lundi 30 septembre 2013

La piété: une vertu à redécouvrir


On a longtemps pensé que Saint Paul lui-même avait écrit les deux lettres à Timothée et à la lettre à Tite (appelées lettres pastorales, étant écrites pour des pasteurs d’Église). La plupart des spécialistes aujourd’hui s’accordent pour dire qu’un disciple de Paul a probablement écrit ces trois lettres. Une des raisons qui portent à le croire, c’est que l’auteur utilise des expressions qui lui sont propres. Un exemple : le mot "eusebia," que nous traduisons par piété. Nous retrouvons ce mot dix-neuf fois dans l’ensemble du Nouveau Testament, quatorze fois dans ces seules lettres pastorales.

Dans l’extrait que nous lisons aujourd’hui, l’auteur invite Timothée à être un homme pieux, un homme de "eusebia".
Qu’est-ce à dire? Dans l’Empire romain, l’expression "eusebia" connotait la bonne relation à entretenir entre les mondes divins et humains. Elle impliquait le devoir de sacrifier aux dieux, de mener une vie vertueuse et de vénérer l’empereur.
La nouveauté des lettres pastorales? Elles proposent que la relation correcte entre l’humain et le divin doive être comprise à la lumière de la venue du Christ dans le monde. Le Christ, non l’empereur, est médiateur entre ciel et terre. La mort et la résurrection du Christ mettent fin à tous les cultes sacrificiels. Ce n’est qu’à travers le Christ que nous pouvons entrer en communion avec Dieu. Cette communion est la source de toute vertu, de la paix et de l’harmonie dans le monde.

En scrutant les lettres pastorales, nous découvrons les diverses facettes de la vraie piété. Elle est enracinée dans le Christ lui-même. Dans et par le Christ, nous découvrons la piété justifiée par l’Esprit, contemplée par les anges, proclamée chez les païens, crue dans le monde, élevée dans la gloire (3,16). La piété est une vertu qui s’acquiert par une pratique constante, semblable à l’exercice physique, mais tellement plus gratifiante, car au lieu d’un corps plus svelte ou plus musclé, elle promet la Vie elle-même, ici dans le présent comme pour l’éternité (4,7). La piété est également acquise par la prière, nécessaire pour le maintien de l’ordre dans le monde (2,2). Elle se concrétise dans les bonnes œuvres qui s’accumulent dans la communauté et dans la société (2,10). En particulier, elle joue le rôle de régulatrice des bonnes relations dans les familles chrétiennes (5,3). Son enseignement est l’enseignement du Christ lui-même, un enseignement qui doit guider toutes nos actions, toutes nos décisions (6,3). Certains pourraient être tentés de s’enrichir par la prédication de la piété, mais ils manquent le bateau : la piété est sa propre récompense, et les personnes qui l’embrassent sont les plus riches de toutes (6,5).

Dans II Timothée, nous trouvons une description des impies : égoïstes, orgueilleux, rebelles, ingrats, impitoyables, bavards, indisciplinés, cruels, obsédés par le plaisir plutôt que d’être des amoureux de Dieu (3,2-4). Si nous y pensons bien, nous nous rendons compte que le monde ne peut se diviser pieux et impies, car la ligne de démarcation traverse plutôt chacun de nos cœurs. En effet, bien que nous désirions la piété, nous nous retrouvons souvent dans l’impiété. Mais que cette prise de conscience ne nous décourage pas! L’important, c’est de tendre, de désirer, de garder devant nous l’idéal de la piété. Dans le choix que nous en ferons, dans l’effort que nous y mettrons, nous rencontrerons le Christ : car lui-même est la source de toute vraie piété.

Sculpture de Padre Pio aidant le Christ à porter sa croixDans l'église San Salvatore in Lauro, Rome

mardi 17 septembre 2013

Y a-t-il un enfer?

Lire I Timothée 2, 1-7


Un de mes professeurs de théologie m'a demandé lors d'un examen oral: "Dieu veut-il que tous soient sauvés? Ou Dieu veut-il que quelques-uns seulement soient sauvés et les autres damnés." J'ai répondu spontanément: "Dieu veut que tous soit sauvés." Il continua: "La Bible enseigne-t-elle cela?" Je répondis: "Je crois que oui." Il persista: "Où donc est-ce écrit?"

Alors je lui ai rappelé la promesse de salut faite à Adam et Ève. Comme Adam et Ève représentent toute l'humanité, cette promesse s'adresse à l'ensemble des hommes et des femmes. Et Dieu promet ce que Dieu veut. Donc, Dieu veut le salut de tous. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse une réponse encore plus claire."


Alors je lui ai rappelé qu'en Abraham toutes les nations avaient été bénies. Puisque toutes les nations incluent tous les peuples, ce sont tous les peuples qui sont bénis par Dieu. Donc, Dieu veut le salut de tous. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Alors je lui ai décrit l'évolution de la pensée chez les prophètes qui, au fil des siècles, ont développé une perspective universaliste de leur compréhnension de Dieu, au point où le prophète Isaïe voyait en Israël le peuple choisi par Dieu pour être le moyen de conversion et de salut de tous les peuples. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Alors je lui rappelai les paroles du Christ le soir avant de mourir, alors qu'il prononça une bénédiction sur la coupe, annonçant que dans sa mort serait scellée une nouvelle alliance pour le pardon des péchés 'de la multitude', qui est une expression sémitique pour désigner tout le monde. Donc la mort de Jésus était en faveur de tous. Donc Dieu veut que tous soient sauvés. Mon prof me répondit: "Il existe une réponse encore plus claire."

Enfin, j'avouai que j'étais vaincu. Je ne connaissais pas la réponse désirée et je la lui demandai. Et il me montra le texte que nous proclamons en ce dimanche, I Timothée 2,3: "Dieu, notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité." Et je me suis mis d'accord avec lui: il ne pouvait y avoir de réponse plus claire que celle-là!

La damnation ne fait pas partie du plan de Dieu, ni l'enfer. L'enfer est une création humaine, la conséquence du refus d'accueillir le plan de Dieu sur soi. Nous commençons à créer des enfers autour de nous lorsque nous nous détournons de Dieu, lorsque nous nous refermons sur nous-mêmes dans notre orgueil et notre égoïsme. Nous nous préparons un enfer éternel lorsque nous choisissons ce repli sur soi, ce refus de l'amour, comme notre façon ultime d'exister. Et cet éternité d'enfer n'est rien d'autre qu'une solitude sans fin, une aliénation éternelle.

Telle n'est pas la volonté de Dieu pour nous. Telle n'est pas la volonté de Dieu pour aucun être humain. Et ce n'est pas ce que nous désirons pour nous-mêmes. Ouvrons-nous donc dès maintenant à la volonté de Dieu, aujourd'hui, demain et pour toujours. Car Dieu ne veut rien de moins que le bonheur de chacun, de chacune de ses enfants, maintenant et pour l'éternité.




Domaine des Pères de Sainte-Croix, Lac Simon













mercredi 11 septembre 2013

Autour d'un feu de camp

Lire I Timothée 1,12-17

Un jour, un paroissien m’a partagé sa frustration avec son fils adolescent qui refusait d’aller à l’église le dimanche avec sa famille. J’ai lui ai demandé comment il avait réglé cette question. « Je lui ai dit que tant qu’il vivait sous mon toit, il se conformerait à mes règles, et l’une des mes règles c’est de se rendre à l’église le dimanche! “À cela, je me suis tu. L’homme, mal à l’aise avec mon silence, m’a enfin demandé ce que j’aurais dit. Je lui ai répondu : ‘Peut-être que j’aurais partagé avec votre fils les raisons que j’ai, moi, de fréquenter l’Église. ‘Maintenant, c’était à son tour de se taire. J’ai donc continué : ‘Pouvez-vous me dire pourquoi vous allez à la messe?’ Perplexe, il m’a répondu : ‘Je n’y ai jamais vraiment pensé. ’

J’ai souvent raconté cette histoire pour illustrer la nécessité pour les croyants de réfléchir à leur foi afin de pouvoir la partager avec d’autres. Et partager notre foi avec d’autres n’est pas une option, ça fait partie de l’être chrétien. Jésus a confié à tous ses disciples cette tâche de partager la Bonne Nouvelle. Assurément, il y a diverses façons de le faire, certaines plus respectueuses que d’autres, peut-être plus fructueuses aussi à la longue. Par exemple, raconter à son enfant pourquoi l’on croit devrait naturellement faire partie de la tâche parentale, tout en s’assurant qu’on respecte les réactions de l’enfant lui-même.

Ceci étant dit, pourquoi donc un jour suis-je demeuré presque aussi silencieux que mon paroissien avec son fils alors que je participais à une épluchette de maïs lors d’une fête du Travail avec quelques familles. Pendant le feu de camp, j’ai chanté quelques chansons. L’un des adolescents présents a fait un commentaire élogieux au sujet de ma voix. J’ai expliqué que j’avais étudié l’opéra comme un jeune adulte. Il m’a demandé : ‘Pourquoi êtes-vous devenu prêtre, alors? ‘J’ai répondu en plaisantant :’ Pensez-vous que je suis devenu prêtre parce que je ne pouvais rien faire d’autre?’ Il a ri, mais n’a pas lâché : ‘Alors, pourquoi avez-vous abandonné une carrière dans la musique et choisi le ministère? ‘Je gardai le silence pendant un moment. Était-ce parce que tout le monde écoutait cette conversation? Était-ce parce que je sentais qu’il s’agissait d’un sujet trop sérieux pour en discuter autour d’un feu de camp avec des inconnus? En tout cas, j’ai haussé les épaules et dit : ‘Je voulais aider les gens. ’ Il a simplement répondu : ‘Oh. . .’ et puis a changé de sujet. 

Pourquoi n’ai-je pas été capable de lui dire le sens que la foi donne à ma vie? Pourquoi n’ai-je pas été en mesure de partager ma joie de croire en Jésus-Christ, et mon désir profond de faire connaître cette joie à d’autres? Pourquoi n’ai-je pas été capable d’exprimer la plénitude de vie que je ressens à cause de ma foi?

Dans la lecture d’aujourd’hui, Paul partage sa foi avec son jeune ami Timothée : il n’a pas honte et sa langue n’est pas liée. Il affirme simplement : ‘Je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus Christ. . . Le Christ m’a pardonné. . . La grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l’amour. . . Il m’a fait confiance en me chargeant du ministère. . . »

Si seulement nous étions tous capables, comme Paul , de simplement nommer toutes nos raisons de rendre grâce. Si seulement nous pouvions partager ces motifs simplement et joyeusement avec ceux qui nous entourent. Peut-être pourrions-nous suivre l’exemple de Paul cette semaine, et tenter d’expliquer à un ami ou un voisin comment notre foi nous donne force, joie et espoir? Qui sait? Nous serions peut-être en train de donner ce cadeau à quelqu’un qui en a vraiment besoin.

dimanche 8 septembre 2013

Esclave, mon frère

Lire la lettre de saint Paul à Philémon

Paul a un ami, Philémon, qui est devenu chrétien grâce à Paul. Philémon a un esclave, Onésime. Ce dernier a fait tort à son maître et s’est enfui de Philémon (ce qui est contre la loi de l’Empire romain) pour se réfugier auprès de Paul qui est en prison. Paul l’accueille, l’aide à découvrir l’amour du Christ et l’emmène à la foi. Onésime, comme Philémon, devient chrétien grâce à Paul.

Mais Paul a un problème. La loi ordonne qu’Onésime retourne à Philémon, et Paul voudrait qu’Onésime obéisse à la loi. Mais il voudrait aussi qu’Onésime ne soit plus un esclave, mais un homme libre. Seul Philémon peut lui rendre la liberté civique. Alors, Paul écrit cette petite note à Philémon, pleine de tendresse et de tact. Il invite Philémon à pardonner son tort à Onésime et à l’accueillir non plus comme un esclave, mais comme un frère dans le Christ.

Pourquoi a-t-on gardé dans la Bible cette petite note, ce mémo personnel de Paul à Philémon? Elle est tellement courte qu’on en fait presque toute la lecture à la messe d’aujourd’hui. Mais sa brièveté et son ton amical cachent un enseignement qui est révolutionnaire. Car Paul y suggère que la fraternité qui s’installe entre les hommes et les femmes disciples du Christ est plus fondamentale que les distinctions sociales qui construisent les cultures humaines.

L’esclavage était une institution essentielle au fonctionnement de l’économie de l’Empire romain. À ce titre, il était structuré et protégé par la loi, mis en application par les autorités, accepté inconditionnellement par tous les citoyens. Mais Paul ose prétendre que l’Évangile peut servir à construire un autre type de société où chaque personne est reconnue dans sa dignité inhérente. À travers Philémon, c’est à l’humanité tout entière que Paul s’adresse.



La note de Paul à Philémon garde toute sa pertinence dans notre monde contemporain. L’esclavage existe toujours, sous des formes cachées, mais peut-être encore plus terribles que dans le passé. Il n’est plus protégé par la loi, il peut même être proscrit par la loi, mais il continue à faire ravage. La traite des personnes existe encore aujourd’hui. Des personnes -- femmes et enfants -- sont exploitées comme esclaves sexuels. Et que dire de tous ces hommes et ces femmes du tiers-monde qui travaillent pour une pitance dans des conditions horribles : cela aussi, c’est de l’esclavage.

Et nous, qui profitons de ce système économique, nous sommes les nouveaux Philémons. Paul nous invite à sortir de notre confort, à ne pas nous laisser endormir par notre richesse, à ouvrir nos yeux afin de reconnaître dans tous ces pauvres nos frères et nos sœurs.

Paul dit à Philémon au sujet d’Onésime : « Si tu penses être en communion avec moi, accueille-le comme si c’était moi. » Comment ne pas penser à la parole de Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

L’Évangile contient une semence révolutionnaire qui pourrait changer le monde. Il en dépend de nous qu’il germe et porte fruit.