Le texte d’aujourd’hui prend un sens
tout à fait unique si l’on considère qu’il s’agit probablement des derniers
mots que Saint Paul a écrits. Il est en prison à Rome où il attend un deuxième
procès -- peut-être devant l’empereur lui-même -- qu’il croit voué à l’échec. D’où
les expressions fortes qui ouvrent ce passage et qu’on pourrait traduire dans
nos mots d’aujourd’hui : « je verse les dernières gouttes de ma vie »;
« ma course est achevée »; « je lève l’ancre pour le grand
départ ».
Quelles sont les pensées de Paul
alors qu’il contemple sa mort prochaine? Loin d’être lugubres, elles sont
habitées d’une grande espérance, d’une conviction profonde qui ne l’abandonne
pas. Ce qui l’attend n’est pas le grand vide, mais la « couronne » de
victoire qui est assurée à tous ceux qui, comme lui, sont tendus vers la
manifestation du Seigneur Jésus. Mais cette tension vers l’avenir hors du temps
ne le détache pas du temps présent. Au contraire, il voit son prochain procès
comme une occasion -- encore une autre! -- de témoigner de l’Évangile dont il l’est
l’apôtre, jusqu’au bout. Et dans la solitude de sa prison, en pensant à ceux
qui l’ont abandonné, il imite Jésus par son pardon et sa miséricorde.
Buste de Saint Paul Basilique St-Paul, Toronto |
Au cœur de ces envolées mystiques,
une phrase qui m’a toujours touché : « Apporte donc le manteau que j’ai
laissé chez Carpos à Troas, ainsi que mes livres, surtout les parchemins. »
Nous sautons ces versets du passage dans la proclamation liturgique, mais ils
me semblent importants. Ils révèlent la pensée intérieure de Paul : il lui
reste encore quelque temps à vivre, le procès est peut-être retardé, il peut
travailler encore un peu. Et c’est peut-être l’hiver qui arrive, il aimerait
bien se réchauffer un peu de son vieux manteau. C’est toute l’humanité de Paul
qui nous est révélée ici. Dans ces quelques mots de tous les jours, le géant de
l’Évangile se fait tout proche de nous.
Alors nous comprenons que nous
aussi, au cœur de nos préoccupations quotidiennes, nous sommes habités d’un
mystère extraordinaire qui nous dépasse et qui nous entraîne au-delà de ce
monde, au-delà de la mort. Oui, le Seigneur nous sauvera, nous aussi, pour son
Royaume céleste.
C’est pourquoi avec Paul nous
pouvons proclamer la grandeur de Dieu : « À lui la gloire dans les
siècles des siècles. Amen! »