jeudi 22 septembre 2011

Vous avez dit humilité?

Méditation sur la deuxième lecture du

26e dimanche du temps ordinaire – Année A

Lire Philippiens 2, 1-11

Paul se réjouit de la qualité de la vie chrétienne qu’il reconnaît dans la communauté à Philippes. Il loue l’appui mutuel que se prêtent ces croyants et croyantes, l’encouragement qu’ils se donnent dans l’amour, la tendresse et la pitié qu’ils se manifestent. Voilà déjà un exemple à imiter pour nous, aujourd’hui. Trop de nos communautés sont anonymes, passagères. On se rencontre de temps en temps, même pour prier ensemble, mais par après chacun reprend son chemin, chacune mène sa propre vie. La communauté de Philippes nous invite à vraiment être attentifs à nos sœurs et à nos frères dans la foi, à les encourager dans leurs difficultés, à les appuyer, à les aimer.

Mais Paul lance un défi de plus à ses amis. Il les invite à aller jusqu’au bout en vivant dans l’unité. Et il leur indique une vertu qui pourrait les aider à faire ce pas de plus : l’humilité.

Voilà un mot piégé. Nous y attachons tellement de fausses images. On s’imagine qu’une personne humble c’est une personne qui ne donne jamais son opinion, qui dit toujours « oui » à tout ce qu’on lui propose. Une personne qui s’efface, qui s’éteint, qui disparaît. Une personne qui s’écrase. Une personne qui accepte d’être humiliée.

Mais on peut être humilié sans être humble. Ce sont deux réalités distinctes. Le mot humilité nous vient du latin « humus» qui veut dire « terre. » La personne humble, c’est donc celle qui garde bien ses deux pieds sur terre. Elle ne s’envole pas dans des fantaisies impossibles, mais elle fait fond sur le réel. Elle est capable de reconnaître ses dons comme ses faiblesses. Elle est capable d’accepter la responsabilité qui lui revient, même celle de leader.

La personne humble, c’est surtout celle qui se sert de ses dons pour élever les autres, plutôt que de s’élever elle-même. En cela, Paul nous dit que nous devons garder l’exemple de Jésus. Jésus s’est servi de ses qualités, de ses forces, non pas pour s’élever lui-même, mais pour nous élever. Il s’est servi de son pouvoir, non pas pour protéger son prestige et son autorité, mais pour donner force aux personnes sans puissance. Il a tout fait par amour pour nous.

C’est à cause de cet amour-là que Dieu l’a élevé au-dessus de tout dans la gloire de la résurrection. C’est à cause de cet amour-là que nous reconnaissons Jésus comme le Seigneur.

Paul nous invite à imiter cet amour-là dans nos relations et nos comportements. Il nous invite à être humbles comme Jésus a été humble : assez proche de la terre pour être capable d’y reconnaître les reflets du ciel.

dimanche 18 septembre 2011

Mourir, ou vivre?

Méditation sur la deuxième lecture

25e dimanche du temps ordinaire – Année A

Lire Philippiens 1,20-24.27

Depuis plusieurs mois, nous méditons la lettre de saint Paul aux Romains. Ce dimanche, la liturgie nous propose de changer de texte. Nous suivrons pour quelques dimanches la lettre que Paul écrivit aux Philippiens. Il faut retenir deux caractéristiques de cette lettre. Le première, c’est que Paul chérissait beaucoup cette communauté de la ville de Philippes : c’est là qu’il prêcha l’Évangile pour la première fois sur le continent européen. La deuxième, c’est que Paul rédige cette lettre à partir d’une prison, probablement à Éphèse. Il a été arrêté, on ne sait pas trop pourquoi, mais sa situation est dangereuse.

Cela explique la question qu’il se pose dans l’extrait d’aujourd’hui. Il ne sait pas s’il sortira mort ou vivant de cette aventure. Il ne sait pas, d’ailleurs, ce qu’il préférerait. Il est tellement convaincu que le Christ l’attend au-delà de la mort, que mourir ne l’épeure pas. Au contraire, il y voit un passage vers la gloire éternelle qui lui est réservée à cause de sa foi en Jésus. Par contre, il sait jusqu’à quel point son ministère est important pour ses amis de Philippes. Il veut les encourager, les instruire, les aider à grandir dans leur foi. S’il ne pense qu’à lui-même, il préfère mourir. Mais s’il pense aux autres, il préfère vivre et continuer son travail d’évangéliste.

On peut s’étonner devant une foi si grande, qui ne craint pas la mort, qui va jusqu’à la désirer. Mais ce qu’il faut admirer encore plus, c’est le critère que Paul choisit en décidant ce qui est mieux. Il ne cherche pas son propre intérêt, mais celui des autres. Il fixe sa décision en fonction de ce qui contribuera le plus au bonheur des autres. Il y a un mot pour cela : l’amour.

Du fond de sa prison, Paul continue à aimer ceux et celles qu’il a aidé à rencontrer Jésus. La prison ne l’empêche pas de se pencher sur leur sort, de s’inquiéter de leur bonheur. D’ailleurs, l’extrait d’aujourd’hui finit avec une parole d’encouragement à leur égard. Il les invite à rester forts et unis dans leur foi, en dépit des oppositions qu’ils peuvent rencontrer. Lui, qui est dans la peine, devient pour eux une source d’encouragement.

Jésus, sur la croix, pensait ainsi au bonheur des autres. Il pardonne à ses bourreaux. Il confie sa mère à son ami, Jean. Il est si facile, lorsque les choses vont mal, de se centrer sur soi, de ne penser qu’à ses propres douleurs. Jésus surmonte cette tentation et n’arrête pas d’aimer. Son apôtre Paul lui ressemble. Et nous ? Pouvons-nous continuer, au cœur de l’épreuve et du défi, à nous soucier des autres, à choisir leur bonheur ? Cela ne se fait qu’avec l’aide de l’Esprit. Mais cela se fait.

mercredi 14 septembre 2011

Pour une mort pleine de vie

Méditation sur la deuxième lecture

24e dimanche du temps ordinaire, Année A


Romains 14, 7-9

Nous avons tendance à imaginer la vie comme traçant une courbe dont le sommet serait atteint entre les âges de vingt et de quarante ans. Après cela, l’énergie diminuerait, les facultés faibliraient, les capacités de renouvellement s’amenuiseraient. Tranquillement, selon cette perspective, nous descendrions vers notre mort. Celle-ci ne serait que le point final d’une courbe descendante, l’effacement de l’être dans le silence et le néant.

La science a un mot pour dire cette dispersion graduelle de l’énergie : l’entropie. Dans sa phase ascendante, toute vie lutte contre l’entropie alors qu’elle se développe et se perfectionne. Mais la science nous dit que cette lutte est ultimement futile, que l’entropie gagne toujours puisqu’il est inévitable que la vie se désagrège lentement. La mort serait donc inévitable.

Saint Paul, lui, nous présente une vision bien différente. Il propose que la vie est une montée continuelle vers Dieu, une ascension vers le divin. Même la mort fait partie de cette montée, même la mort est prise dans cet élan dynamique qui nous porte vers le Seigneur. Selon Paul, la mort n’est pas l’aboutissement d’un processus de dégradation, mais l’étape ultime d’un processus de croissance.

« Nous vivons pour le Christ, nous mourrons pour le Christ » : le français ne traduit pas tout à fait le sens de Paul. Dans le grec original, l’expression sous-entend une direction, un mouvement. Le sens de Paul est plutôt celui-ci : la mort, comme la vie, est un élan dynamique de l’être tendu vers le Christ.

La mort est un élan dynamique? C’est loin d’être évident. Tout semble contredire cette affirmation. Et pourtant, lorsqu’on la voit dans la perspective de la foi, la mort prend une autre figure. Elle s’intègre au mouvement de la vie qui s’élance vers le Christ, elle en est comme une apogée et un point tournant. L’élan disparaît peut-être à notre regard mais il se poursuit dans l’éternité de Dieu.

Par contre, Paul nous rappelle que cela n’est pas automatique. Il y a un choix à faire pour qu’il en soit ainsi. Nous pourrions choisir une autre direction pour notre vie : nous pourrions choisir de vivre seulement pour nous-mêmes. La vie centrée sur soi aboutit à une mort centrée sur soi. Dans cette circonstance, la vision scientifique s’avère vraie : la mort ne sera que les points de suspension ajoutés à existence sans élan, sans ouverture à l’Autre. L’entropie aura alors le dernier mot.

Mais la résurrection du Christ nous libère de cette fatalité. Si nous vivons notre vie centrée sur le Christ, si nous faisons de notre vie un élan vers l’Autre et vers les autres, alors notre mort sera comme un tremplin nous projetant vers l’infini, plein d’énergie et d’amour.

jeudi 1 septembre 2011

Le vrai sens de l'amour

Une méditation sur la deuxième lecture du 23e dimanche du temps ordinaire, Année A

Lire Romains 13, 8-10

Les anciens Grecs se servaient de quatre mots pour parler de l’amour : latreia, la dévotion d’un fils ou d’une fille pour ses parents; philos, le lien durable de l’amitié; éros, l’émotion puissante souvent associée à la sexualité; agapè, le choix de placer le bonheur d’un autre avant le sien.

Le français ne jouit que d’un seul mot, amour, pour désigner toutes ces diverses réalités. Est-ce surprenant que nous ayons de la difficulté à comprendre l’amour, à en parler, à le protéger et à le faire grandir?

Notre culture populaire semble obsédée par un seul de ces aspects : l’éros. Les chansons, les films, les romans idéalisent cet amour sentimental, le voyant comme le sommet de la vie humaine. Évidemment, ce genre d’amour compte parmi les expériences les plus fortes qu’on puisse connaître. Mais il cache un problème sérieux. Il produit en nous des émotions si puissantes qu’on en vient à considérer l’autre simplement en fonction d'elles. L’autre n'a de valeur pour moi que s’il, ou elle, éveille ces émotions en moi. Ma relation avec l’autre devient alors possessive, jalouse, égocentrique. Je risque ainsi de détruire ce qui possédait tant de valeur pour moi. Cela aussi, les chansons, les films et les romans le racontent, tristement.

Lorsque Paul écrit, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, » il ne parle évidemment pas d’éros. Le mot dont il se sert, c’est agapè. L’agapè, c’est moins une émotion qu’un choix. Selon cette perspective, aimer quelqu’un c’est choisir son bonheur, considérer son bien avant le mien. En autres mots, l’agapè invite à trouver sa joie dans la joie de l’autre.

Lorsque saint Jean écrit « Dieu est amour », il se sert du mot agapè. Il veut nous faire comprendre que Dieu trouve sa joie dans notre joie, que Dieu ne désire rien de moins que notre bonheur. En Dieu, il n'y a que grâce et don. La Loi de Dieu veut nous rendre plus divins. Il n’est donc pas surprenant que cette Loi se résume dans l’invitation, « Trouve ta joie dans la joie de l’autre. »

On peut mieux comprendre, alors, comment Jésus pouvait dire « Aimez vos ennemis. » Il ne parlait ni d’émotion ni d’amitié ni de dévotion, mais d’un choix : de prendre soin de ceux qui nous font mal, de prier pour leur bonheur, de panser leurs blessures, de désirer leur joie. Nous apprendrons à aimer ainsi nos ennemis en commençant à aimer de même nos proches : époux ou épouse, parents ou enfants, compagnons et compagnes de travail ou de loisir, voisins. Nous pourrons commencer à réaliser les paroles de Jésus en trouvant notre joie dans la leur.

Paul nous rappelle que la seule vraie dette que nous ayons à leur égard se trouve là. Encore plus, c’est une dette que nous devons à nous-mêmes.