21e dimanche du temps ordinaire - Année B
- Jos 24, 1-2a.15-17.18b
- Ep 5, 21-32
- Jn 6, 60-69
Ce n’est pas toujours
évident de suivre Jésus dans son Église.
Déjà à l’époque de Jésus,
des voix s’élevaient pour contredire son enseignement ou pour l’accuser d’être
infidèle aux traditions des anciens. Nous en voyons un exemple dans l’évangile
d’aujourd’hui lorsque saint Jean rapporte que ses disciples récriminaient
contre lui à cause de son enseignement sur le Pain de Vie et que beaucoup
d’entre eux cessèrent de le suivre.
Dans ce contexte, le
témoignage de foi de Pierre prend une valeur particulière. Lorsque Jésus lui
demande si les Douze veulent aussi partir, Pierre répond en leur nom :
« À qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous croyons
et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
Face aux controverses,
aux discussions et aux divisions, Pierre proclame sa foi en la personne de
Jésus. Il s’attache à lui, même s’il ne comprend pas toutes ses paroles, même
s’il ne saisit pas tous les enjeux de cette fidélité.
Je pense beaucoup à
Pierre, ces jours-ci, alors que de nombreuses voix s’élèvent pour décrier les
crimes commis au fil des récentes décennies par des prêtres contre des enfants
et des jeunes. Aux États-Unis, au Chili et en Irlande, les récentes nouvelles révèlent
la dimension effrayante de ce mal pernicieux au sein du clergé et mettent en
question la validité même des structures d’autorité dans l’Église. Le manque de
transparence et de sagesse de la part de nombreux évêques dans le passé et
encore récemment frise dans bien des cas l’insouciance de la loi civile et
ecclésiastique, provoquant soit un désir profond de réforme ecclésiale, soit le
dégoût, le découragement et enfin le rejet de l’Église.
En un tel moment de
crise, je me tourne avec Pierre vers Jésus et lui dit : « À qui
irais-je, Seigneur? Tes paroles me font vivre. Je crois que tu es mon Sauveur
et mon libérateur. »
Mais il ne suffit pas de
renouveler ma foi au Christ et en sa parole. Je veux aussi m’engager pour
changer cette situation inacceptable qui fait des victimes non seulement des
enfants et des jeunes qui ont été violentés sexuellement par des prêtres, mais
aussi de leurs familles et de leurs amis, sans parler de tous les fidèles de
bonne volonté qui ne veulent que suivre Jésus et vivre de son Évangile.
Le Pape François, dans la
lettre d’excuses qu’il vient d’écrire au Peuple de Dieu, affirme que nous avons
tous notre part à jouer dans le redressement de cette situation. Chacun,
chacune de nous doit se demander ce qu’il peut faire, en commençant par moi qui
suis évêque.
Vous allez peut-être
trouver cela drôle, mais je trouve une première inspiration dans la deuxième
lecture de ce dimanche; oui dans cette lecture mal-aimée où Saint Paul affirme
que les femmes doivent être soumises à leurs maris. Permettez-moi de
m’expliquer.
D’abord, je vous ferai remarquer que la phrase de Paul concernant les femmes est précédée d’une autre phrase
qui établit le contexte à ne jamais oublier. Il enseigne que les époux doivent être
soumis « les uns aux autres ». Il s’agit donc d’une soumission
mutuelle et égalitaire. En autres mots, Paul invite les maris autant que les
femmes à s’écouter mutuellement, à se traiter également avec respect et
attention, à chercher à rendre l’autre heureux. De plus, il invite les hommes à
aller encore plus loin dans cette soumission : ils doivent imiter le
Christ qui a donné sa vie pour son Église. Comme le Christ, les époux doivent
être prêts à se sacrifier complètement pour leurs épouses. Lorsque Paul parle
de l’amour, il n’évoque ni le sentiment romantique que chantent nos ballades
populaires, ni la passion sexuelle qui hante notre culture contemporaine. Il
parle d’un amour inconditionnel et sacrificiel qui se donne jusqu’au bout pour
le bien de l’autre. À son époque, ce message était révolutionnaire. Malheureusement,
il est toujours d’actualité : en effet, des études récentes révèlent que
30% des femmes du monde subissent toujours la violence aux mains de leurs
maris. Oui, le message de Paul aux hommes mérite encore d’être répété, médité
et mis en pratique.
Vous vous pourquoi ce
message me parle en tant qu’évêque dans le contexte de l’abus sexuel des
mineurs par le clergé? Eh bien, comme tous les évêques, je porte un anneau à ma
main. Cet anneau me rappelle que je suis marié à mon Église diocésaine, que je
dois l’aimer à la manière du Christ. Et cette Église, elle n’est pas une
institution à protéger, mais une famille composée de personnes concrètes,
certaines d’entre elles plus vulnérables que d’autres. Pour moi, évêque, aimer
mon épouse veut dire aller jusqu’au bout dans mon désir de voir s’épanouir les
plus petits et les plus pauvres de mon diocèse en leur révélant la compassion
et l’amour du Père éternel, en leur ouvrant des espaces d’écoute et d’accueil,
quelles que soient leurs blessures, quel que soit leur cheminement.
Peut-être si tous les
évêques du passé avaient mis en pratique la leçon de Saint Paul, nous ne
connaîtrions pas la situation tragique qui nous confronte aujourd’hui. Mais je
ne veux pas me complaire à juger mes prédécesseurs, je veux plutôt répondre à
l’appel que Jésus me lance ici et maintenant. Si je crois qu’il a les paroles
de vie éternelle, je dois chercher comment manifester sa compassion aux
personnes bléssées et vulnérables de mon propre diocèse. Voilà au moins un
premier pas à prendre.
Je vous invite tous à répondre
à l’appel du Pape François en entreprenant avec moi une réflexion semblable.
Ouvrons nos cœurs et nos intelligences à l’Esprit du Christ, ne soyons pas des
obstacles à son œuvre de grâce, mais des témoins vivants de foi, d’amour et
d’espérance. Que d’autres puissent découvrir, grâce à nous, que Jésus a
vraiment les paroles de vie. Telle est mon souhait et ma prière.