jeudi 20 décembre 2012

Dieu comme un ongle d'orteil!


Lire Hébreux 10, 4-10

Lorsque en théologie on parle du sens de Noël, on se sert d’une expression technique : l’incarnation du Verbe. Dans la langue populaire, on connaît l’expression « un ongle incarné, » c’est-à-dire un ongle qui pousse mal et qui entre dans la chair. En coupant la chair, l’ongle incarné cause une infection, de l’inflammation, de la douleur. Personne n’aime souffrir d’un ongle incarné

Lorsqu’on parle de l’incarnation du Verbe, on parle aussi de quelque chose qui entre dans la chair humaine, non pas pour la blesser mais pour la guérir. Le Verbe, c’est la deuxième personne de la Trinité, la deuxième personne divine qui existe depuis toute éternité dans une communion parfaite avec le Père et l’Esprit-Saint, chacun des trois étant  Dieu, et pourtant n'étant qu’un seul Dieu à trois.

Il y a deux mille ans, quelque chose d’impossible est arrivé : le Verbe est entré dans la chair humaine, il s’est « incarné » en Jésus de Nazareth, le fils de Marie. L’auteur de la lettre aux Hébreux y voit la réalisation d’un passage du psaume 39, rédigé des centaines d’années auparavant : « Tu m’as fait un corps… Alors j’ai dit : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. » En mettant ces mots dans la bouche du Verbe venant dans le monde, l’auteur montre que l’incarnation était déjà annoncée dans l’Ancien Testament.

Dans la mentalité juive de l’époque, le corps est plus qu’un assemblage d’ossature, d’organes et de tissus. Le corps, c’est la personne humaine en tant qu’elle peut entrer en relation avec les autres. Grâce à ses yeux, elle peut voir le monde. Ses oreilles lui permettent d’entendre, sa bouche de parler. Elle peut marcher vers l’autre, ou s’en éloigner. Elle peut frapper l’autre, ou lui offrir une caresse. Voilà le corps : la personne engagée et active dans l’histoire des relations humaines.

Le Verbe prend un corps pour entrer dans l’histoire humaine, pour tisser des relations avec les hommes et les femmes, pour leur dire avec des mots humains la profondeur de l’amour divin, pour offrir sa vie en mourant sur une croix. L’incarnation du Verbe est donc inséparable de la rédemption qu’il vient accomplir. Noël trouve son sens dans les ténèbres du Vendredi Saint... et dans la lumière de Pâques.

Le sens de la fête que nous vivrons en quelques jours se déploie dans la vie, la mort et la résurrection de celui qui est venu « faire la volonté » du Père. Et la volonté du Père, c’est que nous soyons tous et toutes pleinement vivants. Fêtons donc sa venue, émerveillons-nous devant son incarnation, rendons grâce pour sa présence parmi nous. Grâce à lui, nous pouvons connaître la vie en abondance.

dimanche 16 décembre 2012

Bonheur, plaisir, joie


Lire Philippiens 4,4-7

J’animais un atelier avec un groupe de jeunes. Je leur ai demandé de réfléchir un peu à la différence entre la joie et le plaisir. Après quelques instants, ils ont commencé à me proposer des éléments de réponses, que je vous partage aujourd’hui.

Le plaisir est superficiel, alors que la joie, c’est un sentiment profond. Le plaisir passe alors que la joie dure. Le plaisir peut coûter cher, la joie jaillit dans la gratuité. Le plaisir rend égoïste, tandis que la joie nous ouvre aux autres. Il y a des plaisirs dangereux pour nous, qui peuvent nous blesser et nous rendre esclaves. La joie, par contre, guérit et fait grandir en dignité et en humanité.

En continuant mon échange avec ces jeunes, nous avons constaté que notre société de consommation est axée, non pas sur la joie, mais sur le plaisir. On cherche à nous vendre toutes sortes de choses en nous assurant qu’elles nous donneront du plaisir. De fait, nous sommes arrivés au point où la plupart des gens décriraient le bonheur comme une suite de plaisirs sans fin, sans interruption. La recherche du bonheur est devenue une recherche du plaisir.

Or il était évident à ces jeunes, suite à cet exercice, que la valeur sûre se trouve dans la joie. Ce qui nous comble comme personnes humaines, ce qui donne sens à la vie, ce qui nous établit en communion avec les autres se trouve du côté de la joie, non pas du plaisir. Peut-être devrions-nous arrêter de rechercher le bonheur, si l’on n’y voit qu’une suite de plaisirs? Peut-être devrions-nous plutôt rechercher la joie?

Sans le savoir, ces jeunes faisaient écho aux paroles de Saint-Paul proclamées en ce dimanche : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, laissez-moi vous le redire, soyez dans la joie. »

Imaginez si notre monde adoptait cette parole comme devise, si chacun, chacune se mettait vraiment à rechercher la joie, d’abord et avant tout. En recherchant cette joie pour nous-mêmes, nous deviendrions des sources de joie pour les autres. La paix, la justice ne tarderaient pas à se tailler une place. Le monde en serait transformé.

Peut-être est-ce là le vrai cadeau à nous donner ce Noël? Peut-être est-ce là la meilleure résolution à prendre en ce Nouvel An? Rechercher la joie. Et devenir source de joie pour les autres.

mercredi 5 décembre 2012

Le chaleureux Saint Paul


Lire Philippiens 1, 4-11

Saint Paul était un homme complexe. Grand écrivain et pauvre orateur. Apôtre de l’unité et méfiant des apôtres. Penseur sévère et pasteur affectueux. Affectueux? Cela ne fait pas partie du portrait habituel de ce grand homme. Pourtant, la lettre aux Philippiens que nous lisons ce dimanche est tout empreinte de l’attachement affectif de Paul pour cette communauté du nord de la Grèce. Voyons un peu ces quelques versets introductifs.

« Chaque fois que je prie pour vous, c’est toujours avec joie. » On reconnaît la joie comme un des motifs principaux de cette lettre. Paul y revient constamment. Le souvenir des frères et des sœurs qu’il a laissé à Philippes est pour lui source de joie. Plus que le simple plaisir, la joie s'avère un sentiment profond qui dure au-delà de l’instant, qui transforme le regard, qui élève le cœur. Voilà ce que Paul ressent en pensant aux Philippiens.

« Ce que vous avez fait pour l’Évangile en communion avec moi… Vous communiez à la grâce qui m’est faite. » La communion consiste en cette profonde union liant les personnes qui luttent pour la même cause, qui partagent les mêmes espoirs, qui rêvent des mêmes idéaux. L’Évangile que Paul leur a prêché établit entre lui et les Philippiens une vraie communion qui se manifestera par l’accueil, l’appui et l’engagement que ces derniers donneront à Paul dans son ministère.

« Je vous porte dans mon cœur. » Le cœur, dans la pensée juive, c’est plus que le siège des émotions. C’est aussi le centre de la pensée, de la connaissance, de la volonté, de la personnalité. Dire qu’on porte quelqu’un « dans son cœur, » c’est affirmer que cette personne est tellement liée à sa vie qu’on ne peut vivre sans elle. Paul voit ainsi les Philippiens, car toute sa vie de prédicateur, toute sa mission, trouve son sens dans ces hommes et ces femmes qui, grâce à lui, sont venus à la foi. L’œuvre de Paul n’est pas un projet idéologique, mais une aventure personnelle tissée de relations humaines riches et fortes.

« Mon attachement pour vous dans la tendresse du Christ Jésus. » Paul nomme souvent les qualités du Christ : sa fidélité, son humilité, son obéissance, sa justice, sa foi, son amour. Ici, il s’arrête à une qualité du Christ souvent passée sous silence : sa tendresse. Littéralement, en grec, Paul dit « ses entrailles », faisant référence aux entrailles d’une mère desquelles jaillit la vie d’une enfant. Il s’agit d’un amour tout maternel, tissé d’accueil inconditionnel, de miséricorde, de patience infinie, de douceur. Voilà la tendresse du Christ pour nous. Voilà la tendresse de Paul pour les Philippiens.

À l’exemple de Paul, trouvons notre joie dans les personnes qui nous entourent. Vivons en communion avec elles. Portons-les dans notre cœur. Entourons-les de notre tendresse. Ainsi serons-nous de vrais témoins de l’Évangile.

jeudi 29 novembre 2012

Un saint, moi?


Lire I Thessaloniciens 3,12 – 4,2

Lorsque j’étais enfant, j’imaginais la sainteté comme une espèce de perfection morale. Les saints et les saintes, tel qu’on me les présentait, c’était des hommes et des femmes qui avaient réussi à éviter tout péché, à vivre dans la prière perpétuelle, à atteindre le sommet de toutes les vertus. Il me semblait qu’être saint, c’était quelque chose d’absolument héroïque exigeant d’immenses sacrifices. J’admirais peut-être les saints et les saintes, mais je les trouvais distants, presque inhumains. Jamais je n’aurais imaginé que je puisse atteindre la sainteté.

Pourtant, Saint Paul nous dit dans notre lecture d’aujourd’hui que nous sommes tous appelés à une « sainteté irréprochable » devant Dieu, en vue de la venue du Seigneur Jésus. Sommes-nous tous appelés à une perfection morale impossible? Sommes-nous tous condamnés à l’échec devant un projet qui nous dépasse?

Il me semble que le problème, c’est que nous comprenons mal la sainteté. J’ai l’impression que nous nous sommes donné une fausse idée de ce que veut dire être saint ou sainte. Saint Paul nous met sur la bonne piste lorsqu’il fait précéder son appel à la sainteté par ces mots : « Que le Seigneur vous donne un amour de plus en plus intense et débordant. »

En autres mots, notre degré de sainteté ne dépend pas de notre perfection morale, mais de notre amour. Plus nous aimons, plus nous sommes saints. Et comme Dieu est amour, on comprendra que le Saint par excellence est Dieu lui-même. C’est pourquoi à la messe nous l’acclamons : « Saint, saint, saint le Seigneur, Dieu de l’univers. »

Pourvu que nous soyons ouverts à l’amour de Dieu, pourvu que son amour déborde en nous sur les autres, nous devenons saints. La sainteté, c’est le rayonnement autour de nous de l’amour qui nous habite. La sainteté, c’est le resplendissement extérieur d’une attitude intérieure, une attitude toute pétrie d’attention, de compassion et de tendresse.

Nous sommes tous appelés à la sainteté, puisque nous sommes tous créés pour aimer.

jeudi 22 novembre 2012

Déchiffrons l'Apocalypse



Lire Apocalypse 1, 5-8

Le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse de saint Jean, est un livre intrigant à cause de son style imagé où se multiplient symboles, rêves, chiffres et personnages mystérieux. Depuis deux mille ans, plusieurs ont été tentés d’y déchiffrer des indices sur l’avenir, particulièrement sur la fin des temps. Mais la théologie catholique contemporaine y voit d’abord un livre qui s’adresse aux lecteurs de l’époque de sa rédaction, c’est-à-dire de la fin du premier siècle. Ces chrétiens et chrétiennes, en proie à une vive persécution sous l’empire romain, étaient tentés d’abandonner leur jeune foi en Jésus-Christ afin de sauver leur vie. L’auteur du livre de l’Apocalypse les invite à la fidélité, même jusqu’à la mort.

Les premiers versets du livre que nous lirons ce dimanche se comprennent bien à cette lumière. D’abord, l’auteur y donne trois titres à Jésus. Il l’appelle « le témoin fidèle. » Jésus en effet a été fidèle jusqu’à la croix : ses disciples doivent imiter cette fidélité. Ensuite, l’auteur lui donne le titre de « premier-né d’entre les morts. » Car de par sa résurrection, Jésus qui était mort est maintenant vivant. En l’appelant « premier-né, » l’auteur indique que ceux qui mourront avec Jésus vivront avec lui au-delà de la mort. Enfin, Jésus reçoit le titre « souverain des rois de la terre. » Alors que les premiers chrétiens sont persécutés par l’empereur romain qui se déclare souverain de la terre, le livre de l’Apocalypse proclame Jésus souverain même de l’empereur romain. La puissance du Christ dépasse celle de l’empereur Néron. Il faut donc avoir confiance dans la victoire ultime du Christ.

Le texte continue en rappelant ce que Jésus a fait pour nous. En nous délivrant de nos péché, il a fait de nous « le royaume et les prêtres de Dieu son Père. » Néron se disait à la fois roi et grand prêtre de son royaume. Mais en Jésus, tous les croyants sont rois et prêtres. Ils partagent la royauté du Christ et participent à son ministère de réconciliation. Les titres de Néron n’ont donc aucune valeur aux yeux des croyants.

Enfin, on annonce la venue du Christ dans la gloire. Il viendra « parmi les nuées, » signe de sa vraie divinité, à l’encontre de la fausse divinité que réclame l’empereur romain. Et lorsqu’il viendra, « tous les hommes le verront… et toutes les tribus de la terre se lamenteront, » parce qu’elles comprendront qu’elles avaient rejeté le vrai Seigneur de l’univers.

Tout cela mène à cette conclusion, placée dans la bouche du Christ ressuscité qui apparaît en rêve : « Je suis l’alpha et l’oméga. » Alpha, c’est la première lettre de l’alphabet grec; oméga, c’est la dernière. Cela veut donc dire que le Christ englobe toute la réalité, qu’il est le maître de l’histoire entière à partir de ses débuts jusqu’à sa fin.

Le mot apocalypse veut dire révélation. Ce que ce livre « révèle » n’est pas une information cachée sur la fin des temps, mais le sens du moment présent. Il nourrit l’immense espoir qui habite le cœur chrétien. Torturés dans les prisons romaines, broyés sous les dents des lions dans les arènes, crucifiés par dizaines le long des routes, les premiers croyants ont remis leur vie entre les mains de Jésus parce qu’il leur a ouvert le chemin de la vraie gloire. Deux mille ans plus tard, ce message d’espoir continue à résonner dans nos oreilles et dans nos cœurs.

vendredi 16 novembre 2012

Protestants et catholiques face à l'unique sacrifice

Lire Hébreux 10, 11-18

En 1517, un prêtre et moine allemand du nom de Martin Luther publia une série de thèses qu’il voulait proposer pour discussion publique. Ce fut le début de ce qu’on a nommé, par la suite, la réforme protestante. Aujourd’hui, les théologiens catholiques seraient d’accord avec plusieurs des propositions de Luther, mais à l’époque, elles provoquèrent une réaction défensive. La politique s’en est mêlée, des guerres ont éclaté et l’Europe occidentale fut divisée en deux : une partie catholique et une partie protestante.

Les deux groupes ont toujours été d’accord sur l’essentiel de la foi chrétienne, mais elles ne s’entendaient pas sur certains thèmes importants : la relation entre la grâce et la liberté humaine; les structures de leadership dans l’Église; le sens et le rôle des sacrements dans la vie chrétienne. De part et d’autre, on se réclamait de la Bible pour justifier sa prise de position.

C’est pourtant un bien mauvaise façon de lire et d’étudier la Bible : y chercher des arguments pour prouver les conclusions qu’on a déjà établies. Tel est le cas pour le dernier verset de notre texte de ce dimanche. Les protestants s’en servaient pour affirmer que la Messe ne peut pas être un sacrifice, puisque le verset affirme qu’on ne peut offrir d’autre sacrifice après celui du Christ. Les catholiques répondent que la Messe n’est pas un nouveau sacrifice, mais la représentation sacramentelle de l’unique sacrifice du Christ.

Pourtant, ce verset ne parle même pas de la Messe. Il parle plutôt de la relation entre l’unique sacrifice du Christ et les multiples sacrifices offerts par les Juifs au Temple de Jérusalem. L’auteur affirme simplement que le sacrifice du Christ mène tous ces autres sacrifices à leur perfection. Il veut convaincre ses lecteurs qu’en Jésus on atteint la plénitude de ce qui, dans le culte du Temple, était recherché et désiré. Ceux qui mettent leur foi en Jésus découvrent véritablement le pardon des péchés.

Sur ce point, catholiques et protestants sont pleinement d’accord : en Jésus seul pouvons-nous trouver la plénitude du pardon divin, la vie de grâce, la puissance de l’Esprit. Le désir de rencontrer Dieu, inscrit dans tout cœur humain, est enfin comblé dans la Pâque du Christ.

Unis dans cette foi proclamée au baptême, marchons ensemble, protestants et catholiques, vers le Seigneur. Travaillons à la reconstruction de l’unité perdue il y a cinq cents ans. Jésus a prié pour ses disciples : « Que tous soient un! » C’est en lui seul que nous trouverons la réponse à cette prière.

dimanche 11 novembre 2012

La résurrection nous travaille

Lire I Thessaloniciens 4, 13-18

Nous chrétiens croyons à la résurrection du Christ. Pourtant, nous la considérons souvent comme un événement qui ne concerne que Jésus, et notre compréhension en est alors bien limitée. Certes, nous nous réjouissons de sa victoire sur la mort et nous célébrons sa glorification auprès du Père. Mais nous ne comprenons pas que la résurrection du Christ n’est que la première étape d’une aventure cosmique dans laquelle chacun de nous est impliqué.

En effet, c’est l’univers entier qui est appelé à être transformé dans la puissance de l’Esprit. Toute la création aspire à cette transformation. Les hommes et les femmes sont à la fine pointe de cette aspiration, travaillés par le désir d’une vie en abondance, d’une vie éternelle.

Lorsque Jésus est ressuscité, l’univers entier a été saisi comme par un frisson de renouvellement. L’Esprit de Dieu, travaillant en Jésus, le réveillant d’entre les morts, commence déjà à partir de ce moment à travailler nos pauvres corps et à nous préparer pour la gloire qui nous est promise.

Cela, les premiers chrétiens l’ont compris dans la fibre de leur être. Et ils attendaient impatiemment l’accomplissement de cette transformation qui s’achèverait avec l’avènement du Christ dans la gloire. Paul l’attendait avec toute la communauté.

Mais voilà que cet accomplissement tarde à se réaliser. L’Esprit semble prendre son temps. Et certains chrétiens meurent avant de voir l’acte final de ce processus de transformation. Sont-ils perdus à jamais?

Voilà la question que Paul tente d’élucider dans ce texte aux Thessaloniciens. Et sa réponse est claire, sans ambages : on n’a pas à s’inquiéter de ceux qui sont déjà morts dans le Christ, puisque la puissance de l’Esprit les rejoindra au-delà de la mort pour les faire participer eux aussi à la gloire du Christ. Ils ressusciteront lors de l’avènement du Christ pour être, comme nous, avec lui dans la gloire.

Oui, l’Esprit prend son temps. Depuis près de deux mille ans, les chrétiens attendent que la puissance de la résurrection transforme toute la création lorsque le Christ viendra dans la gloire. Nous nous sommes habitués à cette attente, trop habitués : nous n’y pensons plus. Pourtant, l’Esprit nous travaille comme il a travaillé les premiers chrétiens. À travers nous, l’Esprit prépare ce jour de gloire. Habités par lui, nous nous ouvrons à cette transformation dans notre prière, notre engagement, notre témoignage, notre soif même du Royaume. Le temps entre la résurrection du Christ et son avènement dans la gloire n’est pas un temps vide, un temps d’absence ou d’attente passive. C’est plutôt un temps de cheminement, un temps de croissance et de purification, un temps où nous reconnaissons le Christ parmi nous dans sa Parole, dans son Pain de vie, dans les pauvres, dans nos frères et sœurs. Ce temps est notre temps, temps d’espérance et temps d’engagement.

Comme les Thessaloniciens, écoutons les mots de Paul. Ne soyons pas découragés. Soyons plutôt renouvelés dans notre courage et notre décision de marcher dans les pas du Christ, lui qui se dresse devant nous dans l’avenir, lui qui marche avec nous en ce temps présent.

mercredi 31 octobre 2012

La Parole avant le texte


Lire I Thessaloniciens 2,7-13

En entendant l’expression « La Parole de Dieu, » on pense souvent à la Bible, au texte imprimé des Saintes Écritures. Cela va de soi, et c’est bien normal. Mais il est peut-être bon de se rappeler que cette Parole existait avant que le texte ne soit écrit. Le dernier verset de notre extrait d’aujourd’hui nous le rappelle.

Paul loue les Thessaloniciens parce qu’ils ont reçu son enseignement non pas comme une « parole d’homme, » mais comme la « Parole de Dieu. » Paul n’avait pas de texte à leur présenter à ce moment-là. De fait, cette lettre aux Thessaloniciens que nous lisons est le premier texte de ce qui deviendrait le Nouveau Testament. Au fil des années, on y ajouterait les autres lettres de Paul, les lettres d’autres apôtres, les récits des quatre évangélistes, l’histoire des actes des apôtres, la vision de Jean qu’on appelle l’Apocalypse. Mais avant que tous ces textes soient écrits, Paul annonçait la Parole de Dieu.

À quoi Paul se réfère-t-il donc? Il se réfère aux histoires que les autres apôtres lui avaient racontées et à sa propre expérience de conversion lorsqu’il rencontra le Christ ressuscité sur la route de Damas. Voilà le contenu de sa prédication et de son enseignement. Les histoires qui circulent au sujet de Jésus et la réflexion de la jeune communauté qui  prie et célèbre son Seigneur constituent la « Parole de Dieu » avant l'Écriture. L’Église, Peuple de Dieu, est le berceau dans lequel est né le texte que nous appelons aujourd’hui le Nouveau Testament.

Si l’Église est le lieu de naissance du texte, il est normal que l’Église soit aussi le lieu où le texte doit être proclamé, étudié et prié. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas lire la Bible tout seul. Mais même lorsqu’on la lit seul, il faut se rappeler qu’elle est née au sein de la communauté, et que c’est toujours la communauté qui la comprend, qui l’interprète, qui la transmet.

Ma grand-mère avait une boîte de photos. Lorsqu’on ouvrait cette boîte, il était important d’avoir notre grand-mère à nos côtés : elle seule connaissait l’histoire « derrière » la photo, elle seule pouvait nommer tous les gens dans la photo et en expliquer le sens. Les photos sont la trace de personnes et d’événements qui sont peut-être disparus aujourd’hui, mais dont l’impact sur la vie de notre famille est encore important. La Bible, c’est comme la boîte de photos, un témoin de cette grande aventure qu’on appelle l’histoire du salut; l’Église, c’est comme ma grand-mère qui a pris les photos, qui en connaît le sens, qui peut s’en servir pour nous faire entrer dans l’histoire vivante des personnages dont le premier est le Seigneur Jésus.

Croire à la « Parole de Dieu, » c’est plus que reconnaître la vérité d’un texte. C’est entrer dans l’histoire vivante que ce texte raconte, en communion avec l’Église qui lui a donné naissance. 

jeudi 25 octobre 2012

Prêtres de Jésus-Christ


Lire Hébreux 5, 1-6

Cette semaine, l’auteur de la lettre aux Hébreux nous parle des prêtres de l’Ancien Testament. Il faut savoir que ces hommes avaient comme tâche principale d’offrir des sacrifices au Temple de Jérusalem au nom des membres du peuple d’Israël. Pour être prêtre, il fallait être fils d’un prêtre, descendant du premier prêtre, Aaron, le frère de Moïse. Et les fils des prêtres n’avaient pas de choix, ils devaient accepter leur tâche. Comme il y avait beaucoup de prêtres en Israël, ils prenaient leur tour dans le service au Temple, en général deux semaines par année. Le reste du temps, ils gagnaient leur vie comme toute autre personne.

Notre texte d’aujourd’hui fait ressortir la compassion des prêtres pour les autres membres du peuple, puisqu’ils partagent leurs faiblesses et leurs besoins. Ils n’ont aucune raison d’être orgueilleux d’être prêtres, puisqu’ils n’ont aucun choix et aucun mérite : ils sont prêtres simplement parce que leurs pères l’étaient. Ce n’est pas un honneur que d’être prêtre, c’est un service qu’on doit assurer.

À bien des égards, le sacerdoce du Nouveau Testament est radicalement différent de celui de l’Ancien Testament. D’abord, en Jésus, tout le peuple est sacerdotal, tous les baptisés participent à la prêtrise du Christ. Mais certains membres de l’Église participent d’une façon particulière au ministère du Christ envers le peuple. Avec le Christ et en Lui, ils offrent à l’Église un service de leadership : ils dirigent la vie et la prière du peuple, ils président aux sacrements du Christ, ils animent l’activité du Peuple de Dieu.

Par contre, ils ressemblent aux prêtres de l’Ancien Testament en ceci, qu'ils sont des hommes ordinaires solidaires des faiblesses et des besoins de tout le peuple. Ils ne sont pas là parce que leurs pères étaient prêtres, mais parce qu’ils ont ressenti dans leur cœur un appel du Seigneur. Cet appel n’est pas pour eux une source d’orgueil, car c’est un appel au service dans l’humilité.

Nous avons connu une époque où les prêtres étaient portés sur la main. Ils étaient comme juchés sur des piédestaux. On les considérait supérieurs au gens ordinaires de par leurs études plus poussées, leur autorité sur la communauté, leur engagement au célibat. Pourtant, ce sont des hommes bien humains. Ils ont leurs qualités et leurs défauts, leurs forces et leurs faiblesses. Ils commencent la messe en demandant pardon pour leurs péchés avec tout le peuple. Ils ont besoin du pardon et de la grâce de Dieu comme toute autre personne.

C’est seulement en étant profondément unis au Christ qu’ils peuvent assurer le service de leadership au cœur de l’Église, dans un esprit de compassion et d’humilité. Avec le Christ, ils veulent donner leur vie pour l’Église. Avec le Christ, ils se font serviteurs de tous.

vendredi 19 octobre 2012

Comment tenir "ferme dans la foi"?



Lire Hébreux 5, 1-6

Nous connaissons peu la communauté à laquelle la lettre aux Hébreux a été écrite. Ses membres, venus du judaïsme, auraient été enthousiastes au début; ils semblent s'être un peu refroidis, comme cela peut nous arriver. Et ils semblent faire face à de nouveaux défis, peut-être même des persécutions. Cette perspective les inquiète profondément, les décourage.

Ils nous ressemblent, n’est-ce pas? Nous aussi, nous connaissons ces temps d’ardeur, ces moments d’engagement intense où la foi en Jésus nous dynamise. Nous aussi, nous vivons ces autres moments de tiédeur, presque d’indifférence. Nous nous sommes tellement donnés; maintenant nous sommes fatigués. Nous voulons nous reposer.

Pourtant, l’auteur de cette lettre nous rappelle que le vrai repos ne se trouve que dans notre relation avec Dieu, en Jésus-Christ. Ce repos, promis pour l’éternité, nous pouvons déjà y goûter, mais à condition de rester attachés au Christ. Et ce qui nous encourage dans cet attachement, c’est le fait que le Christ aussi a connu notre fatigue. En effet, il n’est pas indifférent à nos détresses. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous. »

S’il a connu nos épreuves, il peut vraiment sympathiser avec nous. Le Christ, c’est la compassion de Dieu manifestée sur la terre. C’est la compréhension de Dieu révélée à l’humanité. Nous n’avons pas besoin d’avoir peur d’être incompris ou d’être rejetés lorsque nous nous approchons de Dieu.

Au contraire, le fait qu’il soit si proche de nous dans nos épreuves devient pour nous une source de courage. Nous pouvons, grâce à lui, nous avancer « avec pleine assurance vers le Dieu qui fait grâce. » Nous sommes confiants que nous recevrons « en temps voulu, la grâce de son secours. »

Voilà ce qui nous permet de « tenir ferme l’affirmation de notre foi. » Non seulement une foi faite de vérités à croire, mais une foi qui est confiance en Dieu, Dieu qui nous comprend si bien. Car la foi ne se vit pas seulement au niveau de la tête : elle se vit aussi, peut-être surtout, au niveau du cœur. Un cœur éprouvé qui trouve sa consolation dans l’amour d’un Dieu qui a aussi connu l’épreuve. Un cœur blessé qui trouve sa guérison dans le pardon d’un Dieu qui est venu jusqu’à nous. Un cœur fatigué qui trouve son énergie dans l’Esprit d’un Dieu qui est source de vie.

Écoutons ces mots adressés aux Hébreux d’il y a deux mille ans : ce sont des mots pour nous, mots de consolation, mots d’encouragement, mots de foi. Écoutons ces mots, accueillons-les dans la foi, et vivons-les au jour le jour.

mercredi 3 octobre 2012

Une oeuvre en chantier



Lire Hébreux 2, 9-11

Au menu cette semaine : une petite leçon de vocabulaire grec. Nous nous arrêtons à un verbe, téleioun, dont le sens est un peu compliqué. Il sert à désigner la consécration des prêtres juifs qui offraient des sacrifices au Temple de Jérusalem. Mais il veut aussi dire « rendre parfait » dans le sens de mener quelque chose à son accomplissement, à son achèvement. Un peu comme un artiste qui trace un croquis de son dessein, ensuite ajoute les couleurs, pour enfin travailler les détails : il mène son dessein à sa perfection, à son achèvement. C’est le sens du verbe grec, téleioun.

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux, ce verbe est important. Il s’en sert à plusieurs reprises pour parler d’abord de Jésus, ensuite des chrétiens. Il dit que Jésus à été « mené à son accomplissement » par sa mort sur sa croix. Ou, dans une autre traduction, Jésus « a été rendu parfait. » L’auteur affirme ainsi que toute la vie de Jésus est exprimée dans l’amour avec lequel il offre sa vie au Père et à nous. Sa vie atteint sa perfection dans ce geste ultime d’amour, de don et de pardon.

De plus, sa mort sur la croix met fin à tous les sacrifices d’animaux qui étaient offerts au Temple. Ces nombreux sacrifices, pourtant offerts avec dévotion et amour, ne peuvent pas égaler la puissance et la profondeur du sacrifice amoureux du Fils de Dieu qui se donne sur la croix. Ce sacrifice-là, il est éternel : il n’y a plus besoin d’autres sacrifices. La consécration de Jésus sur la croix mène à leur achèvement la consécration des prêtres du Temple de Jérusalem : Jésus est le grand-prêtre éternel.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Nous aussi, les disciples de Jésus, nous devons atteindre notre propre perfection, nous devons cheminer vers notre propre accomplissement. Il faut que nos vies aussi soient transformées par amour dans l’Esprit éternel qui a mené Jésus à son accomplissement. Ainsi, nos vies ne sont pas un cercle vicieux où les fins de semaine se succèdent les unes aux autres, semblables les unes aux autres. La vie humaine, c’est un projet, comme une œuvre d’art qu’il faut mener à sa perfection.

L’esquisse de nos vies nous est donnée avec notre enfance. Mais il faut y ajouter les couleurs de la foi, de l’espérance et de l’amour. Il faut être attentifs aux détails quotidiens où s’incarnent les valeurs de l’Évangile. Nous sommes en chantier : le meilleur est à venir. Téleouin, ce n’est pas seulement un mot grec, c’est le projet d’une vie.