vendredi 20 décembre 2013

Saint Paul arrive en ville


Il y avait une fois un homme qui s’était fait toute une réputation comme gérant d’équipes de hockey un peu partout dans le pays. Les connaisseurs parlaient de lui comme un des meilleurs de l’époque. On admirait sa compréhension du jeu, sa façon d’expliquer, d’encourager, de former les joueurs. Il avait du courage, de la persévérance, et une ardeur qui se communiquait comme par osmose. Et voilà que la grande équipe de la métropole l’invitait à venir faire un stage avec elle, à venir partager ses convictions et sa sagesse. Il était un peu nerveux. Il a pensé leur envoyer une lettre d’introduction où il s’efforcerait d’expliquer sa vision fondamentale, sa passion, sa « mission », comme il l’appelait.

C’est ainsi que saint Paul s’est assis un jour pour écrire une lettre à la communauté chrétienne de Rome, plus grande ville du monde à l'époque. C'était la première fois qu'il s'y rendait. Cette Église avait été fondée par d’autres missionnaires et avait déjà une certaine histoire, une tradition. De plus, saint Pierre en était devenu le chef, lui avec qui Paul avait des gros mots à un moment donné. Mais Paul, fort de sa réputation d’évangélisateur de la Grèce et de l’Asie Mineure (la Turquie d’aujourd’hui), était décidé à se rendre à Rome, car de là il espérait s’embarquer pour l’Espagne. Il doit avoir été tout de même un tout petit peu nerveux.

Le texte de ce dimanche comprend les premières phrases de cette lettre où Paul cherche à se présenter tout en expliquant l’essentiel de la foi qui l’anime. Il commence par expliquer d’où lui vient sa mission : c’est Dieu qui l’appelé à être Apôtre, « serviteur de Jésus Christ » pour « annoncer la Bonne Nouvelle », l’Évangile.

Et sans prendre le temps de respirer, il explique immédiatement le cœur de cet Évangile qui concerne Jésus, né « selon la chair » de la race juive, ressuscité « selon l’Esprit qui sanctifie » dans sa puissance de Fils de Dieu afin d’être notre Seigneur.

C’est ainsi qu’en une seule phrase, Paul résume l’Évangile. Tout le reste de la lettre aux Romains cherchera à déployer le sens de ce résumé, qu’on appelle aussi le « kérygme ». 

Pour conclure son introduction, Paul rappelle la raison de sa visite : célébrer la foi commune qu'il partage avec la communauté de Rome. Il finit donc avec un beau souhait en attendant la rencontre qui ne saurait tarder: que la communauté vive dans la paix et la grâce de Jésus.



Comment la communauté romaine a-t-elle accueilli Paul? La tradition veut que Pierre et Paul se soient réconciliés. Les deux seraient morts dans la grande ville, martyrisés sous l'empereur romain. Mais la petite communauté chrétienne établie dans la capitale du monde était solide. Elle deviendrait l'Église qui « préside dans la charité » à toutes les Églises du monde. Et son chef, aujourd'hui, est notre Pape.


Serait-ce là un des fruits du « coaching » du grand saint Paul? Peut-être gagnerions-nous tous à nous mettre à son école...

samedi 14 décembre 2013

La patience tout de suite! - Troisième dimanche de l'Avent, année C


« Ah, que les lignées aux caisses sont lentes. J’ai des desserts à préparer à la maison pour le temps des fêtes. Et les cartes de souhaits qui attendent à être envoyées. Et les enfants qui n’en finissent plus de me demander combien de dodos avant Noël. Seigneur, donne-moi de la patience... et donne-la-moi tout de suite! »

Chère patience, qui se laisse désirer. Patienter c’est se laisser apprivoiser par le temps. Car le temps a son rythme qu’il faut respecter, voire épouser. On aimerait pouvoir contrôler le temps, l’organiser. Tout le monde a des agendas aujourd’hui, même les enfants. En plus, il faut profiter du temps qui passe, ne pas en gaspiller un moment. Pourtant, il semble qu’on n’en a jamais assez… sauf lorsqu’il y en a trop. Alors, le temps traîne, c’est bête, c’est ennuyant : si les vacances peuvent bien arriver; si Noël était là.

Comme il est difficile d’attendre patiemment l’arrivée d’une joie ardemment désirée. Il est pourtant encore plus difficile d’attendre avec patience la fin d’une épreuve. Une maladie passagère, une série d’examens, une partie de hockey désastreuse, un repas avec quelqu’un qu’on endure difficilement, ah! si ça peut donc finir. Cette patience-là, elle est encore plus exigeante, plus fragile. Si l’épreuve dure trop longtemps, on risque de perdre la tête, de craquer.

Et que dire de ces épreuves qui n’ont pas de fin : la maladie chronique, un handicap irréversible, la fin d’une relation, la mort d’un être cher. On n’en sort pas, de ces épreuves. Est-il encore possible d’être patient au cœur de ces difficultés?

Oui, mais à deux conditions. D’abord, il faut croire que cette épreuve, même si elle semble sans fin, n’aura pas le dernier mot. Le chrétien, la chrétienne sont habités par cette sorte d’espérance qui croit que l’amour vaincra en fin de compte, que la vie triomphera éventuellement de la mort. Peut-être cela ne se réalisera-t-il pas demain ni le jour après… mais un jour, lorsque le Christ aura tout rassemblé en lui, nous verrons la victoire de l’amour, la victoire de la vie.

Mais — et voilà la deuxième condition — cette espérance doit rejaillir sur l’aujourd’hui de notre épreuve ou de notre souffrance en lui donnant un sens. Peut-être ce sens est-il mystérieux, peut-être n’arrivons-nous pas à le nommer, mais nous y croyons. Nous nous unissons à Jésus sur la croix, nous communions à sa souffrance, afin que la nôtre se trouve amplifiée, élargie, prise dans une histoire qui mène à la résurrection.

Voilà la patience à laquelle saint Jacques nous invite. « Ayez de la patience. Voyez le cultivateur : il sait attendre les produits précieux de la terre avec patience. Prenez pour modèles de patience les prophètes » qui ont enduré l’épreuve et le martyre.


Mettons-nous donc à l’école du temps, et apprenons la patience lentement, doucement, dans les longues files aux caisses des magasins, dans l’envoi des innombrables cartes de souhaits, dans la préparation sans fin des repas de fête… même dans le décompte des dodos des enfants. Car cette patience quotidienne nous apprendra à attendre patiemment le Jour qui n’aura pas de fin.

lundi 9 décembre 2013

À la vie comme à la mort

Lire Romains 15, 4-9


Dans son récit bien connu, Le cantique de Noël, Charles Dickens décrit ce temps festif ainsi : « C’est un bon temps, un temps de tendresse, de pardon, de charité : le seul temps que je connaisse dans le long calendrier de l’année où les hommes et les femmes semblent consentir unanimement à ouvrir librement leurs cœurs renfermés, à penser aux personnes qu’elles rencontrent comme si elles étaient vraiment des covoyageurs vers la tombe, et non seulement comme une autre race de créatures engagées sur de quelconques chemins. »

Découvrir les autres comme des « co-voyageurs vers la tombe, » c’est découvrir les autres comme des sœurs et des frères qui doivent confronter les mêmes questions profondes, les mêmes épreuves difficiles que nous. C’est découvrir que nous sommes solidaires les uns des autres par notre travail et notre peine, par notre joie et notre espoir. C’est découvrir que chacun, chacune est appelée à reconnaître sa propre mortalité et la possibilité d’une vie au-delà de la mort.

Saint Paul nous invite également à reconnaître cette solidarité qui nous unit face à la mort. Mais il va plus loin. Puisque chrétiens et chrétiennes ont fait l’expérience de l’amour de Dieu en Jésus, de sa fidélité et de sa miséricorde, ils ne sont pas seulement solidaires face à la mort : ils sont solidaires face à la vie.

N’est-ce pas là le secret profond de la générosité qui déborde à Noël? La possibilité que cet enfant, né dans une crèche, porte en lui notre destinée profonde; la possibilité qu’il vient révéler dans ce don de lui-même le rôle indispensable de l’amour véritable dans l’épanouissement humain; la possibilité qu’il nous indique une autre façon de vivre, dans la justice, la paix et la joie? Tout cela fait naître en nos cœurs un élan nouveau vers les autres, un désir nouveau de paix et d’entente, un engagement nouveau à bâtir ce monde meilleur.

Paul le dit dans son langage : « Que Dieu vous donne d’être d’accord entre vous… D’un seul cœur, d’une même voix, vous rendrez gloire à Dieu… Accueillez-vous les uns les autres comme le Christ vous a accueillis… »


La contemplation de l’Amour enfoui dans un peu de paille nous invite à l’amour de nos sœurs et frères. L’expérience de la miséricorde divine nous invite à faire miséricorde à nos proches et à nos ennemis. Sentir que l’enfant Jésus nous ouvre les bras nous invite à ouvrir nos bras à l’humanité tout entière. N’est-ce pas là le sens profond de Noël?

lundi 2 décembre 2013

La nuit, le jour

Lire Romains 13, 11-14


Autrefois, lorsqu’on éclairait à la chandelle ou à l’huile, la nuit revêtait des allures mystérieuses, parfois inquiétantes. Lorsque j'étais éclaireur chez les scouts, nous allions camper dans la forêt. Autour du feu de camp, on était bien. Mais dès qu'on s'en éloignait, les ténèbres qui nous entouraient nous épeuraient. On était heureux d'être plusieurs sous la tente. Une fois, j'ai dû coucher seul, et ça m'a pris bien du temps à m'endormir!

Cette nuit-là nous confronte à la vraie solitude. On ne voit rien au-delà du rayonnement de la bougie. C’est comme si notre monde se rétrécissait, se repliait sur lui-même. On se sent seul, isolé, coupé de toute relation. Le monde se réduit à mon être, je deviens le centre du monde… rien n’existe hors mon imagination, mes fantasmes, mes cauchemars.

Cette nuit-là cache toutes sortes de vices et d’activités louches: les grands crimes. On ne peut voir qui fait quoi, alors on se laisse aller à des actes qu’on ne poserait jamais au grand jour. Rien ni personne ne retient les passions. C’est le temps des vols à mains armées, des bris et infractions, des meurtres. On hésite à marcher dehors, une fois le soleil couché.

Cette nuit-là est mensongère. Elle promet le plaisir, mais elle tue la joie. Elle promet le pouvoir, mais épuise l’élan. Elle promet le monde, mais elle coupe de tout et de tous. On se réveille triste, épuisé, seul.

Cette nuit-là est symbole d’une façon d’être qui, de fait, nous empêche d’être. Paul nous rappelle que le Christ est venu nous arracher à ce genre de nuit et de cauchemar. Le Christ est la lumière qui brille au fond de la nuit, celui qui porte la lumière au cœur des ténèbres, afin d’ouvrir nos yeux sur la réalité et nous faire voir, tout près de nous, nos sœurs et nos frères qui nous tendent les bras.


Cette nuit-là, il faut la quitter. Il faut croire à l’aurore, marcher vers le jour, vivre au grand soleil. En ces premières soirées d’Avent, contemplons chaque petite lumière colorée qui scintille sur les perrons et dans les arbres. Voyons-y des rappels, des signes de cette vérité profonde : Christ est venu nous arracher des ténèbres pour nous faire vivre dans la lumière. Avançons vers Noël comme on avance vers le jour.


mardi 12 novembre 2013

Entre amis

Lire II Thessaloniciens, 2,16 - 3,5

En lisant l’extrait d’aujourd’hui de la lettre de Paul aux Thessaloniciens, j’ai imaginé un homme écrivant une lettre à un bon ami qui connaît une période difficile. Les deux hommes partagent la foi chrétienne, et c’est dans ce contexte que le premier écrit les mots suivants au second.

"Mon cher ami, je suis désolé d’entendre parler de tes problèmes. Je donnerais les yeux de la tête pour être près de toi, pour t’aider et te soutenir. Mais tu sais que, même si je ne peux pas être là, le Seigneur est avec toi, à tes côtés. Rappelle-toi, il ne t’a jamais laissé tomber lors des moments difficiles passés. Au contraire, le Seigneur a toujours été une source d’espoir et de réconfort pour toi. Encore cette fois, je le sais, il te donnera le courage dont tu as besoin, la sagesse pour trouver les paroles justes, la force de prendre les décisions qui s’imposent.













"Tu sais, moi aussi je trouve la vie plutôt difficile ces jours-ci. Il me semble que beaucoup d’obstacles ont surgi sur mon chemin. J’aimerais bien pouvoir partager avec tout le monde l’amour et la joie que Dieu a mis dans mon cœur, mais tous ne sont pas ouverts à cela, comme tu le sais bien...

"Pourtant, je ne désespère pas. Parfois, je m’arrête et je pense à Jésus et à tout ce qu'il a enduré durant sa vie, jusqu'au rejet, à la torture et à la mort sur ​​la croix. Il n’a jamais lâché. Il a enduré jusqu’à la fin. Crois-moi, mon ami, il va nous aider à faire de même!

"Je sais quel bon cœur est le tien. Je connais toutes tes forces et tes capacités. Je crois en toi. Encore plus, je crois en l’Esprit de Jésus qui demeure en toi. Ma prière, c’est que le Seigneur te conduise plus près de lui durant ce temps d’épreuve. Le Seigneur peut se servir même des obstacles et des échecs pour nous aider à grandir dans son amour.

"Tu sais que, dans sa résurrection, Jésus a détruit le pouvoir de la mort. Tu sais que sa victoire sur le mal est achevée, même si ça ne paraît pas tellement en ce moment présent. Un jour, nous verrons sa gloire. Savoir cela nous donne déjà de la patience, du courage et la force d’endurer.

"Alors, mon homme, ne lâche pas! Je serai avec toi par la prière. L’Éternel sera avec toi dans son amour!"

Voilà un peu ce que Paul voulait dire aux Thessaloniciens, il y a deux mille ans. Et c’est ce que je veux vous dire aujourd’hui, à vous qui connaissez les épreuves et les difficultés de la vie. Gardez la foi, car Dieu est fidèle. Le Seigneur vous mènera à la vie en abondance.

mardi 5 novembre 2013

Vivre le moment présent

Lire II Thessaloniciens 1,11 à 2,2

« Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus. Nous célébrons ta résurrection. Nous attendons ta venue dans la gloire. » À chaque messe, l’assemblée entière proclame sa foi dans ces mots où le passé, le présent et l’avenir se rencontrent : dans le passé, Jésus a vécu, enseigné, guéri, il a donné sa vie sur la croix; aujourd’hui, il est ressuscité, régnant aux cieux d’où il répand son Esprit en nos cœurs pour nous faire vivre de son amour; à l’avenir, il reviendra dans la gloire du Royaume.

Les chrétiens et les chrétiennes vivent le présent intensément, ils y sont pleinement engagés. Le souvenir de Jésus provoque cet engagement, car ils veulent marcher à sa suite et imiter son amour. L’annonce de son retour dynamise cet engagement, car ils savent qu’une fois achevée l’histoire humaine, l’amour aura vaincu la haine, la vie aura triomphé de la mort. La foi dans le passé et l’espérance pour l’avenir nourrissent l’amour au quotidien.

Mais un problème peut surgir. On peut se réfugier dans le passé, idéaliser « le bon vieux temps, » se perdre dans les rêves et les souvenirs. Paul, dans cet extrait de sa deuxième lettre aux Thessaloniciens, invite ses lecteurs et lectrices à s’engager dans le monde d’aujourd’hui, à activer la grâce qui leur a été donnée, à rayonner la gloire de Dieu dans leur vie quotidienne.

Un deuxième problème peut aussi surgir. On peut devenir obsédé par l’avenir, cherchant partout des signes du retour du Christ, sombrant dans l’imaginaire et les fantaisies. Paul invite donc ces mêmes lecteurs et lectrices à ne pas perdre ainsi la tête, à ne pas se laisser effrayer. Il les invite à laisser l’espérance nourrir leur fidélité quotidienne, plutôt que de chercher à s’évader du moment présent.

En fin de compte, la foi chrétienne est une foi qui s’engage dans le monde d’aujourd’hui. Nourrie par le souvenir de Jésus et par l’espérance de son retour dans la gloire, elle ne se réfugie pas dans le passé ni ne se perd dans une obsession pour l’avenir. Au contraire, c’est ici et maintenant que la foi chrétienne se développe et s’exprime. La personne à aimer, elle est là, à mes côtés. Le travail à accomplir, il est là, devant moi. L’histoire à transformer, c’est l’histoire dont on lit le déroulement dans nos journaux quotidiens.


Un bénévole accueille un pèlerin sur la route de Compostelle
La tentation nous guette, comme elle a guetté les Thessalo-niciens. Ne regrettons pas le passé. Ne nous perdons pas dans les fantaisies d'avenir. Ouvrons les yeux sur le monde présent où le Seigneur nous attend et nous accompagne. 

Il n'y a rien de plus réaliste que la foi chrétienne.

mardi 29 octobre 2013

Le testament de Saint Paul


            Le texte d’aujourd’hui prend un sens tout à fait unique si l’on considère qu’il s’agit probablement des derniers mots que Saint Paul a écrits. Il est en prison à Rome où il attend un deuxième procès -- peut-être devant l’empereur lui-même -- qu’il croit voué à l’échec. D’où les expressions fortes qui ouvrent ce passage et qu’on pourrait traduire dans nos mots d’aujourd’hui : « je verse les dernières gouttes de ma vie »; « ma course est achevée »; « je lève l’ancre pour le grand départ ».

            Quelles sont les pensées de Paul alors qu’il contemple sa mort prochaine? Loin d’être lugubres, elles sont habitées d’une grande espérance, d’une conviction profonde qui ne l’abandonne pas. Ce qui l’attend n’est pas le grand vide, mais la « couronne » de victoire qui est assurée à tous ceux qui, comme lui, sont tendus vers la manifestation du Seigneur Jésus. Mais cette tension vers l’avenir hors du temps ne le détache pas du temps présent. Au contraire, il voit son prochain procès comme une occasion -- encore une autre! -- de témoigner de l’Évangile dont il l’est l’apôtre, jusqu’au bout. Et dans la solitude de sa prison, en pensant à ceux qui l’ont abandonné, il imite Jésus par son pardon et sa miséricorde.

Buste de Saint Paul
Basilique St-Paul, Toronto
            Au cœur de ces envolées mystiques, une phrase qui m’a toujours touché : « Apporte donc le manteau que j’ai laissé chez Carpos à Troas, ainsi que mes livres, surtout les parchemins. » Nous sautons ces versets du passage dans la proclamation liturgique, mais ils me semblent importants. Ils révèlent la pensée intérieure de Paul : il lui reste encore quelque temps à vivre, le procès est peut-être retardé, il peut travailler encore un peu. Et c’est peut-être l’hiver qui arrive, il aimerait bien se réchauffer un peu de son vieux manteau. C’est toute l’humanité de Paul qui nous est révélée ici. Dans ces quelques mots de tous les jours, le géant de l’Évangile se fait tout proche de nous.

            Alors nous comprenons que nous aussi, au cœur de nos préoccupations quotidiennes, nous sommes habités d’un mystère extraordinaire qui nous dépasse et qui nous entraîne au-delà de ce monde, au-delà de la mort. Oui, le Seigneur nous sauvera, nous aussi, pour son Royaume céleste.


            C’est pourquoi avec Paul nous pouvons proclamer la grandeur de Dieu : « À lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen! » 


jeudi 17 octobre 2013

Dieu aimerait te dire un mot


Le passage d’aujourd’hui nous présente une belle méditation sur l’importance de la Bible dans la vie chrétienne. Même si Paul fait référence aux textes hébreux seulement – le Nouveau Testament n’ayant pas encore été rédigé au moment où il écrit sa lettre à Timothée – sa réflexion vaut pour tous les livres de la Bible qui est nôtre aujourd’hui. Qu’est-ce que Paul en dit?

D’abord, que les textes de la Bible peuvent mener à la sagesse. En effet, la lecture et l’étude de la Bible peuvent nous aider à comprendre et approfondir le sens des événements qui forment notre vie. Nous y trouvons la sagesse accumulée pendant près de mille ans, une sagesse que même la technologie et la science modernes ne peuvent effacer, car c’est une sagesse enracinée dans l’Esprit de Dieu.

Ensuite, Paul nous rappelle que cette sagesse peut mener à la foi. La Bible ne présente pas seulement des idées : elle raconte des événements, elle nous fait découvrir des personnes, elle nous fait rencontrer Jésus. Dans ces événements, Dieu a agi. Dans ces personnes, Dieu a parlé. En Jésus, Dieu s’est donné à nous. Faire la rencontre de Jésus en lisant la Bible, c’est s’ouvrir au don de la foi et connaître le salut.



Paul affirme que les textes bibliques sont inspirés par Dieu. Une telle affirmation est difficilement acceptable pour ceux et celles qui ne croient pas. C’est seulement à partir d’une perspective croyante que l’on peut reconnaître cette inspiration divine qui soutient les divers textes. N’en est-il pas ainsi pour une lettre d’amour? Seuls les amoureux peuvent saisir l’esprit profond qui anime une telle lettre. Ainsi en est-il de la Bible : ceux et celles qui accueillent l’amour divin reconnaissent l’auteur véritable des textes bibliques.

Enfin, Paul rappelle à Timothée que la Bible ne doit pas servir seulement à soutenir sa propre foi : il doit s’en servir pour aider d’autres hommes et femmes à s’ouvrir à la foi. Il faut passer d’un mouvement intérieur, où l’on accueille la Parole, à un mouvement extérieur, où l’on annonce la Parole. De fait, ce n’est que lorsqu’on commence à partager avec d’autres sa compréhension de la Bible que ces textes deviennent profondément vivants. En disant sa foi, elle devient encore plus vivante.


En lisant ces quelques lignes, nous voyons comment Paul comprend la Bible : pour lui, elle est la Parole même de Dieu. Qu’il en soit ainsi pour nous.

mercredi 9 octobre 2013

Une parole encourageante


Lorsque j’étais petit enfant, on ne chantait qu’en latin à la messe. Rendu à la grande enfance, les choses ont changé et nous avons commencé à chanter en français. Un des premiers chants dont je me souviens était de Lucien Deiss : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts; il est notre salut, notre gloire éternelle. » La longue mélodie ascendante et l’ampleur du rythme traduisaient bien la solennité de cette profession de foi, la Bonne Nouvelle résumée en une phrase.

Bien des années plus tard, j’ai découvert la source du texte de Deiss : la lecture d’aujourd’hui. Pour bien en saisir le sens, il faut se rappeler son contexte. Paul, en prison, écrit à son jeune ami Timothée pour l’encourager dans son ministère comme chef d’une communauté chrétienne. Timothée doit trouver cela difficile, et Paul le reconnaît. Il le compare tour à tour à un soldat, à un athlète et à un cultivateur qui doivent se dépenser jusqu’au bout s’ils veulent récolter le fruit désiré.



Paul lui-même s’est dépensé jusqu’au bout. Il commente la profession de foi qu’il vient de citer en expliquant que c’est à cause d’elle qu’il se trouve en prison. Mais, affirme-t-il avec une force inouïe, la Parole de Dieu, elle, ne peut être enchaînée! Voilà la source de son courage, de sa détermination, de sa persévérance. Même de sa prison, il proclame à temps et à contre temps cette nouvelle extraordinaire : en Jésus, Dieu nous a aimés jusqu’à mourir... afin que nous puissions tous vivre!

Paul conclut ce passage en citant une hymne qui devait être chantée dans les premières communautés chrétiennes. Timothée lui-même devait la connaître, mais Paul la lui rappelle pour l’encourager. « Si nous mourons avec le Christ, avec lui nous vivrons... » Paul avait déjà enseigné cela dans sa lettre aux Romains : par le baptême, nous mourons au péché et à nous-mêmes, nous sommes ensevelis avec Jésus afin de ressusciter avec lui. « Si nous souffrons avec le Christ, avec lui nous règnerons... » Ce que nous avons vécu au baptême doit marquer notre vie de tous les jours. Nous devons accepter de souffrir par amour pour les autres si nous voulons participer au Règne de justice, de paix et de joie.

L’hymne avertit : « Si nous le renions, lui aussi nous reniera. » Renier le Christ, c’est refuser de tenir jusqu’au bout dans la persévérance. Je viens de lire dans un roman: "Renier, dénier, cracher, c'est pour les aigris, les fortiches, les types qui veulent croire qu'ils se sont faits tout seuls et personne avant eux." Comment le Christ pourra-t-il nous garder avec lui si nous nous sauvons de lui?

Mais l’hymne conclut en rappelant la possibilité du pardon et du retour : « Même si nous manquons de foi en lui, le Christ ne manquera pas de foi en nous : il est fidèle à ses promesses. » Et voilà le mot ultime : la fidélité de Dieu en Jésus qui pardonne tous nos torts, nous relève de toutes nos fautes, fait jaillir sa lumière même dans la nuit la plus sombre.

Cette lecture est comme un baume pour toute personne qui vit un moment difficile. Elle invite au dépassement, à la confiance, au relèvement. Les mots de Paul, écrits depuis sa prison de l’an 60 à Rome, résonnent encore aujourd’hui dans nos cœurs deux mille années plus tard.

samedi 5 octobre 2013

Une question de leadership


Timothée occupait une place particulière au sein de la communauté chrétienne à laquelle il appartenait. Il était leur chef, leur leader.

On a beaucoup écrit sur ​​le leadership aujourd’hui. Dans la plupart des grandes librairies, on peut trouver des rangées de livres sur le leadership et la gestion. Des séminaires et des ateliers sont organisés d’un océan à l’autre dans l’espoir d’aider les administrateurs à devenir des chefs. En lisant cet extrait de la lettre à Timothée, nous découvrons quelques caractéristiques du leadership chrétien.

Tout d’abord, le leadership n’est pas pour le chef, mais pour la communauté. La gouvernance de Timothée s’avère un cadeau pour les autres, non pas un statut prestigieux qu’il recherche pour lui-même. Son leadership n’est pas destiné à le mettre sur un piédestal, mais pour édifier les autres. Il s’agit d’un vrai service, un ministère dans le sens plein du mot.

Si le leadership chrétien est un cadeau pour les autres, il est d’abord un don de Dieu. Voilà ce qui ressort du rituel de l’imposition des mains : le leadership est reçu comme une mission, comme une consécration et comme une affirmation. Et même si ce sont d’autres chefs qui ont posé leurs mains sur la tête de Timothée, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui agit dans et par ce geste physique, confirmant et renforçant Timothée pour son ministère au sein de la communauté.

Pourtant, le leadership n’est pas acquis une fois pour toutes. Il doit sans cesse être développé, renouvelé, revitalisé. « Ravive le don qui est en toi », écrit Paul à Timothée. Tous les chefs chrétiens doivent s’efforcer de revenir à la source de leur leadership, ne jamais tenir pour acquis leur appel ni leur capacité de répondre à cet appel.

Les chefs chrétiens, hommes et femmes, doivent prendre pour modèle le Christ lui-même, en acceptant de souffrir avec lui pour l’amour du Royaume de Dieu. Le leader chrétien est motivé par l’amour, et l’amour véritable implique toujours la souffrance, car la personne qui veut aimer doit apprendre mourir à lui-même ou à elle-même afin de donner la vie aux autres. Bien que le leadership dans l’Église soit source de beaucoup de joie et de bonheur, il ne peut pas éviter la raffinerie du sacrifice et de la mort à soi-même.

L’Esprit agit dans le chef, il bannit la peur et attise le dynamisme, l’amour, le contrôle de soi. Une leader chrétienne ne peut exercer un véritable leadership que dans l’Esprit. Il faut s’ouvrit à l’action de l’Esprit dans la prière et la liturgie, écouter l’Esprit dans le discernement, agir dans la puissance de l’Esprit : voilà ce que signifie être une leader chrétienne.

Les chrétiens et les chrétiennes sont appelés à exercer leur leadership dans le monde. Ce leadership sera vraiment fructueux s’ils se souviennent de Timothée et des recommandations qu’il a reçues de son mentor, Saint Paul.

Quelques-uns sont appelés à exercer un leadership dans l’Église elle-même. Cet appel est à couper le souffle, car il s’agit d’un défi qu’on ne peut relever sans appréhension et humilité. Pourtant, n’ayez pas peur si tel est votre appel. Car l’Esprit agissant en vous vous aidera à répondre à cet appel, de sorte que vous puissiez donner à l’Église un service à la fois beau et grand : le service du leadership.


En pèlerinage avec les évêques de Panama il y a quelques années

lundi 30 septembre 2013

La piété: une vertu à redécouvrir


On a longtemps pensé que Saint Paul lui-même avait écrit les deux lettres à Timothée et à la lettre à Tite (appelées lettres pastorales, étant écrites pour des pasteurs d’Église). La plupart des spécialistes aujourd’hui s’accordent pour dire qu’un disciple de Paul a probablement écrit ces trois lettres. Une des raisons qui portent à le croire, c’est que l’auteur utilise des expressions qui lui sont propres. Un exemple : le mot "eusebia," que nous traduisons par piété. Nous retrouvons ce mot dix-neuf fois dans l’ensemble du Nouveau Testament, quatorze fois dans ces seules lettres pastorales.

Dans l’extrait que nous lisons aujourd’hui, l’auteur invite Timothée à être un homme pieux, un homme de "eusebia".
Qu’est-ce à dire? Dans l’Empire romain, l’expression "eusebia" connotait la bonne relation à entretenir entre les mondes divins et humains. Elle impliquait le devoir de sacrifier aux dieux, de mener une vie vertueuse et de vénérer l’empereur.
La nouveauté des lettres pastorales? Elles proposent que la relation correcte entre l’humain et le divin doive être comprise à la lumière de la venue du Christ dans le monde. Le Christ, non l’empereur, est médiateur entre ciel et terre. La mort et la résurrection du Christ mettent fin à tous les cultes sacrificiels. Ce n’est qu’à travers le Christ que nous pouvons entrer en communion avec Dieu. Cette communion est la source de toute vertu, de la paix et de l’harmonie dans le monde.

En scrutant les lettres pastorales, nous découvrons les diverses facettes de la vraie piété. Elle est enracinée dans le Christ lui-même. Dans et par le Christ, nous découvrons la piété justifiée par l’Esprit, contemplée par les anges, proclamée chez les païens, crue dans le monde, élevée dans la gloire (3,16). La piété est une vertu qui s’acquiert par une pratique constante, semblable à l’exercice physique, mais tellement plus gratifiante, car au lieu d’un corps plus svelte ou plus musclé, elle promet la Vie elle-même, ici dans le présent comme pour l’éternité (4,7). La piété est également acquise par la prière, nécessaire pour le maintien de l’ordre dans le monde (2,2). Elle se concrétise dans les bonnes œuvres qui s’accumulent dans la communauté et dans la société (2,10). En particulier, elle joue le rôle de régulatrice des bonnes relations dans les familles chrétiennes (5,3). Son enseignement est l’enseignement du Christ lui-même, un enseignement qui doit guider toutes nos actions, toutes nos décisions (6,3). Certains pourraient être tentés de s’enrichir par la prédication de la piété, mais ils manquent le bateau : la piété est sa propre récompense, et les personnes qui l’embrassent sont les plus riches de toutes (6,5).

Dans II Timothée, nous trouvons une description des impies : égoïstes, orgueilleux, rebelles, ingrats, impitoyables, bavards, indisciplinés, cruels, obsédés par le plaisir plutôt que d’être des amoureux de Dieu (3,2-4). Si nous y pensons bien, nous nous rendons compte que le monde ne peut se diviser pieux et impies, car la ligne de démarcation traverse plutôt chacun de nos cœurs. En effet, bien que nous désirions la piété, nous nous retrouvons souvent dans l’impiété. Mais que cette prise de conscience ne nous décourage pas! L’important, c’est de tendre, de désirer, de garder devant nous l’idéal de la piété. Dans le choix que nous en ferons, dans l’effort que nous y mettrons, nous rencontrerons le Christ : car lui-même est la source de toute vraie piété.

Sculpture de Padre Pio aidant le Christ à porter sa croixDans l'église San Salvatore in Lauro, Rome

mardi 17 septembre 2013

Y a-t-il un enfer?

Lire I Timothée 2, 1-7


Un de mes professeurs de théologie m'a demandé lors d'un examen oral: "Dieu veut-il que tous soient sauvés? Ou Dieu veut-il que quelques-uns seulement soient sauvés et les autres damnés." J'ai répondu spontanément: "Dieu veut que tous soit sauvés." Il continua: "La Bible enseigne-t-elle cela?" Je répondis: "Je crois que oui." Il persista: "Où donc est-ce écrit?"

Alors je lui ai rappelé la promesse de salut faite à Adam et Ève. Comme Adam et Ève représentent toute l'humanité, cette promesse s'adresse à l'ensemble des hommes et des femmes. Et Dieu promet ce que Dieu veut. Donc, Dieu veut le salut de tous. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse une réponse encore plus claire."


Alors je lui ai rappelé qu'en Abraham toutes les nations avaient été bénies. Puisque toutes les nations incluent tous les peuples, ce sont tous les peuples qui sont bénis par Dieu. Donc, Dieu veut le salut de tous. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Alors je lui ai décrit l'évolution de la pensée chez les prophètes qui, au fil des siècles, ont développé une perspective universaliste de leur compréhnension de Dieu, au point où le prophète Isaïe voyait en Israël le peuple choisi par Dieu pour être le moyen de conversion et de salut de tous les peuples. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Alors je lui rappelai les paroles du Christ le soir avant de mourir, alors qu'il prononça une bénédiction sur la coupe, annonçant que dans sa mort serait scellée une nouvelle alliance pour le pardon des péchés 'de la multitude', qui est une expression sémitique pour désigner tout le monde. Donc la mort de Jésus était en faveur de tous. Donc Dieu veut que tous soient sauvés. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Enfin, j'avouai que j'étais vaincu. Je ne connaissais pas la réponse désirée et je la lui demandai. Et il me montra le texte que nous proclamons en ce dimanche, I Timothée 2,3: "Dieu, notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité." Et je me suis mis d'accord avec lui: il ne pouvait y avoir de réponse plus claire que celle-là!

La damnation ne fait pas partie du plan de Dieu, ni l'enfer. L'enfer est une création humaine, la conséquence du refus d'accueillir le plan de Dieu sur soi. Nous commençons à créer des enfers autour de nous lorsque nous nous détournons de Dieu, lorsque nous nous refermons sur nous-mêmes dans notre orgueil et notre égoïsme. Nous nous préparons un enfer éternel lorsque nous choisissons ce repli sur soi, ce refus de l'amour, comme notre façon ultime d'exister. Et cet éternité d'enfer n'est rien d'autre qu'une solitude sans fin, une aliénation éternelle.

Telle n'est pas la volonté de Dieu pour nous. Telle n'est pas la volonté de Dieu pour aucun être humain. Et ce n'est pas ce que nous désirons pour nous-mêmes. Ouvrons-nous donc dès maintenant à la volonté de Dieu, aujourd'hui, demain et pour toujours. Car Dieu ne veut rien de moins que le bonheur de chacun, de chacune de ses enfants, maintenant et pour l'éternité.




Domaine des Pères de Sainte-Croix, Lac Simon













mercredi 11 septembre 2013

Autour d'un feu de camp

Lire I Timothée 1,12-17

Un jour, un paroissien m’a partagé sa frustration avec son fils adolescent qui refusait d’aller à l’église le dimanche avec sa famille. J’ai lui ai demandé comment il avait réglé cette question. « Je lui ai dit que tant qu’il vivait sous mon toit, il se conformerait à mes règles, et l’une des mes règles c’est de se rendre à l’église le dimanche! “À cela, je me suis tu. L’homme, mal à l’aise avec mon silence, m’a enfin demandé ce que j’aurais dit. Je lui ai répondu : ‘Peut-être que j’aurais partagé avec votre fils les raisons que j’ai, moi, de fréquenter l’Église. ‘Maintenant, c’était à son tour de se taire. J’ai donc continué : ‘Pouvez-vous me dire pourquoi vous allez à la messe?’ Perplexe, il m’a répondu : ‘Je n’y ai jamais vraiment pensé. ’

J’ai souvent raconté cette histoire pour illustrer la nécessité pour les croyants de réfléchir à leur foi afin de pouvoir la partager avec d’autres. Et partager notre foi avec d’autres n’est pas une option, ça fait partie de l’être chrétien. Jésus a confié à tous ses disciples cette tâche de partager la Bonne Nouvelle. Assurément, il y a diverses façons de le faire, certaines plus respectueuses que d’autres, peut-être plus fructueuses aussi à la longue. Par exemple, raconter à son enfant pourquoi l’on croit devrait naturellement faire partie de la tâche parentale, tout en s’assurant qu’on respecte les réactions de l’enfant lui-même.

Ceci étant dit, pourquoi donc un jour suis-je demeuré presque aussi silencieux que mon paroissien avec son fils alors que je participais à une épluchette de maïs lors d’une fête du Travail avec quelques familles. Pendant le feu de camp, j’ai chanté quelques chansons. L’un des adolescents présents a fait un commentaire élogieux au sujet de ma voix. J’ai expliqué que j’avais étudié l’opéra comme un jeune adulte. Il m’a demandé : ‘Pourquoi êtes-vous devenu prêtre, alors? ‘J’ai répondu en plaisantant :’ Pensez-vous que je suis devenu prêtre parce que je ne pouvais rien faire d’autre?’ Il a ri, mais n’a pas lâché : ‘Alors, pourquoi avez-vous abandonné une carrière dans la musique et choisi le ministère? ‘Je gardai le silence pendant un moment. Était-ce parce que tout le monde écoutait cette conversation? Était-ce parce que je sentais qu’il s’agissait d’un sujet trop sérieux pour en discuter autour d’un feu de camp avec des inconnus? En tout cas, j’ai haussé les épaules et dit : ‘Je voulais aider les gens. ’ Il a simplement répondu : ‘Oh. . .’ et puis a changé de sujet. 

Pourquoi n’ai-je pas été capable de lui dire le sens que la foi donne à ma vie? Pourquoi n’ai-je pas été en mesure de partager ma joie de croire en Jésus-Christ, et mon désir profond de faire connaître cette joie à d’autres? Pourquoi n’ai-je pas été capable d’exprimer la plénitude de vie que je ressens à cause de ma foi?

Dans la lecture d’aujourd’hui, Paul partage sa foi avec son jeune ami Timothée : il n’a pas honte et sa langue n’est pas liée. Il affirme simplement : ‘Je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus Christ. . . Le Christ m’a pardonné. . . La grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l’amour. . . Il m’a fait confiance en me chargeant du ministère. . . »

Si seulement nous étions tous capables, comme Paul , de simplement nommer toutes nos raisons de rendre grâce. Si seulement nous pouvions partager ces motifs simplement et joyeusement avec ceux qui nous entourent. Peut-être pourrions-nous suivre l’exemple de Paul cette semaine, et tenter d’expliquer à un ami ou un voisin comment notre foi nous donne force, joie et espoir? Qui sait? Nous serions peut-être en train de donner ce cadeau à quelqu’un qui en a vraiment besoin.

dimanche 8 septembre 2013

Esclave, mon frère

Lire la lettre de saint Paul à Philémon

Paul a un ami, Philémon, qui est devenu chrétien grâce à Paul. Philémon a un esclave, Onésime. Ce dernier a fait tort à son maître et s’est enfui de Philémon (ce qui est contre la loi de l’Empire romain) pour se réfugier auprès de Paul qui est en prison. Paul l’accueille, l’aide à découvrir l’amour du Christ et l’emmène à la foi. Onésime, comme Philémon, devient chrétien grâce à Paul.

Mais Paul a un problème. La loi ordonne qu’Onésime retourne à Philémon, et Paul voudrait qu’Onésime obéisse à la loi. Mais il voudrait aussi qu’Onésime ne soit plus un esclave, mais un homme libre. Seul Philémon peut lui rendre la liberté civique. Alors, Paul écrit cette petite note à Philémon, pleine de tendresse et de tact. Il invite Philémon à pardonner son tort à Onésime et à l’accueillir non plus comme un esclave, mais comme un frère dans le Christ.

Pourquoi a-t-on gardé dans la Bible cette petite note, ce mémo personnel de Paul à Philémon? Elle est tellement courte qu’on en fait presque toute la lecture à la messe d’aujourd’hui. Mais sa brièveté et son ton amical cachent un enseignement qui est révolutionnaire. Car Paul y suggère que la fraternité qui s’installe entre les hommes et les femmes disciples du Christ est plus fondamentale que les distinctions sociales qui construisent les cultures humaines.

L’esclavage était une institution essentielle au fonctionnement de l’économie de l’Empire romain. À ce titre, il était structuré et protégé par la loi, mis en application par les autorités, accepté inconditionnellement par tous les citoyens. Mais Paul ose prétendre que l’Évangile peut servir à construire un autre type de société où chaque personne est reconnue dans sa dignité inhérente. À travers Philémon, c’est à l’humanité tout entière que Paul s’adresse.



La note de Paul à Philémon garde toute sa pertinence dans notre monde contemporain. L’esclavage existe toujours, sous des formes cachées, mais peut-être encore plus terribles que dans le passé. Il n’est plus protégé par la loi, il peut même être proscrit par la loi, mais il continue à faire ravage. La traite des personnes existe encore aujourd’hui. Des personnes -- femmes et enfants -- sont exploitées comme esclaves sexuels. Et que dire de tous ces hommes et ces femmes du tiers-monde qui travaillent pour une pitance dans des conditions horribles : cela aussi, c’est de l’esclavage.

Et nous, qui profitons de ce système économique, nous sommes les nouveaux Philémons. Paul nous invite à sortir de notre confort, à ne pas nous laisser endormir par notre richesse, à ouvrir nos yeux afin de reconnaître dans tous ces pauvres nos frères et nos sœurs.

Paul dit à Philémon au sujet d’Onésime : « Si tu penses être en communion avec moi, accueille-le comme si c’était moi. » Comment ne pas penser à la parole de Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

L’Évangile contient une semence révolutionnaire qui pourrait changer le monde. Il en dépend de nous qu’il germe et porte fruit. 

mercredi 28 août 2013

Tout-à-fait spectaculaire!

Lire Hébreux 12, 18-24

Nous raffolons des spectacles avec leurs lumières vives, leurs sons étourdissants, leurs émotions fortes, leur vitesse, leur action. Je me souviens de ma première visite à une foire, la vitesse des manèges, le bruit envahissant, le tohu-bohu de la musique, les voix criardes réclamant notre attention, le doux-amer des pommes confites. Et je me souviens avoir vu les chutes du Niagara pour la première fois, le flux énorme de l’eau en cascade sur les falaises, le bruit assourdissant de l’eau se précipitant vers les tourbillons qui semblaient former un énorme chaudron de moutons déchaînés et le brouillard froid qui nous mouillait. Quels souvenirs!

Et nous recherchons les spectacles. Nous voulons que nos fêtes fassent preuve d’audace, qu’on y soit impétueux et bruyant. Nous aimons les films d’action truffés d’explosions. Nous voulons que nos voitures brillent, que nos jardins scintillent, que nos vêtements reluisent. Notre civilisation semble être construite sur le spectacle. Nous croyons vivre pleinement lorsque nos sens sont éblouis, débordés et électrifiés.

Pourtant, les réalités les plus importantes de la vie semblent être les plus silencieuses et les plus humbles de toutes. Nous pouvons être touchés — plus profondément que nous ne voulons l’admettre — par un enfant endormi, par une nuit étoilée, par un lac paisible. C’est dans la simplicité d’un premier contact que naît l’amour. Une rose unique et une caresse expriment mieux que tout notre sympathie à la victime d’une tragédie. Une chanson autour d’un feu de camp peut nous faire goûter l’éternité.

De fait, le spectacle nous éloigne de nous-mêmes. On dirait que les sons et les paysages et les saveurs et les sensations, en se précipitant sur nous, ont besoin de se faire une place dans notre for intérieur... et ils le font en évacuant le cœur de ce que nous sommes. Non seulement sommes-nous envahis par le spectacle, nous nous perdons en lui. Nous cessons d’être. Seul demeure le spectacle.

Serions-nous attirés par le spectacle parce que nous n’avons pas conscience du mystère qui nous habite? Accepterions-nous si facilement de nous laisser envahir par le spectacle parce que nous ne connaissons pas la valeur de ce noyau existentiel que les anciens appelaient « l’âme »?


Pourtant, n’est-ce pas dans l’âme que naît l’amour, que prend forme la pensée, que se réveille l’imagination? Et n’est-ce pas dans l’âme que nous rencontrons et reconnaissons le Dieu qui nous a formés et nous a donné la vie?

Dans la lecture d’aujourd’hui, l’auteur de la lettre aux Hébreux reconnaît qu’il n’y a pas grand-chose de spectaculaire dans la rencontre du Dieu de Jésus-Christ, aucune montagne de feu ou de tempête violente ou de musique vibrante, pas de voix immense pour nous faire frémir et trembler. Il n’y a que le silence de la croix sur une colline solitaire un vendredi après-midi. Il n’y a que la tranquillité d’un tombeau vide. Il n’y a que la brise légère de la présence de l’Esprit.

Et pourtant, en apprenant à nous libérer de notre besoin du spectacle et en nous ouvrant au mystère de notre âme, nous nous avançons vers une réalité encore plus impressionnante que tout ce que nous aurions pu imaginer : des milliers d’anges en fête, une foule immense de témoins, les âmes de tous les justes. Nous nous avançons vers le Dieu qui nous a donné la vie et vers le Christ qui nous l’a redonnée. Et, ce qui est peut-être encore plus surprenant, nous nous avançons vers nous-mêmes.

lundi 26 août 2013

Dresser des chiens ou élever des enfants?

Lisez Hébreux 12:5-13

J’ai déjà vu un homme dresser ses chiens. Il les récompensait lorsqu’ils faisaient sa volonté, les punissait lorsqu’ils n’obéissaient pas. Ça semblait bien fonctionner avec ses chiens. J’imagine que ça fonctionne bien avec la plupart des animaux. Ça peut même fonctionner jusqu’à une certaine mesure avec les enfants. Mais cette méthode peut-elle mener des enfants à la maturité et à l’authenticité, les initier à de vraies relations d’amour avec leurs parents et leur prochain? Ces enfants pourront être bien élevés, comme des chiens bien dressés, mais auront-ils découvert la sagesse et le discernement?

Trop de gens croient que Dieu est une sorte de dresseur d’animaux, récompensant les bonnes actions et punissant les méchantes. Trop de gens croient que les épreuves qui leur arrivent sont envoyées par Dieu, soit comme punition ou comme avertissement. Certes, la plupart des prophètes de l’Ancien Testament pensaient ainsi. Mais après l’Holocauste de la Seconde Guerre mondiale dans laquelle six millions de membres du Peuple choisi par Dieu furent mis à mort tout simplement à cause de la haine d’un homme, peut-on encore voir Dieu ainsi? Pour quel acte, pour quel choix Dieu les aurait-il punis? Quel avertissement nécessitait six millions de morts? Plusieurs sont devenus athées lorsqu’ils apprirent cette horreur. Je crois qu’ils ont eu raison de cesser de croire en ce dieu sadique.

Car un tel dieu n’est pas le Dieu de Jésus-Christ. Jamais Jésus n’a parlé de Dieu comme un dompteur ou un dresseur : il en a toujours parlé comme un Père. Un vrai parent veut plus que des enfants bien élevés. Un vrai parent veut que ses enfants jouissent de discernement et de sagesse. Un vrai parent va au-delà des punitions et de récompenses, s’efforçant plutôt d’enseigner et d’encourager.

On peut lire le texte d’aujourd’hui du point de vue d’un Dieu dompteur qui « corrige » ses enfants égarés en jouant sur leurs peurs. Selon une telle perspective, la pauvreté est un châtiment de Dieu, un ouragan un avertissement de Dieu, le sida une condamnation de Dieu.

On peut aussi lire le texte d’aujourd’hui du point d’un Dieu Père qui « corrige » ses enfants égarés en les prenant de côté pour parler à leurs cœurs, les éclairant de sa Parole, leur donnant un Esprit de force afin qu’ils puissent trouver justice et paix.

Seule cette deuxième perspective peut expliquer la finale encourageante de notre texte d’aujourd’hui : « Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes et aux genoux qui fléchissent. » Ces mots parlent d’un Dieu plein d’amour et d’encouragement. Voilà un Dieu dont nous chercherons activement les « leçons », car nous savons que nous y trouverons discernement et sagesse.

Ces paroles nous invitent également à traiter les autres de la même façon : non pas avec des récompenses et des punitions, mais avec encouragement, patience et fidélité. Peut-être est-ce aussi la méthode divine d’élever nos propres enfants.