vendredi 20 décembre 2013

Saint Paul arrive en ville


Il y avait une fois un homme qui s’était fait toute une réputation comme gérant d’équipes de hockey un peu partout dans le pays. Les connaisseurs parlaient de lui comme un des meilleurs de l’époque. On admirait sa compréhension du jeu, sa façon d’expliquer, d’encourager, de former les joueurs. Il avait du courage, de la persévérance, et une ardeur qui se communiquait comme par osmose. Et voilà que la grande équipe de la métropole l’invitait à venir faire un stage avec elle, à venir partager ses convictions et sa sagesse. Il était un peu nerveux. Il a pensé leur envoyer une lettre d’introduction où il s’efforcerait d’expliquer sa vision fondamentale, sa passion, sa « mission », comme il l’appelait.

C’est ainsi que saint Paul s’est assis un jour pour écrire une lettre à la communauté chrétienne de Rome, plus grande ville du monde à l'époque. C'était la première fois qu'il s'y rendait. Cette Église avait été fondée par d’autres missionnaires et avait déjà une certaine histoire, une tradition. De plus, saint Pierre en était devenu le chef, lui avec qui Paul avait des gros mots à un moment donné. Mais Paul, fort de sa réputation d’évangélisateur de la Grèce et de l’Asie Mineure (la Turquie d’aujourd’hui), était décidé à se rendre à Rome, car de là il espérait s’embarquer pour l’Espagne. Il doit avoir été tout de même un tout petit peu nerveux.

Le texte de ce dimanche comprend les premières phrases de cette lettre où Paul cherche à se présenter tout en expliquant l’essentiel de la foi qui l’anime. Il commence par expliquer d’où lui vient sa mission : c’est Dieu qui l’appelé à être Apôtre, « serviteur de Jésus Christ » pour « annoncer la Bonne Nouvelle », l’Évangile.

Et sans prendre le temps de respirer, il explique immédiatement le cœur de cet Évangile qui concerne Jésus, né « selon la chair » de la race juive, ressuscité « selon l’Esprit qui sanctifie » dans sa puissance de Fils de Dieu afin d’être notre Seigneur.

C’est ainsi qu’en une seule phrase, Paul résume l’Évangile. Tout le reste de la lettre aux Romains cherchera à déployer le sens de ce résumé, qu’on appelle aussi le « kérygme ». 

Pour conclure son introduction, Paul rappelle la raison de sa visite : célébrer la foi commune qu'il partage avec la communauté de Rome. Il finit donc avec un beau souhait en attendant la rencontre qui ne saurait tarder: que la communauté vive dans la paix et la grâce de Jésus.



Comment la communauté romaine a-t-elle accueilli Paul? La tradition veut que Pierre et Paul se soient réconciliés. Les deux seraient morts dans la grande ville, martyrisés sous l'empereur romain. Mais la petite communauté chrétienne établie dans la capitale du monde était solide. Elle deviendrait l'Église qui « préside dans la charité » à toutes les Églises du monde. Et son chef, aujourd'hui, est notre Pape.


Serait-ce là un des fruits du « coaching » du grand saint Paul? Peut-être gagnerions-nous tous à nous mettre à son école...

samedi 14 décembre 2013

La patience tout de suite! - Troisième dimanche de l'Avent, année C


« Ah, que les lignées aux caisses sont lentes. J’ai des desserts à préparer à la maison pour le temps des fêtes. Et les cartes de souhaits qui attendent à être envoyées. Et les enfants qui n’en finissent plus de me demander combien de dodos avant Noël. Seigneur, donne-moi de la patience... et donne-la-moi tout de suite! »

Chère patience, qui se laisse désirer. Patienter c’est se laisser apprivoiser par le temps. Car le temps a son rythme qu’il faut respecter, voire épouser. On aimerait pouvoir contrôler le temps, l’organiser. Tout le monde a des agendas aujourd’hui, même les enfants. En plus, il faut profiter du temps qui passe, ne pas en gaspiller un moment. Pourtant, il semble qu’on n’en a jamais assez… sauf lorsqu’il y en a trop. Alors, le temps traîne, c’est bête, c’est ennuyant : si les vacances peuvent bien arriver; si Noël était là.

Comme il est difficile d’attendre patiemment l’arrivée d’une joie ardemment désirée. Il est pourtant encore plus difficile d’attendre avec patience la fin d’une épreuve. Une maladie passagère, une série d’examens, une partie de hockey désastreuse, un repas avec quelqu’un qu’on endure difficilement, ah! si ça peut donc finir. Cette patience-là, elle est encore plus exigeante, plus fragile. Si l’épreuve dure trop longtemps, on risque de perdre la tête, de craquer.

Et que dire de ces épreuves qui n’ont pas de fin : la maladie chronique, un handicap irréversible, la fin d’une relation, la mort d’un être cher. On n’en sort pas, de ces épreuves. Est-il encore possible d’être patient au cœur de ces difficultés?

Oui, mais à deux conditions. D’abord, il faut croire que cette épreuve, même si elle semble sans fin, n’aura pas le dernier mot. Le chrétien, la chrétienne sont habités par cette sorte d’espérance qui croit que l’amour vaincra en fin de compte, que la vie triomphera éventuellement de la mort. Peut-être cela ne se réalisera-t-il pas demain ni le jour après… mais un jour, lorsque le Christ aura tout rassemblé en lui, nous verrons la victoire de l’amour, la victoire de la vie.

Mais — et voilà la deuxième condition — cette espérance doit rejaillir sur l’aujourd’hui de notre épreuve ou de notre souffrance en lui donnant un sens. Peut-être ce sens est-il mystérieux, peut-être n’arrivons-nous pas à le nommer, mais nous y croyons. Nous nous unissons à Jésus sur la croix, nous communions à sa souffrance, afin que la nôtre se trouve amplifiée, élargie, prise dans une histoire qui mène à la résurrection.

Voilà la patience à laquelle saint Jacques nous invite. « Ayez de la patience. Voyez le cultivateur : il sait attendre les produits précieux de la terre avec patience. Prenez pour modèles de patience les prophètes » qui ont enduré l’épreuve et le martyre.


Mettons-nous donc à l’école du temps, et apprenons la patience lentement, doucement, dans les longues files aux caisses des magasins, dans l’envoi des innombrables cartes de souhaits, dans la préparation sans fin des repas de fête… même dans le décompte des dodos des enfants. Car cette patience quotidienne nous apprendra à attendre patiemment le Jour qui n’aura pas de fin.

lundi 9 décembre 2013

À la vie comme à la mort

Lire Romains 15, 4-9


Dans son récit bien connu, Le cantique de Noël, Charles Dickens décrit ce temps festif ainsi : « C’est un bon temps, un temps de tendresse, de pardon, de charité : le seul temps que je connaisse dans le long calendrier de l’année où les hommes et les femmes semblent consentir unanimement à ouvrir librement leurs cœurs renfermés, à penser aux personnes qu’elles rencontrent comme si elles étaient vraiment des covoyageurs vers la tombe, et non seulement comme une autre race de créatures engagées sur de quelconques chemins. »

Découvrir les autres comme des « co-voyageurs vers la tombe, » c’est découvrir les autres comme des sœurs et des frères qui doivent confronter les mêmes questions profondes, les mêmes épreuves difficiles que nous. C’est découvrir que nous sommes solidaires les uns des autres par notre travail et notre peine, par notre joie et notre espoir. C’est découvrir que chacun, chacune est appelée à reconnaître sa propre mortalité et la possibilité d’une vie au-delà de la mort.

Saint Paul nous invite également à reconnaître cette solidarité qui nous unit face à la mort. Mais il va plus loin. Puisque chrétiens et chrétiennes ont fait l’expérience de l’amour de Dieu en Jésus, de sa fidélité et de sa miséricorde, ils ne sont pas seulement solidaires face à la mort : ils sont solidaires face à la vie.

N’est-ce pas là le secret profond de la générosité qui déborde à Noël? La possibilité que cet enfant, né dans une crèche, porte en lui notre destinée profonde; la possibilité qu’il vient révéler dans ce don de lui-même le rôle indispensable de l’amour véritable dans l’épanouissement humain; la possibilité qu’il nous indique une autre façon de vivre, dans la justice, la paix et la joie? Tout cela fait naître en nos cœurs un élan nouveau vers les autres, un désir nouveau de paix et d’entente, un engagement nouveau à bâtir ce monde meilleur.

Paul le dit dans son langage : « Que Dieu vous donne d’être d’accord entre vous… D’un seul cœur, d’une même voix, vous rendrez gloire à Dieu… Accueillez-vous les uns les autres comme le Christ vous a accueillis… »


La contemplation de l’Amour enfoui dans un peu de paille nous invite à l’amour de nos sœurs et frères. L’expérience de la miséricorde divine nous invite à faire miséricorde à nos proches et à nos ennemis. Sentir que l’enfant Jésus nous ouvre les bras nous invite à ouvrir nos bras à l’humanité tout entière. N’est-ce pas là le sens profond de Noël?

lundi 2 décembre 2013

La nuit, le jour

Lire Romains 13, 11-14


Autrefois, lorsqu’on éclairait à la chandelle ou à l’huile, la nuit revêtait des allures mystérieuses, parfois inquiétantes. Lorsque j'étais éclaireur chez les scouts, nous allions camper dans la forêt. Autour du feu de camp, on était bien. Mais dès qu'on s'en éloignait, les ténèbres qui nous entouraient nous épeuraient. On était heureux d'être plusieurs sous la tente. Une fois, j'ai dû coucher seul, et ça m'a pris bien du temps à m'endormir!

Cette nuit-là nous confronte à la vraie solitude. On ne voit rien au-delà du rayonnement de la bougie. C’est comme si notre monde se rétrécissait, se repliait sur lui-même. On se sent seul, isolé, coupé de toute relation. Le monde se réduit à mon être, je deviens le centre du monde… rien n’existe hors mon imagination, mes fantasmes, mes cauchemars.

Cette nuit-là cache toutes sortes de vices et d’activités louches: les grands crimes. On ne peut voir qui fait quoi, alors on se laisse aller à des actes qu’on ne poserait jamais au grand jour. Rien ni personne ne retient les passions. C’est le temps des vols à mains armées, des bris et infractions, des meurtres. On hésite à marcher dehors, une fois le soleil couché.

Cette nuit-là est mensongère. Elle promet le plaisir, mais elle tue la joie. Elle promet le pouvoir, mais épuise l’élan. Elle promet le monde, mais elle coupe de tout et de tous. On se réveille triste, épuisé, seul.

Cette nuit-là est symbole d’une façon d’être qui, de fait, nous empêche d’être. Paul nous rappelle que le Christ est venu nous arracher à ce genre de nuit et de cauchemar. Le Christ est la lumière qui brille au fond de la nuit, celui qui porte la lumière au cœur des ténèbres, afin d’ouvrir nos yeux sur la réalité et nous faire voir, tout près de nous, nos sœurs et nos frères qui nous tendent les bras.


Cette nuit-là, il faut la quitter. Il faut croire à l’aurore, marcher vers le jour, vivre au grand soleil. En ces premières soirées d’Avent, contemplons chaque petite lumière colorée qui scintille sur les perrons et dans les arbres. Voyons-y des rappels, des signes de cette vérité profonde : Christ est venu nous arracher des ténèbres pour nous faire vivre dans la lumière. Avançons vers Noël comme on avance vers le jour.