civils. Encore aujourd’hui, il y a des martyrs : en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie. Ces hommes et ces femmes continuent à suivre Jésus jusqu’au bout. Ils prennent à cœur la parole de Pierre : « Mieux vaut souffrir en faisant le bien, si telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. »

Nous n’avons pas à relever de semblables défis chez nous. Mais le christianisme n’a plus la belle figure qu’on lui prêtait autrefois. Chrétiens et chrétiennes sont de plus en plus vus « de travers » : on se moque de leur foi, on les trouve dépassés, parfois même bigots et superstitieux. On se fait traîner devant les tribunaux de l’opinion publique et des médias à cause de notre attachement à la famille, à cause de notre défense de la vie des enfants à naître, à cause de notre engagement pour la justice sociale. Même nos amis, même nos enfants (et parfois nos parents) nous accusent d’être vieux jeu ou un peu ridicules parce que nous nous rendons à l’église le dimanche et que nous continuons à prier à tous les jours.

Parfois, nous réagissons avec amertume, même avec colère. On écrit des lettres bêtes à l’éditeur du journal, on s’engage dans des discussions vaines avec les voisins, on s’argumente avec la parenté. Devant cette réalité, les paroles de Pierre nous rappellent à l’ordre : « Soyez toujours prêts à donner la raison de votre espérance à ceux qui vous la demande, mais que ce soit avec douceur et respect. »

Il ne s’agit pas de montrer aux autres qu’ils ont tort ou qu’ils sont dans l’erreur : il s’agit de leur partager simplement ce qui nous fait espérer. Et Pierre nous dit comment le faire : doucement, respectueusement. C’est une Bonne Nouvelle qui nous habite : la bonté, la beauté de cette Nouvelle doivent être évidents lorsqu’on en parle avec d’autres. La joie qui est nôtre devrait attirer ; la consolation qui est nôtre devrait intriguer ; la conviction qui est nôtre devrait inspirer. En fin de compte, c’est cela, évangéliser.

C’est dans l’Esprit que Jésus est ressuscité. Ce même Esprit saura nous faire passer les petites morts de chaque jour pour en faire jaillir la vie non seulement pour nous-mêmes, mais pour tous ceux que nous rencontrons sur notre route.

vendredi 20 mai 2011

Comme une pierre dans une cathédrale

Une méditation sur la deuxième lecture du 5e dimanche de Pâques, Anneé A:

I Pierre 2, 4-9

J’aime bien la fable d’Antoine de St-Exupéry, Le petit prince. J’aime encore mieux son recueil de méditations intitulé Citadelle. Parmi les nombreuses images qui provoquent et nourrissent la réflexion, une m’a toujours parlé d’une façon particulière.

Il s’agit d’un contraste que St-Ex développe entre un champ de pierres et une cathédrale. Les deux contiennent le même ingrédient principal : des roches. Mais il fait remarquer une différence fondamentale entre les deux. Si une bonne nuit quelqu’un passait près du champ de pierres et volait une des roches, c’est presque certain que personne ne s’en rendrait compte le lendemain matin. Alors que, si la même personne se décidait de détacher une roche dans le mur d’une cathédrale, il est presque aussi certain que la nouvelle ferait le tour de la ville dans les vingt-quatre heures : « M. le curé, il manque une roche dans le mur de la cathédrale! »

Pourquoi la roche prise dans le mur a-t-elle plus de valeur que la roche gisant dans le champ? St-Exupéry répond que, dans un champ, une roche n’est qu’une roche ; alors que, prise dans le mur d’une cathédrale, elle fait partie de quelque chose de plus grand qu’elle. Elle n’est plus qu’une simple roche. Elle prend une importance insoupçonnée parce qu’elle fait partie d’un édifice d’une une valeur extraordinaire. La roche est plus qu’une roche, elle est cathédrale!

N’en est-il pas de même pour nous, humains? Réduits à notre pure individualité, repliés sur nous-mêmes, isolés et privés de relations, nous nous coupons de ce qui seul peut révéler toute notre valeur : notre appartenance à la communauté humaine. Mais quelle valeur extraordinaire se révèle lorsque nous appartenons non seulement à une communauté humaine, mais à une communauté fondée sur Dieu, soutenue par Dieu!

Voilà l’appel que Pierre nous lance aujourd’hui, au-delà des siècles. « Soyez des pierres vivantes, construisez le temple spirituel, dont le Christ est la pierre d’angle. » Une pierre d’angle, c’est la pierre qui possède un angle carré parfait, à 90.00 degrés : on peut aligner les murs sur elle sans avoir peur de se tromper. De même, nous pouvons aligner la vie de notre communauté chrétienne sur le Christ, sans avoir peur de nous tromper.

La communauté chrétienne est faible lorsque les liens entre les personnes qui la forment sont faibles ; elle est instable lorsqu’elle oublie son fondateur ; elle est pécheresse, lorsqu’elle ne s’aligne plus sur le Christ, sa pierre d’angle. Mais lorsqu’elle tisse des liens d’amour entre les hommes et les femmes qui lui appartiennent, lorsqu’elle vit de la Parole de Dieu, lorsqu’elle avance au souffle de son Esprit, alors elle devient vraiment « une race choisi, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple qui appartient à Dieu. » Alors, elle peut vraiment annoncer « les merveilles de Celui qui l’a appelée des ténèbres à son admirable lumière. »

Ne restons donc pas isolés les uns des autres, repliés dans notre indifférence comme des roches jonchées ça et là dans un champ de pierres. Donnons-nous la main, soyons d’un même cœur, et, fondés sur Jésus-Christ, bâtissons la cathédrale de demain, la demeure de Dieu au cœur du monde.

jeudi 5 mai 2011

La paroisse comme une tente

Une méditation sur la deuxième lecture du 3e dimanche de Pâques, Année A:

I Pierre 1, 17-21.


Le mot “paroisse” évoque l’idée d’une communauté particulière, d’un corps de croyants bien-identifié. De fait, dans l’Église catholique, la définition technique de la paroisse se lit : « Une communauté particulière des fidèles du Christ établie de façon stable… dont le soin pastoral est confié à un curé comme à son pasteur propre. » Cette qualité de stabilité est d’autant plus évidente quand on imagine l’église paroissiale : souvent immense et lourde dans son architecture, elle nous parle de solidité, d’immutabilité, de permanence.

Pourtant, il se cache ici une ironie particulièrement mordante. Le mot ‘paroisse’ nous vient d’un mot grec que l’on retrouve dans le Nouveau testament, ‘paroikia.’ Et que veut dire ce mot? Il est composé de deux mots plus petits : ‘para’ voulant dire ‘à côté’; et ‘oikos’ voulant dire ‘maison.’ Au sens littéral, ‘paroikia’ veut donc dire ‘quelqu’un dont la demeure est ailleurs.’

Voilà le mot dont Pierre se sert dans la lecture d’aujourd’hui pour décrire la vie chrétienne. Diverses versions de la Bible traduisent l’expression par séjour, exil, passage, l’état d’être étranger. Ces diverses traductions nous font comprendre que la vie chrétienne n’est pas du tout fixe ou stable, mais qu’elle est transitoire, temporaire, fugitive. Le but ultime de la vie n’est pas ici, il est ailleurs.

Voilà pourquoi Pierre nous invite à ne pas mettre notre confiance dans les réalités de ce monde. « L’or et l’argent » représentent pour lui tout ce qui est attirant et fascinant dans ce monde, mais en fin de compte vide et insignifiant. Si nos vies sont axées seulement sur ces réalités, nous allons manquer le but même de la vie.

Pierre nous suggère que la vraie liberté se trouve dans la prise de conscience du vrai sens de la vie. La liberté surgit lorsque nous acceptons que nous ne sommes que des voyageurs sur cette terre, que notre vraie demeure est ailleurs. C’est alors que nous pouvons être vraiment libres.

Cette prise de conscience ne nous fait pas rejeter les réalités de notre monde. Elles ne sont pas mauvaises, elles ne sont que passagères. Nos cœurs doivent s’établir fermement là où le sens et la valeur sont permanents: la vie éternelle dans l’amour de Dieu. Ce qui nous rassure c’est de savoir que rien de cette terre qui participe à cet amour ne sera perdu. Nous le retrouverons dans l’éternité, purifié et transformé.

Peut-être nos églises paroissiales devraient-elles ressemblées à des tentes pour nous rappeler que le sens original du mot ‘paroisse,’ car nous sommes des voyageurs, des pèlerins. Nous ne cheminons pas seuls. Notre pèlerinage rassemble de nombreux frères et sœurs. Nous voyageons avec le Christ, dont la résurrection nous rappelle notre objectif final, notre but ultime, notre demeure véritable.