mardi 26 mars 2013

Faire mémoire dans un rite... dans la vie...


Lire I Corinthiens 11, 23-26


En ce Jeudi saint, la liturgie nous propose le texte où saint Paul nos raconte le récit fondateur de ce qui est devenu pour nous la Sainte messe. Il rappelle comment Jésus avait posé des gestes remarquables au cours d’un repas le soir avant sa mort.

Jésus avait pris du pain sur lequel, après l’avoir rompu et rendit grâces, il dit des mots extraordinaires : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. » 

À la fin du repas, il fit de même avec la coupe de vin, disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. »

Il proclamait ainsi le sens de sa mort qui surviendrait en quelques heures. Son corps serait livré pour ses amis, par amour pour nous. Son sang serait versé en signe d’une nouvelle relation avec Dieu, une relation où Dieu nous aimerait sans condition.

Par ces gestes-là, Jésus transformait sa mort en source de vie pour nous. Il transformait le pain et le vin en une réalité nouvelle où il se donnait lui-même comme nourriture à ses amis.

Déjà, c’était extraordinaire. Mais il y avait encore plus. Jésus, à deux reprises, dit : « Faites cela en mémoire de moi. »

Que faut-il donc faire en mémoire de lui? Il me semble que l'invitation de Jésus comporte deux aspects. Le premier, c’est de donner notre vie pour les autres, comme lui-même l’a fait. Ailleurs, Jésus avait déclaré que le plus grand amour consistait justement dans cette capacité de donner sa vie pour ses amis. Voilà en quoi consiste l’amour. Comme Jésus, en mémoire de lui, il faut aimer.

Le deuxième aspect de cette invitation concerne rituel du pain et du vin sur lequel ils faut rendre grâces en les partageant. Par ces gestes, répétés à chaque messe, nous redécouvrons Jésus présent au milieu de nous. Avec lui, nous nous donnons au Père, nous nous donnons les uns aux autres.

Ce ne sont pas seulement le pain et le vin qui sont alors transformés en son corps et en son sang. Par la communion, nous-mêmes nous sommes transformés pour devenir son corps vivant au cœur du monde. Son amour coule à travers nous pour nous unir et pour se répandre dans le monde. C’est alors que s’accomplit la transformation ultime : par notre engagement, notre prière et notre témoignage, le monde lui-même est transformé et fait place au Royaume de Dieu, Royaume de justice, de paix et de joie.

Nous découvrons donc l’Eucharistie, la messe, comme un lieu de transformations multiples, image et reflet de la transformation la plus radicale : celle de la mort en la vie par la Résurrection du Christ.

Que ces jours où nous célébrons ces événements soient pour chacun et chacune de vous des jours de transformation, de vie plus intense, d’amour plus profond. Et que l’Eucharistie soit toujours, au cœur de l’Église, la source et le sommet de sa vie et de sa mission.

jeudi 21 mars 2013

Faire le vide... radicalement


Lire Philippiens 2,6-11


Saint Paul cite une hymne chantée dans les premières communautés chrétiennes, une hymne remarquable par  sa façon de présenter la trame de la vie de Jésus. On y contemple d'abord un Jésus qui, en venant dans le monde, entreprend un long processus de dépouillement.

C’est comme si, dès sa naissance, Jésus se fait enlever peu à peu tout ce qui habituellement nous fait plaisir ou honneur. Sa nature divine est comme cachée, de sorte qu’on ne voit plus que l’homme. Il naît et vit dans la pauvreté. Il abandonne tout pouvoir sur les autres et se fait serviteur, encore plus, esclave. Il est abandonné de tous, rejeté et trahi. Il descend jusqu’à la mort, et pas n’importe quelle mort : une mort cruelle et abjecte, la mort réservée aux pires criminels, la mort sur la croix.

Nous, humains, nous tenons à tout ce que nous avons, et nous y tenons de toutes nos forces. Notre réputation, on ne veut que personne n’y touche. Notre argent, c’est pour nous et nos proches. Nous sommes jaloux de nos amitiés, de nos connaissances. Nous  protégeons notre santé comme un bien précieux à conserver. C’est comme si notre sécurité dépendait de ces biens, de ces objets.

C’est en son Père seul que Jésus met sa sécurité. Tout le reste pour lui est secondaire, au point ou il peut tout abandonner pour ne s’attacher qu’à son Père. Il se laisse vider.

Mais – et c’est un ‘mais’ important – ce vide créé en Jésus ne reste pas vide. Il est rempli, soudainement et totalement, par l’amour de Dieu son Père. Le dépouillement total de Jésus fait place à l’emprise totale de l’amour divin en lui. Et cet amour-là éclate en lui au matin de Pâques dans la vie nouvelle de la résurrection. Encore plus, cet amour l’élève au-dessus de toute la création. La gloire de Dieu le Père l’emplit, et tous les peuples viennent à reconnaître que cet homme Jésus n’est nul autre que le Seigneur de l’univers.

Peut-être y a-t-il pour nous une leçon là-dedans. Peut-être Jésus veut-il nous faire voir la pauvreté de ces réalités dans lesquelles nous mettons notre sécurité. Peut-être faut-il que, nous aussi, nous acceptions que la vie nous dépouille et nous appauvrisse… qu’elle nous vide, afin que nous puissions, nous aussi, être remplis de l’amour de Dieu le Père. Peut-être sommes-nous appelés à être élevés dans la gloire divine avec Jésus, à condition de tout donner, avec lui, par amour.

mercredi 6 mars 2013

Pardon vs réconciliation


Lire II Corinthiens 5, 17-21

Pardonner, c’est une chose. Se réconcilier, c’est une autre.

Réduit à ses dimensions élémentaires, le pardon c’est simplement la décision de ne pas chercher vengeance auprès de la personne qui nous a blessés. C’est accepter que la faute ne soit pas punie. « Va, je te pardonne » veut dire « Tu peux partir en paix, je ne courrai pas après toi, je ne chercherai pas une compensation pour le mal que tu m’as fait. »

La réconciliation, c’est quelque chose de plus compliqué. Certes, la réconciliation exige le pardon. On ne peut se réconcilier avec quelqu’un sans qu’un pardon soit accordé et accepté. Mais se réconcilier, ça veut dire recréer une relation qui a été blessée. Ça veut dire renouer avec quelqu’un qui nous as fait mal, malgré le mal.

J’ai connu un couple où époux et épouse s’étaient blessés mutuellement, de façon très sérieuse. Avec l’aide d’un accompagnement professionnel, ils ont pu se pardonner mutuellement. Mais ils n’ont pas pu se réconcilier. Ils étaient prêts à laisser tomber l’offense, mais non pas à rebâtir leur relation. Ils se sont quittés sans trop d’amertume, mais ils se sont quittés.

Une relation, c’est comme un ruban élastique. Sous le stress d’une blessure, la relation peut se faire étirer. Mais si la blessure n’est pas trop sévère, le pardon peut mener à la réconciliation : comme un ruban élastique qui reprend sa forme première, la relation peut être renouvelée, comme recréée. Mais si la blessure est trop sévère, la relation peut être brisée : alors, comme un ruban élastique déchiré, il n’y a plus rien à faire.

Du moins, hors de Dieu, il semble qu’on ne peut plus rien faire. Mais en Dieu, la réconciliation est toujours offerte. Dieu ne veut pas seulement nous pardonner nos fautes, il veut nous réconcilier avec lui. Dieu désire plus que la paix de notre cœur : il veut habiter notre cœur. Il veut nous faire vivre de son amour.

Dans l’extrait que nous lisons ce dimanche de la deuxième lettre aux Corinthiens, Paul se sert de l’expression « réconcilier » pas moins de cinq fois en deux phrases. Et ce passage culmine en cet appel qui vient du cœur de Paul : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu. »

Le carême nous est donné comme un temps privilégié de réconciliation. Non seulement Dieu nous offre-t-il le pardon de nos fautes, Dieu nous propose un nouveau partenariat, une nouvelle alliance. Dieu nous propose la réconciliation. Car en Dieu, tout peut recommencer. Tout peut être nouveau.