mercredi 31 octobre 2012

La Parole avant le texte


Lire I Thessaloniciens 2,7-13

En entendant l’expression « La Parole de Dieu, » on pense souvent à la Bible, au texte imprimé des Saintes Écritures. Cela va de soi, et c’est bien normal. Mais il est peut-être bon de se rappeler que cette Parole existait avant que le texte ne soit écrit. Le dernier verset de notre extrait d’aujourd’hui nous le rappelle.

Paul loue les Thessaloniciens parce qu’ils ont reçu son enseignement non pas comme une « parole d’homme, » mais comme la « Parole de Dieu. » Paul n’avait pas de texte à leur présenter à ce moment-là. De fait, cette lettre aux Thessaloniciens que nous lisons est le premier texte de ce qui deviendrait le Nouveau Testament. Au fil des années, on y ajouterait les autres lettres de Paul, les lettres d’autres apôtres, les récits des quatre évangélistes, l’histoire des actes des apôtres, la vision de Jean qu’on appelle l’Apocalypse. Mais avant que tous ces textes soient écrits, Paul annonçait la Parole de Dieu.

À quoi Paul se réfère-t-il donc? Il se réfère aux histoires que les autres apôtres lui avaient racontées et à sa propre expérience de conversion lorsqu’il rencontra le Christ ressuscité sur la route de Damas. Voilà le contenu de sa prédication et de son enseignement. Les histoires qui circulent au sujet de Jésus et la réflexion de la jeune communauté qui  prie et célèbre son Seigneur constituent la « Parole de Dieu » avant l'Écriture. L’Église, Peuple de Dieu, est le berceau dans lequel est né le texte que nous appelons aujourd’hui le Nouveau Testament.

Si l’Église est le lieu de naissance du texte, il est normal que l’Église soit aussi le lieu où le texte doit être proclamé, étudié et prié. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas lire la Bible tout seul. Mais même lorsqu’on la lit seul, il faut se rappeler qu’elle est née au sein de la communauté, et que c’est toujours la communauté qui la comprend, qui l’interprète, qui la transmet.

Ma grand-mère avait une boîte de photos. Lorsqu’on ouvrait cette boîte, il était important d’avoir notre grand-mère à nos côtés : elle seule connaissait l’histoire « derrière » la photo, elle seule pouvait nommer tous les gens dans la photo et en expliquer le sens. Les photos sont la trace de personnes et d’événements qui sont peut-être disparus aujourd’hui, mais dont l’impact sur la vie de notre famille est encore important. La Bible, c’est comme la boîte de photos, un témoin de cette grande aventure qu’on appelle l’histoire du salut; l’Église, c’est comme ma grand-mère qui a pris les photos, qui en connaît le sens, qui peut s’en servir pour nous faire entrer dans l’histoire vivante des personnages dont le premier est le Seigneur Jésus.

Croire à la « Parole de Dieu, » c’est plus que reconnaître la vérité d’un texte. C’est entrer dans l’histoire vivante que ce texte raconte, en communion avec l’Église qui lui a donné naissance. 

jeudi 25 octobre 2012

Prêtres de Jésus-Christ


Lire Hébreux 5, 1-6

Cette semaine, l’auteur de la lettre aux Hébreux nous parle des prêtres de l’Ancien Testament. Il faut savoir que ces hommes avaient comme tâche principale d’offrir des sacrifices au Temple de Jérusalem au nom des membres du peuple d’Israël. Pour être prêtre, il fallait être fils d’un prêtre, descendant du premier prêtre, Aaron, le frère de Moïse. Et les fils des prêtres n’avaient pas de choix, ils devaient accepter leur tâche. Comme il y avait beaucoup de prêtres en Israël, ils prenaient leur tour dans le service au Temple, en général deux semaines par année. Le reste du temps, ils gagnaient leur vie comme toute autre personne.

Notre texte d’aujourd’hui fait ressortir la compassion des prêtres pour les autres membres du peuple, puisqu’ils partagent leurs faiblesses et leurs besoins. Ils n’ont aucune raison d’être orgueilleux d’être prêtres, puisqu’ils n’ont aucun choix et aucun mérite : ils sont prêtres simplement parce que leurs pères l’étaient. Ce n’est pas un honneur que d’être prêtre, c’est un service qu’on doit assurer.

À bien des égards, le sacerdoce du Nouveau Testament est radicalement différent de celui de l’Ancien Testament. D’abord, en Jésus, tout le peuple est sacerdotal, tous les baptisés participent à la prêtrise du Christ. Mais certains membres de l’Église participent d’une façon particulière au ministère du Christ envers le peuple. Avec le Christ et en Lui, ils offrent à l’Église un service de leadership : ils dirigent la vie et la prière du peuple, ils président aux sacrements du Christ, ils animent l’activité du Peuple de Dieu.

Par contre, ils ressemblent aux prêtres de l’Ancien Testament en ceci, qu'ils sont des hommes ordinaires solidaires des faiblesses et des besoins de tout le peuple. Ils ne sont pas là parce que leurs pères étaient prêtres, mais parce qu’ils ont ressenti dans leur cœur un appel du Seigneur. Cet appel n’est pas pour eux une source d’orgueil, car c’est un appel au service dans l’humilité.

Nous avons connu une époque où les prêtres étaient portés sur la main. Ils étaient comme juchés sur des piédestaux. On les considérait supérieurs au gens ordinaires de par leurs études plus poussées, leur autorité sur la communauté, leur engagement au célibat. Pourtant, ce sont des hommes bien humains. Ils ont leurs qualités et leurs défauts, leurs forces et leurs faiblesses. Ils commencent la messe en demandant pardon pour leurs péchés avec tout le peuple. Ils ont besoin du pardon et de la grâce de Dieu comme toute autre personne.

C’est seulement en étant profondément unis au Christ qu’ils peuvent assurer le service de leadership au cœur de l’Église, dans un esprit de compassion et d’humilité. Avec le Christ, ils veulent donner leur vie pour l’Église. Avec le Christ, ils se font serviteurs de tous.

vendredi 19 octobre 2012

Comment tenir "ferme dans la foi"?



Lire Hébreux 5, 1-6

Nous connaissons peu la communauté à laquelle la lettre aux Hébreux a été écrite. Ses membres, venus du judaïsme, auraient été enthousiastes au début; ils semblent s'être un peu refroidis, comme cela peut nous arriver. Et ils semblent faire face à de nouveaux défis, peut-être même des persécutions. Cette perspective les inquiète profondément, les décourage.

Ils nous ressemblent, n’est-ce pas? Nous aussi, nous connaissons ces temps d’ardeur, ces moments d’engagement intense où la foi en Jésus nous dynamise. Nous aussi, nous vivons ces autres moments de tiédeur, presque d’indifférence. Nous nous sommes tellement donnés; maintenant nous sommes fatigués. Nous voulons nous reposer.

Pourtant, l’auteur de cette lettre nous rappelle que le vrai repos ne se trouve que dans notre relation avec Dieu, en Jésus-Christ. Ce repos, promis pour l’éternité, nous pouvons déjà y goûter, mais à condition de rester attachés au Christ. Et ce qui nous encourage dans cet attachement, c’est le fait que le Christ aussi a connu notre fatigue. En effet, il n’est pas indifférent à nos détresses. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous. »

S’il a connu nos épreuves, il peut vraiment sympathiser avec nous. Le Christ, c’est la compassion de Dieu manifestée sur la terre. C’est la compréhension de Dieu révélée à l’humanité. Nous n’avons pas besoin d’avoir peur d’être incompris ou d’être rejetés lorsque nous nous approchons de Dieu.

Au contraire, le fait qu’il soit si proche de nous dans nos épreuves devient pour nous une source de courage. Nous pouvons, grâce à lui, nous avancer « avec pleine assurance vers le Dieu qui fait grâce. » Nous sommes confiants que nous recevrons « en temps voulu, la grâce de son secours. »

Voilà ce qui nous permet de « tenir ferme l’affirmation de notre foi. » Non seulement une foi faite de vérités à croire, mais une foi qui est confiance en Dieu, Dieu qui nous comprend si bien. Car la foi ne se vit pas seulement au niveau de la tête : elle se vit aussi, peut-être surtout, au niveau du cœur. Un cœur éprouvé qui trouve sa consolation dans l’amour d’un Dieu qui a aussi connu l’épreuve. Un cœur blessé qui trouve sa guérison dans le pardon d’un Dieu qui est venu jusqu’à nous. Un cœur fatigué qui trouve son énergie dans l’Esprit d’un Dieu qui est source de vie.

Écoutons ces mots adressés aux Hébreux d’il y a deux mille ans : ce sont des mots pour nous, mots de consolation, mots d’encouragement, mots de foi. Écoutons ces mots, accueillons-les dans la foi, et vivons-les au jour le jour.

mercredi 3 octobre 2012

Une oeuvre en chantier



Lire Hébreux 2, 9-11

Au menu cette semaine : une petite leçon de vocabulaire grec. Nous nous arrêtons à un verbe, téleioun, dont le sens est un peu compliqué. Il sert à désigner la consécration des prêtres juifs qui offraient des sacrifices au Temple de Jérusalem. Mais il veut aussi dire « rendre parfait » dans le sens de mener quelque chose à son accomplissement, à son achèvement. Un peu comme un artiste qui trace un croquis de son dessein, ensuite ajoute les couleurs, pour enfin travailler les détails : il mène son dessein à sa perfection, à son achèvement. C’est le sens du verbe grec, téleioun.

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux, ce verbe est important. Il s’en sert à plusieurs reprises pour parler d’abord de Jésus, ensuite des chrétiens. Il dit que Jésus à été « mené à son accomplissement » par sa mort sur sa croix. Ou, dans une autre traduction, Jésus « a été rendu parfait. » L’auteur affirme ainsi que toute la vie de Jésus est exprimée dans l’amour avec lequel il offre sa vie au Père et à nous. Sa vie atteint sa perfection dans ce geste ultime d’amour, de don et de pardon.

De plus, sa mort sur la croix met fin à tous les sacrifices d’animaux qui étaient offerts au Temple. Ces nombreux sacrifices, pourtant offerts avec dévotion et amour, ne peuvent pas égaler la puissance et la profondeur du sacrifice amoureux du Fils de Dieu qui se donne sur la croix. Ce sacrifice-là, il est éternel : il n’y a plus besoin d’autres sacrifices. La consécration de Jésus sur la croix mène à leur achèvement la consécration des prêtres du Temple de Jérusalem : Jésus est le grand-prêtre éternel.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Nous aussi, les disciples de Jésus, nous devons atteindre notre propre perfection, nous devons cheminer vers notre propre accomplissement. Il faut que nos vies aussi soient transformées par amour dans l’Esprit éternel qui a mené Jésus à son accomplissement. Ainsi, nos vies ne sont pas un cercle vicieux où les fins de semaine se succèdent les unes aux autres, semblables les unes aux autres. La vie humaine, c’est un projet, comme une œuvre d’art qu’il faut mener à sa perfection.

L’esquisse de nos vies nous est donnée avec notre enfance. Mais il faut y ajouter les couleurs de la foi, de l’espérance et de l’amour. Il faut être attentifs aux détails quotidiens où s’incarnent les valeurs de l’Évangile. Nous sommes en chantier : le meilleur est à venir. Téleouin, ce n’est pas seulement un mot grec, c’est le projet d’une vie.