jeudi 12 juillet 2012

Une vue de très, très haut

Lire Éphésiens 1, 3-14

C’était le dernier jour de classe de ma sixième année. Assis sur une balançoire dans un petit parc, je suis devenu conscient que tout un été s’ouvrait devant moi, ainsi qu’un nombre illimité de possibilités. Et tout d’un coup, pour la première fois, j’ai compris que toute ma vie s’ouvrait devant moi, qu'une infinité de choix me seraient proposés tout au long de cette route. Perspective fascinante et bouleversante pour un enfant de douze ans.

Un autre jour quelques années plus tard, alors que je pelletais de la neige au milieu d’une tempête, je suis devenu conscient de l’absolue contingence de ma vie : mes parents auraient pu ne pas se rencontrer, j’aurais pu ne pas exister. Et l’idée m’est venue que l’univers lui-même aurait pu ne pas exister. J’ai ressenti ma petitesse, mon insignifiance.

Bien des années plus tard, jeune prêtre assis au bord d’un quai, contemplant le reflet de la forêt à la surface d’un lac, j’ai été saisi par la conscience vive et totale de la présence de Dieu dans l’univers. J’ai été comme immergé dans l’amour de Dieu pour tout être humain, pour toute la création. Cette expérience a résonné en moi pendant longtemps, longtemps.

Chaque personne connaît ces moments où l’esprit semble s’élever, malgré lui, et contempler la vie dans la totalité de son mystère. On est renversé par cette prise de conscience, bouleversé, fasciné, énergisé, humilié. On retourne transformé aux tâches quotidiennes : tout a basculé.

L’hymne de bénédiction qui ouvre la lettre aux Éphésiens jaillit d’une telle perspective. L’auteur est transporté par une vision où se dresse dans son ensemble l’histoire du cosmos et de l’humanité, ainsi que le plan de Dieu sur cette histoire. Il perçoit l’amour divin agissant dès avant la création du temps et de l’univers. Il se réjouit du plan bienveillant de Dieu qui choisit de nous faire connaître son Fils, Jésus. Il voit l’œuvre du Christ transformant l’univers jusque dans un avenir mystérieux où les temps seront accomplis et l’univers entier rassemblé dans son amour. Et il reconnaît, dans la prédication de l’Évangile, la conversion des cœurs et l’engagement dans la vie de l’Esprit, la réalisation actuelle de ce plan éternel.

Nous ne sommes pas habitués à de telles perspectives. Nos préoccupations quotidiennes, les choix à arrêter, les tâches à accomplir, tout cela nous oblige à nous arrêter à l’ici, au maintenant. Pour comprendre notre texte d’aujourd’hui, pour le prier et le vivre, il faut accepter de s’élever au-dessus du moment présent pour fixer un horizon infiniment plus vaste et éloigné.

Et pourtant, seule cette perspective peut donner le plein sens à notre vie quotidienne, aux engagements de tous les jours. S’élever avec l’Esprit ne nous détache pas du monde, mais nous le fait redécouvrir dans toute sa densité, sa valeur, sa réalité sacrée.

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