Lire Hébreux 9, 11-15
Je suis très
chanceux de pouvoir me retrouver à Rome de temps en temps. Il y a un lieu que
je cherche toujours à visiter lorsque j’y suis : c’est à l’arrière de la
basilique Saint-Pierre, sur le côté droit. Là, derrière une grande vitrine
protectrice, se trouve la sculpture extraordinaire de Michel-Ange connue sous
le nom de la Pietà.
Ce chef-d’œuvre
de la sculpture classique représente le moment où, après sa mort sur la croix,
Jésus est remis entre les bras de sa mère, Marie. Quelle tendresse, quel amour rayonne
de cette œuvre! Michel-Ange a réussi à tailler un bloc de pierre pour en faire
jaillir quelque chose qui touche les cœurs et transporte les pensées. Tout
cela, avec un ciseau et un marteau.
Cette
transformation d’un morceau de marbre en œuvre d’art peut nous aider à
comprendre la transformation que Jésus lui-même a effectuée sur la croix. En
effet, la matière brute de la croix est horrible : une mort violente, un
véritable assassinat, fruit d’une haine mortelle et d’une complicité politique
corrompue. Pourtant, Jésus a réussi à transformer cette matière brute en geste
de miséricorde, d’amour et de pardon.
Quel a été son
ciseau, son marteau? Nul autre que l’Esprit-Saint. Comme le dit l’auteur de la
lettre aux Hébreux dans notre texte d’aujourd’hui : « poussé par
l'Esprit éternel, Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans
tache. » C’est dans la puissance de cet Esprit que Jésus a pu transformer
sa mort en acte sauveur.
Lorsque je
regarde la Pietà, je ne concentre pas
sur le marbre, mais sur l’œuvre qui en est jaillie. Lorsque je regarde un
crucifix ou lorsque j’écoute le récit de la passion du Christ, je ne concentre
pas sur la souffrance de Jésus, qui n’est que la matière brute : je
concentre sur l’amour qui en jaillit grâce à l’Esprit.
Voilà ce qu’est
un vrai sacrifice : une souffrance transformée par l’amour, dans l’amour.
Chaque fois que nous acceptons une souffrance, petite ou grande, par amour pour
un autre, chaque fois que nous offrons une souffrance pour l’amour d’un autre,
chaque fois que nous aimons jusqu’à ce que ça fasse mal, nous offrons un
sacrifice, comme le Christ sur la croix. L’important, là-dedans, n’est pas la
souffrance, mais l’amour transformateur.
À chaque messe,
nous nous replaçons en présence de cet amour sacrificiel du Christ pour
nous : c’est pour cela que nous appelons cette liturgie « le saint
sacrifice de la messe. » Le Christ crucifié se rend présent à nous dans ce
geste qui fait mémoire de sa mort et de sa résurrection. C’est le même Esprit
éternel qui permet que se réalise cette présence.
Nous n’avons pas
besoin de traverser le temps et l’espace pour nous rendre à Jérusalem en l’an
33. Nous n’avons même pas besoin de nous rendre à Rome. Il y a une église, pas
loin de chez nous, où nous pouvons contempler chaque dimanche ce grand mystère
d’amour, ce chef-d’œuvre de l’Esprit-Saint : le Christ mourant pour nous
faire vivre.