Lire Hébreux 12, 18-24
Nous raffolons des spectacles
avec leurs lumières vives, leurs sons étourdissants, leurs émotions fortes, leur
vitesse, leur action. Je me souviens de ma première visite à une foire, la
vitesse des manèges, le bruit envahissant, le tohu-bohu de la musique, les voix
criardes réclamant notre attention, le doux-amer des pommes confites. Et je me
souviens avoir vu les chutes du Niagara pour la première fois, le flux énorme
de l’eau en cascade sur les falaises, le bruit assourdissant de l’eau se
précipitant vers les tourbillons qui semblaient former un énorme chaudron de
moutons déchaînés et le brouillard froid qui nous mouillait. Quels souvenirs!
Et nous recherchons les
spectacles. Nous voulons que nos fêtes fassent preuve d’audace, qu’on y soit impétueux
et bruyant. Nous aimons les films d’action truffés d’explosions. Nous voulons
que nos voitures brillent, que nos jardins scintillent, que nos vêtements
reluisent. Notre civilisation semble être construite sur le spectacle. Nous croyons
vivre pleinement lorsque nos sens sont éblouis, débordés et électrifiés.
Pourtant, les réalités
les plus importantes de la vie semblent être les plus silencieuses et les plus
humbles de toutes. Nous pouvons être touchés — plus profondément que nous ne
voulons l’admettre — par un enfant endormi, par une nuit étoilée, par un lac paisible.
C’est dans la simplicité d’un premier contact que naît l’amour. Une rose unique
et une caresse expriment mieux que tout notre sympathie à la victime d’une tragédie.
Une chanson autour d’un feu de camp peut nous faire goûter l’éternité.
De fait, le spectacle
nous éloigne de nous-mêmes. On dirait que les sons et les paysages et les
saveurs et les sensations, en se précipitant sur nous, ont besoin de se faire une
place dans notre for intérieur... et ils le font en évacuant le cœur de ce que
nous sommes. Non seulement sommes-nous envahis par le spectacle, nous nous
perdons en lui. Nous cessons d’être. Seul demeure le spectacle.
Serions-nous attirés
par le spectacle parce que nous n’avons pas conscience du mystère qui nous
habite? Accepterions-nous si facilement de nous laisser envahir par le
spectacle parce que nous ne connaissons pas la valeur de ce noyau existentiel
que les anciens appelaient « l’âme »?
Pourtant, n’est-ce pas dans l’âme que naît l’amour, que prend forme la pensée, que se réveille l’imagination? Et n’est-ce pas dans l’âme que nous rencontrons et reconnaissons le Dieu qui nous a formés et nous a donné la vie?
Dans la lecture d’aujourd’hui,
l’auteur de la lettre aux Hébreux reconnaît qu’il n’y a pas grand-chose de spectaculaire
dans la rencontre du Dieu de Jésus-Christ, aucune montagne de feu ou de tempête
violente ou de musique vibrante, pas de voix immense pour nous faire frémir et
trembler. Il n’y a que le silence de la croix sur une colline solitaire un
vendredi après-midi. Il n’y a que la tranquillité d’un tombeau vide. Il n’y a que
la brise légère de la présence de l’Esprit.
Et pourtant, en
apprenant à nous libérer de notre besoin du spectacle et en nous ouvrant au mystère
de notre âme, nous nous avançons vers une réalité encore plus impressionnante
que tout ce que nous aurions pu imaginer : des milliers d’anges en fête,
une foule immense de témoins, les âmes de tous les justes. Nous nous avançons vers
le Dieu qui nous a donné la vie et vers le Christ qui nous l’a redonnée. Et, ce
qui est peut-être encore plus surprenant, nous nous avançons vers nous-mêmes.