mardi 29 octobre 2013

Le testament de Saint Paul


            Le texte d’aujourd’hui prend un sens tout à fait unique si l’on considère qu’il s’agit probablement des derniers mots que Saint Paul a écrits. Il est en prison à Rome où il attend un deuxième procès -- peut-être devant l’empereur lui-même -- qu’il croit voué à l’échec. D’où les expressions fortes qui ouvrent ce passage et qu’on pourrait traduire dans nos mots d’aujourd’hui : « je verse les dernières gouttes de ma vie »; « ma course est achevée »; « je lève l’ancre pour le grand départ ».

            Quelles sont les pensées de Paul alors qu’il contemple sa mort prochaine? Loin d’être lugubres, elles sont habitées d’une grande espérance, d’une conviction profonde qui ne l’abandonne pas. Ce qui l’attend n’est pas le grand vide, mais la « couronne » de victoire qui est assurée à tous ceux qui, comme lui, sont tendus vers la manifestation du Seigneur Jésus. Mais cette tension vers l’avenir hors du temps ne le détache pas du temps présent. Au contraire, il voit son prochain procès comme une occasion -- encore une autre! -- de témoigner de l’Évangile dont il l’est l’apôtre, jusqu’au bout. Et dans la solitude de sa prison, en pensant à ceux qui l’ont abandonné, il imite Jésus par son pardon et sa miséricorde.

Buste de Saint Paul
Basilique St-Paul, Toronto
            Au cœur de ces envolées mystiques, une phrase qui m’a toujours touché : « Apporte donc le manteau que j’ai laissé chez Carpos à Troas, ainsi que mes livres, surtout les parchemins. » Nous sautons ces versets du passage dans la proclamation liturgique, mais ils me semblent importants. Ils révèlent la pensée intérieure de Paul : il lui reste encore quelque temps à vivre, le procès est peut-être retardé, il peut travailler encore un peu. Et c’est peut-être l’hiver qui arrive, il aimerait bien se réchauffer un peu de son vieux manteau. C’est toute l’humanité de Paul qui nous est révélée ici. Dans ces quelques mots de tous les jours, le géant de l’Évangile se fait tout proche de nous.

            Alors nous comprenons que nous aussi, au cœur de nos préoccupations quotidiennes, nous sommes habités d’un mystère extraordinaire qui nous dépasse et qui nous entraîne au-delà de ce monde, au-delà de la mort. Oui, le Seigneur nous sauvera, nous aussi, pour son Royaume céleste.


            C’est pourquoi avec Paul nous pouvons proclamer la grandeur de Dieu : « À lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen! » 


jeudi 17 octobre 2013

Dieu aimerait te dire un mot


Le passage d’aujourd’hui nous présente une belle méditation sur l’importance de la Bible dans la vie chrétienne. Même si Paul fait référence aux textes hébreux seulement – le Nouveau Testament n’ayant pas encore été rédigé au moment où il écrit sa lettre à Timothée – sa réflexion vaut pour tous les livres de la Bible qui est nôtre aujourd’hui. Qu’est-ce que Paul en dit?

D’abord, que les textes de la Bible peuvent mener à la sagesse. En effet, la lecture et l’étude de la Bible peuvent nous aider à comprendre et approfondir le sens des événements qui forment notre vie. Nous y trouvons la sagesse accumulée pendant près de mille ans, une sagesse que même la technologie et la science modernes ne peuvent effacer, car c’est une sagesse enracinée dans l’Esprit de Dieu.

Ensuite, Paul nous rappelle que cette sagesse peut mener à la foi. La Bible ne présente pas seulement des idées : elle raconte des événements, elle nous fait découvrir des personnes, elle nous fait rencontrer Jésus. Dans ces événements, Dieu a agi. Dans ces personnes, Dieu a parlé. En Jésus, Dieu s’est donné à nous. Faire la rencontre de Jésus en lisant la Bible, c’est s’ouvrir au don de la foi et connaître le salut.



Paul affirme que les textes bibliques sont inspirés par Dieu. Une telle affirmation est difficilement acceptable pour ceux et celles qui ne croient pas. C’est seulement à partir d’une perspective croyante que l’on peut reconnaître cette inspiration divine qui soutient les divers textes. N’en est-il pas ainsi pour une lettre d’amour? Seuls les amoureux peuvent saisir l’esprit profond qui anime une telle lettre. Ainsi en est-il de la Bible : ceux et celles qui accueillent l’amour divin reconnaissent l’auteur véritable des textes bibliques.

Enfin, Paul rappelle à Timothée que la Bible ne doit pas servir seulement à soutenir sa propre foi : il doit s’en servir pour aider d’autres hommes et femmes à s’ouvrir à la foi. Il faut passer d’un mouvement intérieur, où l’on accueille la Parole, à un mouvement extérieur, où l’on annonce la Parole. De fait, ce n’est que lorsqu’on commence à partager avec d’autres sa compréhension de la Bible que ces textes deviennent profondément vivants. En disant sa foi, elle devient encore plus vivante.


En lisant ces quelques lignes, nous voyons comment Paul comprend la Bible : pour lui, elle est la Parole même de Dieu. Qu’il en soit ainsi pour nous.

mercredi 9 octobre 2013

Une parole encourageante


Lorsque j’étais petit enfant, on ne chantait qu’en latin à la messe. Rendu à la grande enfance, les choses ont changé et nous avons commencé à chanter en français. Un des premiers chants dont je me souviens était de Lucien Deiss : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts; il est notre salut, notre gloire éternelle. » La longue mélodie ascendante et l’ampleur du rythme traduisaient bien la solennité de cette profession de foi, la Bonne Nouvelle résumée en une phrase.

Bien des années plus tard, j’ai découvert la source du texte de Deiss : la lecture d’aujourd’hui. Pour bien en saisir le sens, il faut se rappeler son contexte. Paul, en prison, écrit à son jeune ami Timothée pour l’encourager dans son ministère comme chef d’une communauté chrétienne. Timothée doit trouver cela difficile, et Paul le reconnaît. Il le compare tour à tour à un soldat, à un athlète et à un cultivateur qui doivent se dépenser jusqu’au bout s’ils veulent récolter le fruit désiré.



Paul lui-même s’est dépensé jusqu’au bout. Il commente la profession de foi qu’il vient de citer en expliquant que c’est à cause d’elle qu’il se trouve en prison. Mais, affirme-t-il avec une force inouïe, la Parole de Dieu, elle, ne peut être enchaînée! Voilà la source de son courage, de sa détermination, de sa persévérance. Même de sa prison, il proclame à temps et à contre temps cette nouvelle extraordinaire : en Jésus, Dieu nous a aimés jusqu’à mourir... afin que nous puissions tous vivre!

Paul conclut ce passage en citant une hymne qui devait être chantée dans les premières communautés chrétiennes. Timothée lui-même devait la connaître, mais Paul la lui rappelle pour l’encourager. « Si nous mourons avec le Christ, avec lui nous vivrons... » Paul avait déjà enseigné cela dans sa lettre aux Romains : par le baptême, nous mourons au péché et à nous-mêmes, nous sommes ensevelis avec Jésus afin de ressusciter avec lui. « Si nous souffrons avec le Christ, avec lui nous règnerons... » Ce que nous avons vécu au baptême doit marquer notre vie de tous les jours. Nous devons accepter de souffrir par amour pour les autres si nous voulons participer au Règne de justice, de paix et de joie.

L’hymne avertit : « Si nous le renions, lui aussi nous reniera. » Renier le Christ, c’est refuser de tenir jusqu’au bout dans la persévérance. Je viens de lire dans un roman: "Renier, dénier, cracher, c'est pour les aigris, les fortiches, les types qui veulent croire qu'ils se sont faits tout seuls et personne avant eux." Comment le Christ pourra-t-il nous garder avec lui si nous nous sauvons de lui?

Mais l’hymne conclut en rappelant la possibilité du pardon et du retour : « Même si nous manquons de foi en lui, le Christ ne manquera pas de foi en nous : il est fidèle à ses promesses. » Et voilà le mot ultime : la fidélité de Dieu en Jésus qui pardonne tous nos torts, nous relève de toutes nos fautes, fait jaillir sa lumière même dans la nuit la plus sombre.

Cette lecture est comme un baume pour toute personne qui vit un moment difficile. Elle invite au dépassement, à la confiance, au relèvement. Les mots de Paul, écrits depuis sa prison de l’an 60 à Rome, résonnent encore aujourd’hui dans nos cœurs deux mille années plus tard.

samedi 5 octobre 2013

Une question de leadership


Timothée occupait une place particulière au sein de la communauté chrétienne à laquelle il appartenait. Il était leur chef, leur leader.

On a beaucoup écrit sur ​​le leadership aujourd’hui. Dans la plupart des grandes librairies, on peut trouver des rangées de livres sur le leadership et la gestion. Des séminaires et des ateliers sont organisés d’un océan à l’autre dans l’espoir d’aider les administrateurs à devenir des chefs. En lisant cet extrait de la lettre à Timothée, nous découvrons quelques caractéristiques du leadership chrétien.

Tout d’abord, le leadership n’est pas pour le chef, mais pour la communauté. La gouvernance de Timothée s’avère un cadeau pour les autres, non pas un statut prestigieux qu’il recherche pour lui-même. Son leadership n’est pas destiné à le mettre sur un piédestal, mais pour édifier les autres. Il s’agit d’un vrai service, un ministère dans le sens plein du mot.

Si le leadership chrétien est un cadeau pour les autres, il est d’abord un don de Dieu. Voilà ce qui ressort du rituel de l’imposition des mains : le leadership est reçu comme une mission, comme une consécration et comme une affirmation. Et même si ce sont d’autres chefs qui ont posé leurs mains sur la tête de Timothée, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui agit dans et par ce geste physique, confirmant et renforçant Timothée pour son ministère au sein de la communauté.

Pourtant, le leadership n’est pas acquis une fois pour toutes. Il doit sans cesse être développé, renouvelé, revitalisé. « Ravive le don qui est en toi », écrit Paul à Timothée. Tous les chefs chrétiens doivent s’efforcer de revenir à la source de leur leadership, ne jamais tenir pour acquis leur appel ni leur capacité de répondre à cet appel.

Les chefs chrétiens, hommes et femmes, doivent prendre pour modèle le Christ lui-même, en acceptant de souffrir avec lui pour l’amour du Royaume de Dieu. Le leader chrétien est motivé par l’amour, et l’amour véritable implique toujours la souffrance, car la personne qui veut aimer doit apprendre mourir à lui-même ou à elle-même afin de donner la vie aux autres. Bien que le leadership dans l’Église soit source de beaucoup de joie et de bonheur, il ne peut pas éviter la raffinerie du sacrifice et de la mort à soi-même.

L’Esprit agit dans le chef, il bannit la peur et attise le dynamisme, l’amour, le contrôle de soi. Une leader chrétienne ne peut exercer un véritable leadership que dans l’Esprit. Il faut s’ouvrit à l’action de l’Esprit dans la prière et la liturgie, écouter l’Esprit dans le discernement, agir dans la puissance de l’Esprit : voilà ce que signifie être une leader chrétienne.

Les chrétiens et les chrétiennes sont appelés à exercer leur leadership dans le monde. Ce leadership sera vraiment fructueux s’ils se souviennent de Timothée et des recommandations qu’il a reçues de son mentor, Saint Paul.

Quelques-uns sont appelés à exercer un leadership dans l’Église elle-même. Cet appel est à couper le souffle, car il s’agit d’un défi qu’on ne peut relever sans appréhension et humilité. Pourtant, n’ayez pas peur si tel est votre appel. Car l’Esprit agissant en vous vous aidera à répondre à cet appel, de sorte que vous puissiez donner à l’Église un service à la fois beau et grand : le service du leadership.


En pèlerinage avec les évêques de Panama il y a quelques années