samedi 28 avril 2012

"Voir" Jésus

Lire I Jean 3, 1-2

Dans le texte que la liturgie de ce dimanche nous propose, saint Jean nous dit que nous sommes déjà enfants de Dieu, mais la plénitude de cette réalité n’est pas encore réalisée. Il dit que ce n’est qu’à la fin des temps, lorsque sera révélé dans sa gloire, que nous serons comme lui, « car nous le verrons tel qu’il est. »

Pourquoi le fait de voir Jésus dans sa gloire est-il si important. Pourquoi serons-nous changés par cette vision ? C’est que « voir » quelqu’un, c’est plus que simplement le regarder avec nos yeux.

Lorsque je dis à quelqu’un : « Est-ce que je pourrais te voir pour quelques instants ? » je ne lui demande pas si je peux simplement le regarder pour deux minutes. Non, je veux être avec lui, avoir son attention, échanger avec lui. En somme, je désire un moment de d’interaction plus intense que d’habitude.

Lorsque je dis d’une personne aimée qui est absente depuis quelque temps : « J’ai bien hâte de la revoir, » je ne dis pas simplement que je veux admirer son visage. Si ce n’était que cela, une photo suffirait. Non, ce que j’exprime, c’est mon désir d’être avec cette personne, d’être présent à elle. Je veux aussi qu’elle soit présente à moi, qu’elle me donne de son temps et de son affection.

Lorsque je quitte quelqu’un en disant « Au revoir ! » j’exprime un souhait : non seulement allons nous nous re-voir, nous voir à nouveau, mais nous reprendrons le fil de notre conversation, nous enrichirons notre relation par notre partage, notre présence mutuelle, notre être-ensemble.

Voir Jésus dans sa gloire, c’est plus que l’observer de mes yeux. C’est entrer en relation plus profonde avec lui, c’est lui donner mon temps, mon attention, ma présence. C’est aussi me découvrir sujet de son attention, de son amour. Voir, c’est contempler. C’est adorer. C’est aimer et être aimé.

Voilà pourquoi cette vision sera source de transformation. Car nous entrerons alors en relation avec Jésus d’une façon nouvelle, plus intense, plus profonde, qui nous libérera de tout doute et de toute réticence, qui nous rendra infiniment vivants, libres, beaux. Oui, nous serons alors comme lui. Et nous comprendrons enfin ce que cela veut vraiment dire, être des enfants de Dieu.

La certitude que cette vision nous attend change déjà notre regard sur la réalité quotidienne, lui donne une profondeur et une couleur inattendues. Déjà, nous sommes en train d’être transformés à son image et à sa ressemblance. Que chaque jour grandisse en nous son image, jusqu’au jour où nous serons entièrement transformés lorsque nous le verrons dans sa gloire.

mercredi 18 avril 2012

L'amour au centre

Lire I Jean 2, 1-5

Le phénomène du pendule existe en religion comme dans tous les domaines de la vie. Nous avons tendance d’aller d’un extrême à l’autre, que ce soit comme individus ou comme société. Ce qui un jour allait de soi est aujourd’hui critiqué, ce qui avait été rejeté est embrassé, et nous avons de la difficulté à trouver l’équilibre.

Je vous donne un exemple. Lorsque j’étais jeune, on me présentait la vie chrétienne comme un genre de test. Il s’agissait pour moi de réussir le test en faisant tout ce qui était commandé et en évitant tout ce qui était proscrit. Si je réussissais, j’aurais le prix final : le paradis. Évidemment, une telle présentation de la vie chrétienne est faussée. Elle ne fait pas de place à l’action de l’Esprit dans ma vie, au salut que le Christ nous a mérité sur la croix, à l’amour du Père qui pardonne, guérit et relève. Cette présentation semble faire de moi l’auteur de mon propre salut, puisque ce serait en fonction de mes propres actes et de mes propres décisions que je mériterais le ciel. De plus, une telle vision des choses crée beaucoup d’anxiété dans le cœur des gens : ai-je vraiment fait tout ce que je devais faire? ai-je vraiment évité tout ce qui est proscrit? En fin de compte, on agit plus par crainte de l’enfer que par amour d’un Dieu miséricordieux.

Le Concile Vatican II qui a pris fin en 1965 a marqué un virage dans la prédication populaire de l’Église catholique. On s’est mis à parler de ce Dieu miséricordieux avec beaucoup plus d’ardeur. On a cessé d’accentuer le mal à éviter pour présenter le bien qui nous est proposé. On a parlé de l’amour divin, plutôt que de la justice divine. Le péché et l’enfer, relégués aux oubliettes (voilà un bon mot!), ont été remplacés par le pardon et l’accueil. Selon cette perspective, le salut donné en Jésus est gratuit et total. Plus d’inquiétude, plus de peur, plus de péché, plus de commandements! Tout le monde s’en va au ciel!

Le pendule a fait son travail, et nous n’avons toujours pas trouvé notre équilibre. Mais saint Jean l’avait trouvé, et il nous le démontre dans la lecture d’aujourd’hui. D’une part, il parle des commandements et du péché, en nous rappelant que ces commandements existent et qu’il faut éviter le péché. Mais, du même coup, il nous rappelle qui s’il arrive que nous péchions, Dieu nous accueille avec miséricorde à cause de son Fils Jésus. Et le résultat de cette miséricorde, accueillie dans l’Esprit, est une vie vécue en harmonie avec les commandements de Dieu.

Ainsi voyons-nous que la vision évangélique marie ce que nous croyons être deux extrêmes. En fin de compte, c’est l’amour qui peut nous faire découvrir l’équilibre juste. Car, d’une part, l’amour que Dieu a pour nous se fait pardon; et, d’autre part, l’amour que nous avons pour Dieu nous fait obéir à ses commandements et éviter le péché.

Attachons-nous donc avec amour aux commandements de Dieu, et trouvons dans son amour miséricordieux la force de lui être fidèle. L’équilibre se trouve dans l’amour.

jeudi 12 avril 2012

À la conquête "du monde"

Lire I Jean 5,1-6

Conquérir l’Everest! Jeune, j’étais fasciné par ce rêve. Je me plaisais à lire des livres consacrés aux aventures d'escaladeurs prenant d’assaut les montagnes de l’Himalaya. Ces récits parlaient à mes désirs de dépassement, à mes rêves d’aller au bout de mes capacités, de mes talents, de mes possibilités.

Aujourd’hui, on entend parler de toutes sortes de conquêtes. Des femmes et des hommes se donnent des défis extraordinaires à relever : on traverse l’Atlantique en montgolfière, on contourne le monde en voilier, on marche du Chili à l’Angleterre. D’autres se proposent des défis plus courus, mais toujours impressionnants : un marathon à achever, un triathlon à conquérir, un centenaire à parcourir en bicyclette, une rivière à descendre en canot.

Antoine de Saint-Exupéry avait écrit : « C’est à l’obstacle que l’homme se mesure. » C’est bien vrai : on semble avoir besoin de se prouver en surmontant un obstacle, en dominant une montagne, quelle qu’elle soit.

Mais dans tous ces exemples, il s’agit d’obstacles physiques : distances à parcourir, hauteurs à escalader, temps à améliorer. Les vrais obstacles auxquels il faut se mesurer comme humains, ce sont les obstacles spirituels comme la haine, les préjugés, l’injustice, la colère. Et si nous voulons les surmonter lorsqu’ils se présentent devant nous, il faut d’abord les surmonter lorsqu’ils surgissent en nous. Voilà la vraie et plus noble conquête : la conquête de soi.

Ces puissances du mal, saint Jean les appelle « le monde. » Il se sert de cette expression comme d'un raccourci qui permet de nommer tout à la fois l’égoïsme du cœur humain, l’injustice de la société humaine, le refus de croire et d’aimer qu’il voyait autour de lui. Voilà ce qu’il faut conquérir, d’après saint Jean : « le monde » autour de soi, « le monde » en soi.

Par nous-mêmes, cette conquête s’avère impossible. L'obstacle est trop élevé, au-delà de nos forces et de nos capacités. Un seul a conquis le monde : le Christ ressuscité. Et le seul moyen pour nous de le conquérir à notre tour, c’est de le conquérir avec lui. Car lorsque nous croyons, l’Esprit de Dieu s’empare de nous et nous donne une puissance, une force extraordinaire. Non pas une puissance physique, mais une puissance morale et spirituelle capable de surmonter l’égoïsme qui nous afflige et de nous ouvrir à l’amour. « Ce qui nous fait vaincre le monde, c’est notre foi! »

Voilà donc la conquête qui vaut la peine d’achever, la victoire qu’il nous faut remporter. Avec le Christ ressuscité, nous le pourrons. Avec lui, nous vaincrons « le monde ».

jeudi 5 avril 2012

Prenez garde au levain!

Lire 1 Corinthiens 5, 7-8

Le soir avant de mourir, Jésus célébra un repas spécial avec ses apôtres. Il s'agissait d'un repas rituel marquant la fête juive de la Pâque, mémoire de la libération de l’esclavage en Égypte quelque 1250 années avant Jésus-Christ. Cette fête était construite autour de deux anciennes traditions: le sacrifice d’un agneau et la confection d’un pain sans levain.


On connaît un peu le rituel du sacrifice des agneaux, pratiqué au Temple de Jérusalem à l'époque de Jésus. Mais le pain sans levain, c’est quoi au juste?


Les spécialistes de la cuisine savent que la levure est nécessaire pour que le pain lève. Autrement on ne produit qu’un pain plat et dur. De fait, la levure consiste en des champignons microscopiques qui décomposent la farine, produisant des gaz qui font lever le pain. L’effet recherché résulte donc de la corruption de la pâte.

Aujourd’hui, on achète la levure dans des sachets qu'on l’ajoute à la pâte avant de la faire cuire. Mais autrefois, ces sachets n’existaient pas. Il fallait attendre que la levure, naturellement présente dans la farine, se décompose au contact de l’eau. Cela pouvait prendre beaucoup de temps et ne pas toujours réussir. Mais si on réservait un peu de pâte déjà levée – qu’on appelait le levain – et qu’on l’ajoutait à la nouvelle pâte, l’effet réussissait plus souvent et était accéléré. C’est pourquoi on gardait toujours un peu de levain dans la maison.

La nuit de la sortie d’Égypte, pourtant, on n’avait pas eu le temps se servir du levain pour faire lever la pâte du pain pour la route. On avait cuit le pain avant qu’il ne lève, on l’avait mangé plat et dur. Pour faire mémoire de cette libération, la fête de la Pâque juive comprenait la cuisson d’un pain sans levain. Et pour s’assurer qu’il ne lèverait pas, on cherchait par tous les moyens à éviter la contamination : on nettoyait alors la maison de fond en comble pour s’assurer qu’aucune miette de vieux pain ou de vieille pâte ne soit cachée quelque part.

Encore aujourd’hui, dans les familles juives, on nettoie complètement la maison avant la fête de la Pâque. Les enfants participent à cette activité et en font un jeu. Les parents cachent parfois des miettes de pain ici et là pour obliger les enfants à les trouver, afin de les jeter ou les brûler.

Saint Paul évoque cette coutume dans sa lettre aux Corienthiens. Il rappelle à ces premiers chrétiens que le baptême a transformé leurs vies: ils sont maintenant configurés au Christ. Ils doivent donc chasser de leurs vies toute méchanceté, toute perversité, comme on chasse le levain de la maison. Car, dit-il, « le Christ, notre Pâque, a été immolé! » En effet, le nouvel agneau sacrifié, c’est Jésus, dont la mort sur la croix est source d’une libération encore plus radicale, car elle nous libère de la puissance du mal. Dans nos vies, alors, plus de place pour le péché! Saint Paul nous invite: que nos vies soient « sans levain, » sans corruption, pures et vraies.

La fête chrétienne de Pâques s'avère pour nous l’occasion de nettoyer notre « maison spirituelle » pour s’assurer qu’aucun levain n’y soit caché. Soyons purifiés à la source même de la sainteté, le Christ ressuscité. Joyeuses Pâques!