mercredi 6 juin 2012

Sacrifice!

Lire Hébreux 9, 11-15

Je suis très chanceux de pouvoir me retrouver à Rome de temps en temps. Il y a un lieu que je cherche toujours à visiter lorsque j’y suis : c’est à l’arrière de la basilique Saint-Pierre, sur le côté droit. Là, derrière une grande vitrine protectrice, se trouve la sculpture extraordinaire de Michel-Ange connue sous le nom de la Pietà.

Ce chef-d’œuvre de la sculpture classique représente le moment où, après sa mort sur la croix, Jésus est remis entre les bras de sa mère, Marie. Quelle tendresse, quel amour rayonne de cette œuvre! Michel-Ange a réussi à tailler un bloc de pierre pour en faire jaillir quelque chose qui touche les cœurs et transporte les pensées. Tout cela, avec un ciseau et un marteau.

Cette transformation d’un morceau de marbre en œuvre d’art peut nous aider à comprendre la transformation que Jésus lui-même a effectuée sur la croix. En effet, la matière brute de la croix est horrible : une mort violente, un véritable assassinat, fruit d’une haine mortelle et d’une complicité politique corrompue. Pourtant, Jésus a réussi à transformer cette matière brute en geste de miséricorde, d’amour et de pardon.

Quel a été son ciseau, son marteau? Nul autre que l’Esprit-Saint. Comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux dans notre texte d’aujourd’hui : « poussé par l'Esprit éternel, Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache. » C’est dans la puissance de cet Esprit que Jésus a pu transformer sa mort en acte sauveur.

Lorsque je regarde la Pietà, je ne concentre pas sur le marbre, mais sur l’œuvre qui en est jaillie. Lorsque je regarde un crucifix ou lorsque j’écoute le récit de la passion du Christ, je ne concentre pas sur la souffrance de Jésus, qui n’est que la matière brute : je concentre sur l’amour qui en jaillit grâce à l’Esprit.

Voilà ce qu’est un vrai sacrifice : une souffrance transformée par l’amour, dans l’amour. Chaque fois que nous acceptons une souffrance, petite ou grande, par amour pour un autre, chaque fois que nous offrons une souffrance pour l’amour d’un autre, chaque fois que nous aimons jusqu’à ce que ça fasse mal, nous offrons un sacrifice, comme le Christ sur la croix. L’important, là-dedans, n’est pas la souffrance, mais l’amour transformateur.

À chaque messe, nous nous replaçons en présence de cet amour sacrificiel du Christ pour nous : c’est pour cela que nous appelons cette liturgie « le saint sacrifice de la messe. » Le Christ crucifié se rend présent à nous dans ce geste qui fait mémoire de sa mort et de sa résurrection. C’est le même Esprit éternel qui permet que se réalise cette présence.

Nous n’avons pas besoin de traverser le temps et l’espace pour nous rendre à Jérusalem en l’an 33. Nous n’avons même pas besoin de nous rendre à Rome. Il y a une église, pas loin de chez nous, où nous pouvons contempler chaque dimanche ce grand mystère d’amour, ce chef-d’œuvre de l’Esprit-Saint : le Christ mourant pour nous faire vivre.