jeudi 29 novembre 2012

Un saint, moi?


Lire I Thessaloniciens 3,12 – 4,2

Lorsque j’étais enfant, j’imaginais la sainteté comme une espèce de perfection morale. Les saints et les saintes, tel qu’on me les présentait, c’était des hommes et des femmes qui avaient réussi à éviter tout péché, à vivre dans la prière perpétuelle, à atteindre le sommet de toutes les vertus. Il me semblait qu’être saint, c’était quelque chose d’absolument héroïque exigeant d’immenses sacrifices. J’admirais peut-être les saints et les saintes, mais je les trouvais distants, presque inhumains. Jamais je n’aurais imaginé que je puisse atteindre la sainteté.

Pourtant, Saint Paul nous dit dans notre lecture d’aujourd’hui que nous sommes tous appelés à une « sainteté irréprochable » devant Dieu, en vue de la venue du Seigneur Jésus. Sommes-nous tous appelés à une perfection morale impossible? Sommes-nous tous condamnés à l’échec devant un projet qui nous dépasse?

Il me semble que le problème, c’est que nous comprenons mal la sainteté. J’ai l’impression que nous nous sommes donné une fausse idée de ce que veut dire être saint ou sainte. Saint Paul nous met sur la bonne piste lorsqu’il fait précéder son appel à la sainteté par ces mots : « Que le Seigneur vous donne un amour de plus en plus intense et débordant. »

En autres mots, notre degré de sainteté ne dépend pas de notre perfection morale, mais de notre amour. Plus nous aimons, plus nous sommes saints. Et comme Dieu est amour, on comprendra que le Saint par excellence est Dieu lui-même. C’est pourquoi à la messe nous l’acclamons : « Saint, saint, saint le Seigneur, Dieu de l’univers. »

Pourvu que nous soyons ouverts à l’amour de Dieu, pourvu que son amour déborde en nous sur les autres, nous devenons saints. La sainteté, c’est le rayonnement autour de nous de l’amour qui nous habite. La sainteté, c’est le resplendissement extérieur d’une attitude intérieure, une attitude toute pétrie d’attention, de compassion et de tendresse.

Nous sommes tous appelés à la sainteté, puisque nous sommes tous créés pour aimer.

jeudi 22 novembre 2012

Déchiffrons l'Apocalypse



Lire Apocalypse 1, 5-8

Le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse de saint Jean, est un livre intrigant à cause de son style imagé où se multiplient symboles, rêves, chiffres et personnages mystérieux. Depuis deux mille ans, plusieurs ont été tentés d’y déchiffrer des indices sur l’avenir, particulièrement sur la fin des temps. Mais la théologie catholique contemporaine y voit d’abord un livre qui s’adresse aux lecteurs de l’époque de sa rédaction, c’est-à-dire de la fin du premier siècle. Ces chrétiens et chrétiennes, en proie à une vive persécution sous l’empire romain, étaient tentés d’abandonner leur jeune foi en Jésus-Christ afin de sauver leur vie. L’auteur du livre de l’Apocalypse les invite à la fidélité, même jusqu’à la mort.

Les premiers versets du livre que nous lirons ce dimanche se comprennent bien à cette lumière. D’abord, l’auteur y donne trois titres à Jésus. Il l’appelle « le témoin fidèle. » Jésus en effet a été fidèle jusqu’à la croix : ses disciples doivent imiter cette fidélité. Ensuite, l’auteur lui donne le titre de « premier-né d’entre les morts. » Car de par sa résurrection, Jésus qui était mort est maintenant vivant. En l’appelant « premier-né, » l’auteur indique que ceux qui mourront avec Jésus vivront avec lui au-delà de la mort. Enfin, Jésus reçoit le titre « souverain des rois de la terre. » Alors que les premiers chrétiens sont persécutés par l’empereur romain qui se déclare souverain de la terre, le livre de l’Apocalypse proclame Jésus souverain même de l’empereur romain. La puissance du Christ dépasse celle de l’empereur Néron. Il faut donc avoir confiance dans la victoire ultime du Christ.

Le texte continue en rappelant ce que Jésus a fait pour nous. En nous délivrant de nos péché, il a fait de nous « le royaume et les prêtres de Dieu son Père. » Néron se disait à la fois roi et grand prêtre de son royaume. Mais en Jésus, tous les croyants sont rois et prêtres. Ils partagent la royauté du Christ et participent à son ministère de réconciliation. Les titres de Néron n’ont donc aucune valeur aux yeux des croyants.

Enfin, on annonce la venue du Christ dans la gloire. Il viendra « parmi les nuées, » signe de sa vraie divinité, à l’encontre de la fausse divinité que réclame l’empereur romain. Et lorsqu’il viendra, « tous les hommes le verront… et toutes les tribus de la terre se lamenteront, » parce qu’elles comprendront qu’elles avaient rejeté le vrai Seigneur de l’univers.

Tout cela mène à cette conclusion, placée dans la bouche du Christ ressuscité qui apparaît en rêve : « Je suis l’alpha et l’oméga. » Alpha, c’est la première lettre de l’alphabet grec; oméga, c’est la dernière. Cela veut donc dire que le Christ englobe toute la réalité, qu’il est le maître de l’histoire entière à partir de ses débuts jusqu’à sa fin.

Le mot apocalypse veut dire révélation. Ce que ce livre « révèle » n’est pas une information cachée sur la fin des temps, mais le sens du moment présent. Il nourrit l’immense espoir qui habite le cœur chrétien. Torturés dans les prisons romaines, broyés sous les dents des lions dans les arènes, crucifiés par dizaines le long des routes, les premiers croyants ont remis leur vie entre les mains de Jésus parce qu’il leur a ouvert le chemin de la vraie gloire. Deux mille ans plus tard, ce message d’espoir continue à résonner dans nos oreilles et dans nos cœurs.

vendredi 16 novembre 2012

Protestants et catholiques face à l'unique sacrifice

Lire Hébreux 10, 11-18

En 1517, un prêtre et moine allemand du nom de Martin Luther publia une série de thèses qu’il voulait proposer pour discussion publique. Ce fut le début de ce qu’on a nommé, par la suite, la réforme protestante. Aujourd’hui, les théologiens catholiques seraient d’accord avec plusieurs des propositions de Luther, mais à l’époque, elles provoquèrent une réaction défensive. La politique s’en est mêlée, des guerres ont éclaté et l’Europe occidentale fut divisée en deux : une partie catholique et une partie protestante.

Les deux groupes ont toujours été d’accord sur l’essentiel de la foi chrétienne, mais elles ne s’entendaient pas sur certains thèmes importants : la relation entre la grâce et la liberté humaine; les structures de leadership dans l’Église; le sens et le rôle des sacrements dans la vie chrétienne. De part et d’autre, on se réclamait de la Bible pour justifier sa prise de position.

C’est pourtant un bien mauvaise façon de lire et d’étudier la Bible : y chercher des arguments pour prouver les conclusions qu’on a déjà établies. Tel est le cas pour le dernier verset de notre texte de ce dimanche. Les protestants s’en servaient pour affirmer que la Messe ne peut pas être un sacrifice, puisque le verset affirme qu’on ne peut offrir d’autre sacrifice après celui du Christ. Les catholiques répondent que la Messe n’est pas un nouveau sacrifice, mais la représentation sacramentelle de l’unique sacrifice du Christ.

Pourtant, ce verset ne parle même pas de la Messe. Il parle plutôt de la relation entre l’unique sacrifice du Christ et les multiples sacrifices offerts par les Juifs au Temple de Jérusalem. L’auteur affirme simplement que le sacrifice du Christ mène tous ces autres sacrifices à leur perfection. Il veut convaincre ses lecteurs qu’en Jésus on atteint la plénitude de ce qui, dans le culte du Temple, était recherché et désiré. Ceux qui mettent leur foi en Jésus découvrent véritablement le pardon des péchés.

Sur ce point, catholiques et protestants sont pleinement d’accord : en Jésus seul pouvons-nous trouver la plénitude du pardon divin, la vie de grâce, la puissance de l’Esprit. Le désir de rencontrer Dieu, inscrit dans tout cœur humain, est enfin comblé dans la Pâque du Christ.

Unis dans cette foi proclamée au baptême, marchons ensemble, protestants et catholiques, vers le Seigneur. Travaillons à la reconstruction de l’unité perdue il y a cinq cents ans. Jésus a prié pour ses disciples : « Que tous soient un! » C’est en lui seul que nous trouverons la réponse à cette prière.

dimanche 11 novembre 2012

La résurrection nous travaille

Lire I Thessaloniciens 4, 13-18

Nous chrétiens croyons à la résurrection du Christ. Pourtant, nous la considérons souvent comme un événement qui ne concerne que Jésus, et notre compréhension en est alors bien limitée. Certes, nous nous réjouissons de sa victoire sur la mort et nous célébrons sa glorification auprès du Père. Mais nous ne comprenons pas que la résurrection du Christ n’est que la première étape d’une aventure cosmique dans laquelle chacun de nous est impliqué.

En effet, c’est l’univers entier qui est appelé à être transformé dans la puissance de l’Esprit. Toute la création aspire à cette transformation. Les hommes et les femmes sont à la fine pointe de cette aspiration, travaillés par le désir d’une vie en abondance, d’une vie éternelle.

Lorsque Jésus est ressuscité, l’univers entier a été saisi comme par un frisson de renouvellement. L’Esprit de Dieu, travaillant en Jésus, le réveillant d’entre les morts, commence déjà à partir de ce moment à travailler nos pauvres corps et à nous préparer pour la gloire qui nous est promise.

Cela, les premiers chrétiens l’ont compris dans la fibre de leur être. Et ils attendaient impatiemment l’accomplissement de cette transformation qui s’achèverait avec l’avènement du Christ dans la gloire. Paul l’attendait avec toute la communauté.

Mais voilà que cet accomplissement tarde à se réaliser. L’Esprit semble prendre son temps. Et certains chrétiens meurent avant de voir l’acte final de ce processus de transformation. Sont-ils perdus à jamais?

Voilà la question que Paul tente d’élucider dans ce texte aux Thessaloniciens. Et sa réponse est claire, sans ambages : on n’a pas à s’inquiéter de ceux qui sont déjà morts dans le Christ, puisque la puissance de l’Esprit les rejoindra au-delà de la mort pour les faire participer eux aussi à la gloire du Christ. Ils ressusciteront lors de l’avènement du Christ pour être, comme nous, avec lui dans la gloire.

Oui, l’Esprit prend son temps. Depuis près de deux mille ans, les chrétiens attendent que la puissance de la résurrection transforme toute la création lorsque le Christ viendra dans la gloire. Nous nous sommes habitués à cette attente, trop habitués : nous n’y pensons plus. Pourtant, l’Esprit nous travaille comme il a travaillé les premiers chrétiens. À travers nous, l’Esprit prépare ce jour de gloire. Habités par lui, nous nous ouvrons à cette transformation dans notre prière, notre engagement, notre témoignage, notre soif même du Royaume. Le temps entre la résurrection du Christ et son avènement dans la gloire n’est pas un temps vide, un temps d’absence ou d’attente passive. C’est plutôt un temps de cheminement, un temps de croissance et de purification, un temps où nous reconnaissons le Christ parmi nous dans sa Parole, dans son Pain de vie, dans les pauvres, dans nos frères et sœurs. Ce temps est notre temps, temps d’espérance et temps d’engagement.

Comme les Thessaloniciens, écoutons les mots de Paul. Ne soyons pas découragés. Soyons plutôt renouvelés dans notre courage et notre décision de marcher dans les pas du Christ, lui qui se dresse devant nous dans l’avenir, lui qui marche avec nous en ce temps présent.