samedi 18 octobre 2014

Synode - Jour 11

Le rapport final est maintenant publié. Les médias concentrent l'attention du grand public sur deux questions: l'accès des divorcés-remariés aux sacrements et l'accueil des homosexuels. Il faut donc que j'en parle.

De ces deux questions, la première avait été soulevée bien avant le Synode par le Cardinal Kasper dans une intervention remarquée devant les Cardinaux du monde en février dernier. Rejetée publiquement par d'autres cardinaux à la fin de l'été, elle a retenu l'attention de nombreux intervenants durant le Synode et, de fait, beaucoup d'énergie y a été consacrée. Un paragraphe présentant les deux approches discutées (le maintien de la présente discipline et l'ouverture à un changement) ainsi qu'un paragraphe connexe n'ont pas reçu l'approbation des deux tiers des membres, même si une grande majorité l'appuyait. Cela n'empêche pas que, dans les faits, ces deux approches ONT été discutées, et avec passion. Le Pape François a décidé qu'on publie tout le texte du rapport final, même les paragraphes qui n'ont pas reçu le deux tiers des voix. J'imagine donc que cette discussion n'est pas finie, et qu'elle sera reprise dans les conférences épiscopales du monde durant l'année qui vient alors que nous préparerons le Synode général ordinaire de 2015

Sur la question de l'accompagnement pastoral des homosexuels, un paragraphe proposait simplement de rappeler l'enseignement de l'Église: pas question d'une équivalence entre le mariage et une relation homosexuelle; affirmation de la dignité de chaque personne et refus de discrimination à l'égard des personnes homosexuelles. Ce paragraphe aussi a été appuyé par la majorité, sans atteindre les deux tiers. Pourquoi certains évêques n'ont-ils pas appuyé ce texte qui, en somme, n'était qu'une répétition de l'enseignement reçu? J'ai l'impression que plusieurs auraient voulu un langage plus ouvert, plus positif. Ne le retrouvant pas, ils auraient indiqué leur désapprobation du paragraphe. Mais celui-ci aussi est publié, et il faudra continuer la réflexion.

Mettons donc ces deux questions importantes de côté pour un moment. Le synode n'avait pas comme thème 'La communion aux divorcés-remariés et l'accompagnement des homosexuels', mais bien 'les défis pastoraux de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation'. Et sur cette question, que disent les 58 autres paragraphes du texte? Que faut-il retenir du travail de ce synode? A-t-il fait du nouveau?

Je réponds: absolument! Il a fait du nouveau au moins sur un point: il a consacré une approche pastorale très précise, une approche qui est plus attentive à ce qu'il y a de bon dans les personnes qu'à ce qui ne va pas; une approche qui parle moins du péché à éviter que de la grâce à poursuivre; une approche qui est moins centrée sur les défauts de nos sociétés et plus attentives aux 'pierres d'attente' qu'on peut y trouver pour l'accueil de l'Évangile. Il ne s'agit pas d'être naïfs ou bonasses, mais plutôt de miser sur la force de l'Esprit de Jésus-Christ déjà présent au coeur des êtres humains, même ceux qui se croient très loin de Dieu.

Cette approche n'est pas nouvelle: beaucoup d'intervenants pastoraux la pratiquent déjà. Mais c'est la première fois - à ma connaissance - qu'un texte de ce genre vient lui donner son aval. Encore plus, il en donne le fondement biblique et doctrinal, et il invite tous les intervenants de l'Église à la mettre en oeuvre.

Ça, c'est nouveau. Et je m'en réjouis. Dans un certain sens, nous avons fait pour la vie de famille ce qu'a fait le Concile Vatican II pour la liturgie et pour l'oecuménisme: donner un feu vert à une pastorale déjà émergente dans l'Église, lui assurer un socle théologique, et inviter toute l'Église à la faire sienne.

Je ne sais pas si les médias y porteront beaucoup d'attention. Mais pour moi, en tant qu'évêque, et pour beaucoup de responsables de paroisse et de communautés chrétiennes, c'est capital. Et pour cela, je remercie le Pape de nous avoir convié à ce grand travail d'Église.

vendredi 17 octobre 2014

Jour 10

Mon rapport sera court aujourd'hui. En cet avant-dernier jour des assises du Synode, l'équipe du Cardinal Erdo travaillait à intégrer dans le rapport final toutes les suggestions qui avaient été remises par les petits groupes hier, ce qui a permis à la majorité d'entre nous de faire la grasse matinée. Mais cet après-midi, nous nous sommes retrouvés pour la première lecture du message final (celui sur lequel j'ai travaillé). Avec l'aide d'un prêtre belge, assistant au Synode, j'en ai assuré la traduction française. 

Après la lecture du texte, on a ouvert la discussion: plus de 50 évêques ont pris la parole. Tous leurs discours commençaient ainsi: « Nous remercions la commission du message pour son excellent travail. Le texte est bref et le ton est bon. Mais... » et là commençait la requête d'ajouter une phrase ici, d'ajouter un paragraphe là, de ne pas oublier telle problématique, de nommer tel groupe pour l'excellent travail qu'il fait, de reconnaître telle contribution... parfois, je me sentais comme si le Synode de l'an prochain venait d'être lancé!  

De toute façon, immédiatement après la discussion (qui a fini à 19h), les membres de la commission se sont rencontré pour reprendre toutes ces recommandations et voir comment les intégrer au message sans lui faire violence. Après quelques sandwichs et plusieurs verres de jus, je crois que nous y sommes arrivé. À 21h30, j'ai pu reprendre le chemin du retour... accompagné du Cardinal Wuerl de Washington, qui venait de terminer le travail bien plus important de la préparation du rapport final. L'équipe venait d'en terminer la dernière lecture, après un jour et demi de travail. Quel courage. J'ai hâte de voir le produit fini demain... comme vous, d'ailleurs. Alors, prenons tous un grand souffle, et confions ce beau projet au Souffle de Dieu, l'Esprit-Saint!


jeudi 16 octobre 2014

Synode - Jours 8 et 9

Merci pour tous les souhaits de bonne santé. Ça fonctionne: je tousse moins et respire mieux. Louez soit le Seigneur!

Après le jour 7, alors que nous avions passé la journée à discuter en groupes linguistiques de la 'relatio post-disceptationem', le jour 8 a été consacré aux amendements proposés à ce texte. Mgr Léonard, notre 'relator', a fait un travail admirable en reprenant les idées que nous avions exprimées le jour 7 et en rédigeant un nombre considérable d'amendements que nous avons repris, presque mot par mot, et votés, un après l'autre. En effet, pour qu'un amendement soit retenu par l'équipe centrale du synode, elle doit recevoir deux tiers des votes du groupe linguistique.

Certains amendements se limitaient à l'ajout d'un mot. D'autres consistaient dans la ré-écriture complète d'un numéro. Nous avons réussi à trouver les mots qui ont permis à l'ensemble du groupe d'appuyer chacun des amendements, mais c'est un travail ardu, qui exige écoute et respect, créativité et patience. Parfois, un membre du groupe proposait l'expression A, alors qu'un autre proposait l'expression B... et la discussion s'animait entre les deux expressions, jusqu'à ce que quelqu'un propose une expression C à laquelle tous se ralliaient. Il ne s'agissait pas toujours de trouver la 'via media' entre les deux expressions, mais de chercher la nouvelle voie que tous pouvaient emprunter en se sentant respectés et compris. 

À la fin de l'exercice, les trois couples laïcs ont exprimé leur grande satisfaction, leur joie même, à l'issue de l'expérience que nous venions de vivre. Je tiens à dire qu'ils sont tous de haute formation, experts en leurs domaines, d'une grande expérience dans l'enseignement de l'Église et l'engagement dans la pastorale familiale. Voilà pour le jour 7.

Le jour 8 était plus court que les autres. En effet, la matinée était consacré à l'approbation en petits groupes du rapport de nos relateurs respectifs, et de la lecture de tous ces rapports dans la grande salle. Ces rapports devraient tous être publiés sous peu. Je vous invite à les consulter pour vous faire vous-même une idée de la discussion qui a eu lieu dans chacun des groupes linguistiques, de la richesse des propos, du sérieux de la démarche. 

Maintenant commence le travail sérieux: l'équipe du Cardinal Erdo, enrichie par des délégués des cinq continents nommés par le Pape, doivent étudier tous les amendements (il y en aura au moins deux cents, j'en suis certain) et ré-écrire la 'relatio post-disceptationem' pour en faire la 'relatio finale'. La première version de cette 'relatio finale' nous sera présentée samedi matin. C'est pourquoi tous les autres membres du synode (moi inclus) pouvons nous reposer cet après-midi et demain-matin alors que les membres des cette équipe spéciale cherchent à pondre un texte qui saura rallier la grande majorité des voix.

Quant au 'message' sur lequel j'ai travaillé, notre texte original, très poétique et biblique, a dû être abrégé à la demande du Secrétariat du synode. Il s'agira donc d'une courte lettre de salutation adressée aux familles du monde. Mais je garde les belles idées en tête pour une ou deux homélies à venir. Il ne faut pas perdre le fruit de notre travail!

mardi 14 octobre 2014

Synode - Jour 7

J'ai vécu aujourd'hui un beau moment d'Église. Une vingtaine de cardinaux, d'évêques et de prêtres de partout dans le monde, assis avec trois couples pendant six heures, à retravailler les divers points soulevés par la ' relatio post-disceptationem '. J'ai été frappé par la qualité des interventions, l'intensité de l'écoute mutuelle, la confrontation des expériences et des cultures et la grande variété des questions discutées. J'ai admiré l'effort soutenu de faire dialoguer la sagesse séculaire de l'Église avec le monde contemporain. La vision profondément humanisante de l'Évangile habite les participants à ce Synode. 

Comment avons-nous travaillé? Simplement en prenant le texte numéro par numéro et en réagissant à partir de nos préoccupations, de nos enthousiasmes, de nos convictions. La confrontation des idées permet d'arriver à une formulation où chacun se retrouve. 

J'admire le travail de notre modérateur, le Cardinal Schönborn de Vienne, qui permet à chacun et à chacune de s'exprimer librement et avec respect, tout en assurant que nous avancions efficacement... car il faut aller jusqu'au bout du texte. Notre secrétaire, Monseigneur Léonard de Bruxelles, manifeste un talent exceptionnel de synthèse et un sens d'humour fin et taquin. 

Demain, nous discuterons les modifications au texte qui auront été préparées par Mgr Léonard à partir de nos propositions. Quelques-uns parmi nous présenterons aussi quelques paragraphes sur des thèmes qui n'ont pas été assez développés dans le texte. Moi-même, je préparerai quelque chose sur l'impact de l'internet sur nos familles, un thème qui me tient à coeur. Un petit travail que je dois faire avant de me coucher ce soir. 

Et sur ce, je vous souhaite bonne nuit.

P.S.: Petite coquille sur mon blogue hier soir. J'aurais dû parler de la béatification de Paul VI dimanche prochain, non de sa canonisation. Merci aux amis qui me l'ont fait remarquer.

lundi 13 octobre 2014

Synode - Jour 6

Ceux et celles qui suivent mon blogue assidûment (il y en a trois ou quatre, je crois) verront que j'ai sauté le jour 5 du Synode. Non parce que ce n'était pas intéressant. Ce que j'ai attrappé une bon rhume d'homme (qui, comme tout le monde le sait, est tellement plus pénible qu'un rhume de femme). Alors, pauvre de moi, je tousse, j'éternue, je me mouche, j'ai mal à la gorge... et tout ça dans une chaleur et une humidité dont se plaignent même les Romains. En effet, ce mois d'octobre ressemble aux chaleurs les plus pénibles du mois de juillet à Gatineau. Alors, je n'avais pas trop d'énergie pour me mettre à ramasser mes idées pour mon blogue... d'autant plus que je devais travailler un peu sur le message du Synode. En effet, j'ai été élu membre du comité qui doit préparer un message pour les familles du monde au nom des évêques rassemblés ces jours-ci à Rome. Nous sommes habillement dirigés par le Cardinal Gianfranco Ravasi, homme de grande culture, bibliste, écrivain de longue date. Avec lui, le travail est facile. Nous avons passé du temps vendredi et encore aujourd'hui à peaufiner ce texte qui sera publié le dernier jour du Synode. Je crois qu'il sera beau.

Entretemps, nous avons fini les interminables discours de 4 minutes des évêques du monde (il y en a eu presque 200!). Je dois admettre qu'après avoir vécu ce procédé deux fois (la première fois lors du Synode sur l'Eucharistie en 2005), je voudrais que le revoit sérieusement. Il y a certainement d'autres procédures plus efficaces, intéressantes et fructueuses à étudier. J'espère qu'on fera une bonne évaluation de ce processus après ce Synode.

Ce matin, on nous a présenté la «relatio post-disceptationem», c'est-à-dire, le résumé de nos discussions de la semaine dernière. J'admire le Cardinal Erdo et son équipe: ils ont réussi en deux jours à préparer une synthèse qui se tient, dans un langage ouvert et engageant. Mais un problème sérieux se présente: ce texte n'est qu'un instrument de travail qui sert à faire le point et à cerner les questions dont il nous faut maintenant débattre. Malheureusement (d'après moi) on l'a rendu publique, et les médias y voient la position du Synode, alors qu'il s'agit d'un échantillon des options qui ont été présentées jusqu'à ce jour. Maintenant, il nous faut trouver un langage commun, une vision qui saura rallier la grande partie des évêques. Il s'agit d'un travail d'écoute mutuelle où chacun ajuste ses positions en fonction de la sagesse qu'il entend chez les autres. Je crois que le texte final sera assez différent -- au moins sur certains points -- de la «relatio» qu'on nous a présenté aujourd'hui. Et on risque de voir tout un jeu médiatique pénible dans les jours qui suivront. Je dois dire que je commence mieux à comprendre ce qui s'est vécu lors des sessions au Concile Vatican II il y a cinquante ans!

Je finis sur un ton positif. Ce soir, je suis allé écouter un 'concert spirituel' organisé par mon amil, le Père Pierre Paul, directeur de musique à la Basilique Saint-Pierre. Ce concert était construit autour de quelques pièces de Bach et de Handel, entrecoupées de textes nous présentant l'itinéraire spirituel du Pape Paul VI, dont nous célébrerons la canonisation ce dimanche pour conclure le Synode. Ce concert a été un beau moment de prière pour moi, un temps de ressourcement qui m'a fait découvrir la grandeur d'âme de ce grand Pape trop peu apprécié dans le monde. En cette fête canadienne de l'action de grâces, je dis merci à Dieu pour la musique, signe indéniable pour moi de l'existence de l'âme et de la transcendance de l'être humain. Bon soir à tous!

jeudi 9 octobre 2014

Synode - Jour 4

Depuis hier après-midi, nous discutons des situations qui ne correspondent pas à la figure de la famille chrétienne telle que dessinée par Jésus. En particulier, nous avons discuté de l'accompagnement des couples divorcés-remariés et des polygames qui, en Afrique, sont tout à fait acceptés dans la culture. La discussion s'est centrée sur la question de l'accès aux sacrements de la réconciliation et de l'Eucharistie. 

Certains disent NON: pour eux, la réalité objective de la non-correspondance à la loi du Christ, soit au niveau moral, soit au niveau sacramentel, empêche l'accès aux sacrements. Selon eux, il faudrait plutôt inviter à la communion spirituelle.

D'autres disent OUI: ce serait un signe de miséricorde en réponse au besoin sincère de se sentir proche du Christ. L'un d'eux a cité le prophète Isaie: « Vous qui avez faim, venez et mangez, sans payer de prix. »

Troisième voie: PARFOIS - tout dépendrait de la situation concrète de la personne, de son attachement au Christ, de son cheminement personnel. Il faudrait discerner chaque cas. 

Presque tous suggèrent d'aider ces couples à être libérés de leur premier lien afin d'en assumer un nouveau dans l'Église, lorsque c'est possible: d'où l'appel à : i. une simplification du processus de nullité;  ii. l'établissement d'un processus administratif pour certains cas ; 3. une compréhension plus large et une utilisation plus généreuse de privilège paulinien de dissolution des mariages en certains cas par le Pape; iv. la gratuité du processus.

Ma position personnelle? Il me semble qu'on devrait étudier cette question dans une démarche plus globale, une pastorale d'ensemble pour les personnes qui vivent l'échec de leur mariage. Reconnaissons que, dans certains cas, ces personnes vivent une expérience spirituelle profonde. Les évêques ne pourraient-ils pas alors avoir la liberté d'inclure l'accès aux sacrements comme élément de cette pastorale?

Une chose est certaine, tous les évêques au Synode sont POUR l'indissolubilité du mariage et POUR un accompagnement miséricordieux de ceux qui connaissent l'échec. Il ne s'agit pas de choisir entre les deux, mais de savoir comment les articuler concrètement dans les diverses situations qui se présentent à nous.

Une dernière remarque: je suis frappé par la place que prennent les histoires personnelles des individus, des couples et des familles dans nos discussions. Les évêques citent des histoires; les observateurs nous racontent leurs histoires; et derrière certaines interventions je sens une histoire personnelle très concrète. Il me semble que le Synode nous invite à passer d'une théologie purement déductive (qui part des principes pour les appliquer dans les situations concrètes) à une théologie plus inductive (qui part des situations concrètes pour en tirer des principes). Évidemment, cette distinction ne doit pas être tenue de façon absolue, mais plutôt en équilibre, en tension saine et fructueuse. Elle rappelle que l'expérience concrète des chrétiens et des chrétiennes est aussi un 'lieu théologique', une source de compréhension pour les chemins de Dieu.

mercredi 8 octobre 2014

Synode - Jour 3

J'ai pensé aujourd'hui vous partager quelques-unes des phrases que j'ai notées durant les interventions des évêques. Aujourd'hui, nous discutions des défis particuliers des familles dans diverses régions du monde ainsi que de certains problèmes particuliers dans la pastorale de l'Église. J vous rappelle que nous avons écouté à peu près 60 interventions de 4 minutes. En voici donc un échantillon:

Amérique latine: La réalité c'est que très peu de familles sont des écoles de foi. Le christianisme est peu profond dans ces familles. Il y a plus de religiosité chrétienne que de foi chrétienne chez nous. Par contre, le peuple latino-américain valorise beaucoup la famille. Puisque la famille initie à la vie, elle doit apprendre à initier à la foi. 

Moyen Orient: La vie chrétienne est vive, les familles fortes. Mais elles sont sujettes à des pressions externes terribles: guerre, lois, fondamezntalismes religieux, pauvreté. Sans parler des réfugiés et des immigrants économiques.

Amérique latine: La culture machiste facilite une violence qui affecte les femmes et marque les enfants pour toute leur vie. Le chômage élevé crée une atmosphère d'anxiété qui blesse les familles. La réalité de l'immigration entraîne la séparation de fait de nombreux couples.

Afrique: Un changement culturel menace l'Afrique. Certaines valeurs traditionnelles africaines rencontrent facilement la vision chrétienne. Mais la poussée de la mentalité de l'occident chamboule tout, et ces valeurs sont vidées de leurs contenus. Des théories du genre minent la notion du mariage, de la paternité et de la maternité.

Amérique latine: La précarité de la vie et des valeurs causée par la pauvreté isole les personnes, surtout les enfants et les aînés. L'isolement des familles pauvres les rendent plus que fragiles. Ceux qui ne trouvent pas de travail se sentent inutiles. Il faut faire plus que dénoncer les effets de l'économie d'aujourd'hui: il faut chercher à en changer les structures.

Afrique: Le besoin de s'exiler pour travailler crée des pressions internes terribles sur la famille. Il n'est pas normal que des mesures technologiques bancaires crucifient nos familles. Notre vraie richesse se trouve dans nos enfants. Et notre vraie finalité n'est pas l'argent, mais le ciel. 

Afrique: Le mariage traditionnel chez nous est régi par les familles, de vit en étapes, culminant dans la naissance de l'enfant. Le couple décide alors de faire inscrire son mariage. Mais dans les couples mixtes, la partie non-catholique n'est pas intéressée à célébrer un mariage sacramentel. Que faire en ce cas? Est-ce qu'on ne pourrait pas reconnaître canoniquement le mariage civil?

Europe: La croissance du nombre de couples qui choisissent de faire vie commune sans mariage, ni civil, ni canonique. Quel rapport entre l'Église et ces couples? Nous devons assurer une meilleure formation des prêtres pour les accueillir et les accompagner.

Europe: Dieu est parfaitement juste et parfaitement miséricordieux. Pour nous, c'est difficile de tenir ces deux pôles à la fois, mais nous devons trouver ces chemins pour aujourd'hui. Les divorcés-remariés civilement: que pouvons-nous faire pour eux? Beaucoup ne sont pas intéressés, mais ils ont sont nombreux ceux qui souffrent. Comment les accompagner? Première condition: le respect inconditionnel. Il faut se mettre à la recherche des ces brebis perdues qui souvent n'osent pas parler. Il faut écouter avant de parler, il faut faire parler de la beauté du mariage. La beauté désarme et attire.

Afrique: La vérité, c'est Christ. Sa présence dans la vie de chaque chrétien est source de liberté. Mais la communauté doit manifester cette présence christique pour chacun de ses membres. Nous devons améliorer nos réponses aux situations difficiles: les familles fortes auraient un rôle à jouer en ce champ.

... Voilà quelques échos des propos entendus en ce jour. Il ne s'agit pas d'un résumé. Bien d'autres choses ont été dites. Mais peut-être serez-vous d'accord avec moi: il y a beaucoup de matière à réflexion. Comme l'a dit un des évêques: Une chance que le Pape nous donne une année pour y penser avant de revenir avec des suggestions. Nous avons beaucoup à faire!


lundi 6 octobre 2014

Synode - Jour 1

Aujourd'hui ont commencé les travaux du Synode. Pour vous aider à vous faire une idée du rythme de ces journées, voici mon horaire d'aujourd'hui. Réveil à 6h - prière du matin et office de lecture individuellement; messe à 7h, suivi du petit déjeuner; départ de l'autobus à 8h15 pour nous mener au Vatican, où la session commence à 9h30. Pause-café à 11h et continuation de la session jusqu'à 12h30. Retour à la maison, dîner et sieste. à 16h, l'autobus repart pour le Vatican, où se tient la session de l'après-midi, sans pause de 16h30 à 19h00. Retour à la maison pour souper à 19h30. Me voici donc rendu à 20h30 dans ma chambre pour répondre aux courriels du jour et rédiger le petit texte que vous lisez. Je pense que je dormirai bien ce soir.

Comme je l'ai écrit il y a quelques jours, c'est mon deuxième Synode. Ce matin, j'ai vu une première différence: le Pape était là 20 minutes avant le début de la session pour accueillir lui-même les participants en leur donnant la main. Il est descendu prendre la pause-café avec nous, jasant avec tous ceux qui l'approchaient. Quel vent de fraîcheur.

Et la démarche même du Synode est plus fraternelle. Les présidents parlent leur propre langue, plutôt que le latin. Les touches d'humour ne manquent pas. Il règne une belle fraternité dans la salle.

Ce matin, le Pape a pris la parole pour nous inviter à parler ouvertement, avec franchise; et à écouter attentivement, avec humilité. Ce sont les deux qualités nécessaires pour l'exercice de la synodalité - qui veut dire, littéralement, 'faire route ensemble'. Je crois que les intervenants l'ont pris au sérieux.

Ont suivi deux longs discours: le premier, du secrétaire du synode, nous a tracé le cheminement parcouru par le secrétariat depuis la dernière assemblée il y a trois ans; le second, plus théologique, cherchait à faire le point sur certaines questions dont nous aurions à discuter durant ces deux semaines. 

Et cet après-midi ont commencé les interventions des délégués. Chacun a le droit à quatre minutes pour partager son avis sur tel ou tel point de la discussion. Une amélioration par rapport aux autres synodes: les interventions suivent l'ordre de l'Instrument de travail (que vous pouvez retrouver ici - http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20140626_instrumentum-laboris-familia_fr.html.

Comme le sujet de mon intervention concernait un des premiers paragraphes, j'ai été un des premiers à prendre la parole. J'ai présenté quelques réflexions en lien avec le numéro 15 de l'instrument de travail: Quelques motifs de la difficulté de la réception (de l'enseignement de l'Église par le monde d'aujourd'hui). Ce que j'ai surtout voulu dire, c'est qu'il ne faut pas voir seulement ce qu'il y a de négatif dans le monde qui nous entoure. C'est vrai qu'il y a beaucoup de foyers brisés, d'enfants abandonnés, de personnes profondément blessées par les relations familiales. C'est vrai que la sexualité est vécue plus souvent comme une activité de loisir que comme un langage amoureux de don de soi profond à l'autre. C'est vrai que de moins en moins de couples choisissent de se marier. Mais il y a aussi des réalités positives vécues dans notre monde d'aujourd'hui. J'ai nommé l'engagement pour l'égalité des hommes et des femmes dans le mariage, le refus de toute violence faite aux enfants ou aux femmes, le rôle grandissant des pères dans la vie affective de leurs enfants, la place donnée à la communication, au respect, à la mutualité des relations. Tout cela est bon, doit être reconnu et célébré par les responsables d'Église. Ce sont comme des pierres d'attente où l'on peut accrocher la vision profondément humanisante que porte l'Église sur la famille, le mariage et la sexualité.

J'ai aussi affirmé que l'Église elle-même pourrait enrichir sa théologie du mariage en engageant ce dialogue avec le monde moderne. Les évêques avaient un grand pas dans cette direction il y a cinquante ans lors du Concile Vatican II. Nous devons les imiter en allant à la rencontre de l'autre, comme nous y invite le Pape François.

Voilà, c'est fait. J'ai vécu quatre minutes de grande nervosité (mes mains en tremblaient) et d'adrénaline. Plusieurs m'ont partagé des mots d'encouragement. Mais ce n'était qu'un discours parmi seize autres cet après-midi. Suivi d'une heure d'échanges libres où chacun disposait de trois minutes pour réagir à ce qu'il avait dit. 

Un évêque a résumé ainsi les propos de cet après-midi:

1. Nous avons un travail important à réaliser dans le renouvellement du langage de l'Église au sujet de la sexualité, du mariage et de la famille; nous devons entre autres passer d'un langage théologique et moralisant à un langage plus biblique et inspirant, qui saura élever les esprits et les coeurs et inviter au meilleur.

2. Nous devons apprivoiser la gradualité de l'expérience chrétienne qui s'élabore dans le temps, souvent assez lentement; d'où l'importance de l'accueil, de l'accompagnement pastoral, de la patience.

3. Nous devons poser un regard d'amitié sur le monde d'aujourd'hui en y cherchant les pierres d'attente (mon expression!) qui permettront d'engager un vrai dialogue des chefs de l'Église avec les gens qui vivent l'expérience de la famille.

Une journée bien remplie, un bon départ, un avant-goût de la richesse de la réflexion qui nous ttend dans les prochains jours. En attendant, je m'en vais me coucher. Bonne nuit!

dimanche 5 octobre 2014

Synode - Jour 0

Hier soir, j'ai intégré ma résidence pour les deux prochaines semaines: le Centre international d'animation missionnaire, situé dans l'enceinte de l'Université Urbaniana sur le sommet de la colline du Janicule en face de la Basilique St-Pierre de Rome. De fait, cette résidence assez modeste jouit d'une vue imprenable sur la Place St-Pierre. Allez à ce site - http://www.ciam-va.com/foto.html - pour y trouver diverses photos qui vous feront connaître ma nouvelle demeure temporaire. Cliquez sur 'camera' pour y découvrir ma chambre toute simple... et sur 'vista del terrazzo' pour jouir de la vue.

Le Secrétariat du Synode a assigné les lieux de résidences aux évêques participants. Je découvre celle-ci pour la première fois. Elle fait partie d'un complexe universitaire que le Vatican a construit au fil des siècles pour la formation spécifique des prêtres de ce qu'on appelait autrefois les 'pays de mission': l'Afrique, l'Asie et l'Océanie. De fait, la vingtaine d'évêques qui résident ici proviennent pour la majorité de ces pays. Au déjeûner, j'ai conversé avec Benjamin Ndiaye, évêque de Kaolack au Sénégal, où les chrétiens forment à peine 1% de la population, noyés dans une mer musulmane; avec Samuel Kleda, archevêque de Douala au Cameroun, qui s'inquiète de la corruption et de la cupidité des classes dirigeantes de sa région; et avec Ignatius Kaigama, archevêque de Jos au Nigéria, aux prises avec le terrorisme du groupe Boko Haran. Je prends rapidement conscience de l'universalité de notre Église catholique; de la diversité des expériences culturelles, politiques et économiques qui nous marque; du point de vue très particulier - et minoritaire - qu'est le mien, venant de l'Amérique du Nord riche, sécularisée et libérale. Nos perspectives sur les 'défis pastoraux de la famille' sont plurielles, nos préoccupations diverses. Je crois que nous allons vivre une rencontre internationale dans le sens profond du mot durant les prochains jours.

L'événement qui nous as réunis en ce jour festif et comme préliminaire du Synode, c'est la messe autour du Pape François. Dans une homélie courte et saisissante comme il sait les faire, il a fait le parallèle entre l'évangile du jour et notre synode. Jésus y présente la parabole de la vigne, dont les gestionnaires cherchent à contrôler le profit à l'encontre du projet du maître. Suivant la vieille tradition des psaumes et des prophètes, Jésus rappelle que la vigne, c'est le Peuple de Dieu. Le maître, c'est Dieu lui-même, qui cultive son Peuple «avec un amour patient et fidèle, pour qu’il devienne un peuple saint, un peuple qui porte beaucoup de fruits de justice». Et les gestionnaires? Aujourd'hui, ce sont un peu nous, les évêques. La question qui tue: sommes-nous comme les gestionnaires de la parabole, trahissant le rêve du maître par cupidité ou par orgueil pour en faire ce que nous en voulons? Le Pape poursuit: «Nous pouvons "décevoir" le rêve de Dieu si nous ne nous laissons pas guider par l’Esprit Saint. Que l’Esprit nous donne la sagesse qui va au-delà de la science, pour travailler généreusement avec vraie liberté et humble créativité.»

Amour du peuple, sagesse, liberté et créativité: voilà des mots-clés à retenir alors que nous entrons en synode. J'espère de tout coeur que ces mots caractériseront notre travail des prochains jours!

samedi 4 octobre 2014

Synode, jour -1

Samedi matin, aéroport de Frankfort, en route pour Rome. 

Demain commence la troisième assemblée extraordinaire du Synode des évêques à laquelle je participerai à titre de président de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Je serai un de 114 présidents de conférences nationales, en plus des chefs des Églises catholiques orientales, des responsables des dicastères qui forment la Curie romaine, des délégués nommés directement par le Pape François, d'observateurs, d'experts et de délégués fraternels: plus de 200 participants, si je ne m'abuse. 

Vous en connaissez certainement le thème: Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation. On en parle beaucoup depuis novembre dernier alors que le secrétariat du Synode envoyait aux conférences épiscopales un questionnaire au sujet de ces défis pastoraux, invitant les évêques à procéder à une large consultation. Il faut rappeler que ce Synode ne fera que dresser la table pour le Synode général qui aura lieu l'an prochain sur le même thème. 

J'ai déjà eu l'honneur de participer à un Synode, celui sur le thème de l'Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l'Église. C'était en 2005. Jean-Paul II l'avait convoqué et en avait fixé le thème, mais c'est Benoît XVI qui l'avait présidé. Je dois admettre que je n'avais pas été bombardé de lettres, de courriels, d'envois de livres et d'articles, de demandes d'interviews et de conseils de part et d'autre comme je le suis cette fois-ci. C'est signe de l'intérêt que suscite le thème, du suspense que provoque tout ce qui entoure le Pape François, du sérieux de l'enjeu de plusieurs questions qui y seront discutées. Il me semble que tout cela est de santé pour notre Église: l'échange de points de vue ne peut qu'enrichir notre réflexion et mieux orienter notre action auprès des familles d'aujourd'hui.

Assis devant cette grande fenêtre à regarder le soleil levant briller dans les hublots des avions qui arrivent et partent de Frankfort, j'essaie de cerner ce qui m'habite en ce moment. Si je suis honnête, je dois avouer que je me sens un peu débordé. Débordé par la tâche d'évêque diocésain qui est la mienne, par les responsabilités que j'essaie d'exercer dans un diocèse qui, comme tant d'autres, tente de se frayer un chemin d'Évangile dans la modernité qui est la nôtre. Cette semaine, je me suis retrouvé à tenter d'éteindre de nombreux petits feux: découragement de certains, déceptions d'autres, frustrations ici, incompréhensions là. Je n'arrive jamais à me mettre à jour dans la correspondance et les courriels. En plus de cela, j'ai une amie qui est proche de la mort. Elle est trop jeune, trop jeune.  

Je lis des articles très sérieux, très étoffés, au sujet des questions à étudier au Synode, et je voudrais prendre une année sabbatique rien que pour approfondir la théologie du marriage, la pastorale de l'accompagnement, le droit procédural ecclésial et la spiritualité. J'en ai tellement à apprendre.

Oui, je me sens débordé... et petit. Qui suis-je pour parler au nom des évêques du Canada dans cette auguste assemblée, alors que nous avons eu si peu de temps pour nous écouter les uns les autres sur ces sujets si importants? Mon expérience est si limitée, mon point de vue si partiel...

Mais voilà, il faut bien que quelqu'un y soit, que quelqu'un prenne la parole et engage le dialogue. Et, comme pour Matthias, le sort est tombé sur moi. Je dois donc me mettre sérieusement à la recherche de la volonté de Dieu sur moi, dans la prière, l'humilité et l'écoute. Et pour cela, je compte sur vous, amis lecteurs et lectrices: accompagnez-moi, accompagnez-nous tous, par votre prière quotidiennes au fil des deux prochaines semaines. Prions les uns pour les autres afin que tout le Peuple de Dieu puisse saisir ce moment pour réfléchir à nos familles, aux familles qui nous entourent, aux familles de la terre: puissions-nous relever ensemble les défis qui sont nôtres aujourd'hui 'dans le contexte de l'évangélisation'.

samedi 15 mars 2014

Les deux mouvements de la vie chrétienne

Lire Timothée 1 : 8-10


« Car Dieu nous a sauvés, et il nous a donné une vocation sainte. » Ainsi Saint Paul résume-t-il la vie chrétienne.

D’abord, nous sommes sauvés. C’est-à-dire que nous découvrons l’amour que Dieu a pour nous. Voilà une découverte qui nous libère de la peur, de tous ces besoins qui nous poussent au mal. La vie se présente alors non pas comme une épreuve à réussir mais comme un cadeau à ouvrir.

Ensuite, nous sommes envoyés. C’est-à-dire que nous découvrons la mission que Dieu a pour nous, la collaboration qu’il nous offre dans la réalisation de son plan d’amour. Ce n’est pas assez que nous soyons les sujets passifs de son amour, Dieu veut que nous devenions des joueurs actifs, engagés avec lui dans la venue de son Royaume de justice, de paix et de joie.

Notons bien : la vocation jaillit du salut, et non vice versa. Ce n’est pas parce que nous nous engageons à la suite du Christ que nous sommes sauvés : c’est parce que nous sommes sauvés que nous nous engageons à sa suite. Par exemple, je ne vais pas à la messe le dimanche « afin que » Dieu m’aime ; plutôt, je vais à la messe le dimanche « parce que » Dieu m’aime. Toute la beauté de la vie chrétienne se trouve dans ce petit revirement de perspective. Tout son défi également.

Dans les Églises catholiques, orthodoxes et anglicanes on retrouve trois sacrements d’initiation : le baptême, la confirmation et l’eucharistie.

Le baptême, c’est le sacrement du salut. C’est le rituel sacré par lequel nous sommes plongés dans la mort avec le Christ afin de vivre avec lui pour l’éternité. Nous devenons frères et sœurs de Jésus, enfants d’un même Père. Nos cœurs sont ouverts à son amour.

La confirmation, c’est le sacrement de la vocation. C’est le rituel sacré par lequel nous sommes oints de l’Esprit, envoyés avec le Christ porter au monde la Bonne Nouvelle par nous faisons, par ce que nous disons, par ce que nous sommes.

L’Eucharistie reprend ces deux mouvements en nous rassemblant pour goûter à l’amour de Dieu et en nous envoyant porter cet amour au monde. C’est pourquoi nous disons de ce sacrement qu’il est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.


Pour rester vivant, il faut respirer. Pour respirer, il faut faire entrer l’air dans nos poumons et ensuite le renvoyer dans l’espace. Les deux mouvements sont essentiels. Ainsi en est-il de la vie chrétienne : il faut accueillir en nos cœurs l’amour de Dieu et ensuite le renvoyer dans le monde. À tous les sept jours, la messe du dimanche nous donne l’occasion de respirer profondément, de redécouvrir que « Dieu nous a sauvés » et qu’il « nous a donné une vocation sainte. »

samedi 8 mars 2014

Un combat cosmique

Lire Romains 5, 12-19


Ce premier dimanche du carême nous présente un des textes les plus denses de saint Paul. Dans ce passage de la lettre au Romains, il nous dresse un tableau du conflit cosmique entre le bien et le mal, Jésus représentant les forces du bien et Adam, celles du mal.

Ça me fait penser à la série de films La guerre des étoiles où l’on représente l’univers soutenu par une « force » qui possède un aspect lumineux et un aspect ténébreux. Le protagoniste du film, Luke Skywalker, doit éviter de se laisser séduire par l’aspect ténébreux comme l’a été son père, Darth Vader. Il doit choisir entre ces deux aspects de la force universelle.

On pourrait comparer cette image d’une « force » dans La guerre des étoiles à la compréhension chrétienne de Dieu. Car, tout comme la « force » dans le film, le Dieu de Jésus-Christ soutient l’univers entier. Le cosmos jaillit de la toute-puissance de Dieu. Mais il y a deux différences fondamentales entre la « force » de ces films fictifs et la réalité de Dieu. D’abord, Dieu n’est pas une « force » impersonnelle, mais une puissance amoureuse, une présence compatissante. Et – ce qui est tout aussi important – il n’y a aucun aspect ténébreux dans le Dieu qui soutient l’univers. Pour Paul, Dieu n’est que lumière, compassion et amour. C’est en se détournant de Dieu et en se coupant de cette puissance amoureuse que l’on plonge dans les ténèbres et dans la mort.

C’est ce qu’a fait Adam dans l’histoire qui ouvre la Bible. En se détournant de Dieu, il s’est plongé dans les ténèbres avec toute sa descendance. Car il a inauguré un cycle de violence qui, depuis ce temps, caractérise l’histoire humaine, histoire dans laquelle nous sommes tous engagés dès notre naissance. Son refus de Dieu englobe et représente tous les refus qui suivront, les nôtres inclus.

Mais face à ces refus se dressent l’amour et la miséricorde inépuisables de Celui qui tient l’univers dans ces mains. Dieu envoie son Fils mettre fin au cycle de violence inauguré par Adam. Et cette violence, ce mal qui tisse sa toile sombre dans l’histoire humaine ne peut tenir dans la présence lumineuse du Christ. Comme le dit saint Paul, « le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure. » En effet, le don de Dieu dépasse la faute, la pardonne, l’efface, lui enlève tout son pouvoir néfaste.


Il s’agit pour nous de choisir avec qui nous nous tiendrons : avec Adam, notre grand-père fier, rebelle et pécheur, ou avec Jésus, notre grand frère obéissant, fidèle et plein d’amour. À la différence de Luke Skywalker, nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes dans ce choix. Dieu lui-même vient à notre secours : il nous donne son Esprit, sa puissance qui nous permet enfin de choisir la vie. Ouvrons donc notre cœur durant ce carême, accueillons l’Esprit de Dieu, choisissons la vie avec Jésus. Voilà ma prière pour nous tous en ce début de carême.