mardi 28 août 2018

Homélie du 26 août 2018 à l'émission "Le Jour du Seigneur"

21e dimanche du temps ordinaire - Année B
  • Jos 24, 1-2a.15-17.18b
  • Ep 5, 21-32
  • Jn 6, 60-69

Ce n’est pas toujours évident de suivre Jésus dans son Église.

Déjà à l’époque de Jésus, des voix s’élevaient pour contredire son enseignement ou pour l’accuser d’être infidèle aux traditions des anciens. Nous en voyons un exemple dans l’évangile d’aujourd’hui lorsque saint Jean rapporte que ses disciples récriminaient contre lui à cause de son enseignement sur le Pain de Vie et que beaucoup d’entre eux cessèrent de le suivre.

Dans ce contexte, le témoignage de foi de Pierre prend une valeur particulière. Lorsque Jésus lui demande si les Douze veulent aussi partir, Pierre répond en leur nom : « À qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »

Face aux controverses, aux discussions et aux divisions, Pierre proclame sa foi en la personne de Jésus. Il s’attache à lui, même s’il ne comprend pas toutes ses paroles, même s’il ne saisit pas tous les enjeux de cette fidélité.

Je pense beaucoup à Pierre, ces jours-ci, alors que de nombreuses voix s’élèvent pour décrier les crimes commis au fil des récentes décennies par des prêtres contre des enfants et des jeunes. Aux États-Unis, au Chili et en Irlande, les récentes nouvelles révèlent la dimension effrayante de ce mal pernicieux au sein du clergé et mettent en question la validité même des structures d’autorité dans l’Église. Le manque de transparence et de sagesse de la part de nombreux évêques dans le passé et encore récemment frise dans bien des cas l’insouciance de la loi civile et ecclésiastique, provoquant soit un désir profond de réforme ecclésiale, soit le dégoût, le découragement et enfin le rejet de l’Église.

En un tel moment de crise, je me tourne avec Pierre vers Jésus et lui dit : « À qui irais-je, Seigneur? Tes paroles me font vivre. Je crois que tu es mon Sauveur et mon libérateur. »

Mais il ne suffit pas de renouveler ma foi au Christ et en sa parole. Je veux aussi m’engager pour changer cette situation inacceptable qui fait des victimes non seulement des enfants et des jeunes qui ont été violentés sexuellement par des prêtres, mais aussi de leurs familles et de leurs amis, sans parler de tous les fidèles de bonne volonté qui ne veulent que suivre Jésus et vivre de son Évangile.

Le Pape François, dans la lettre d’excuses qu’il vient d’écrire au Peuple de Dieu, affirme que nous avons tous notre part à jouer dans le redressement de cette situation. Chacun, chacune de nous doit se demander ce qu’il peut faire, en commençant par moi qui suis évêque.

Vous allez peut-être trouver cela drôle, mais je trouve une première inspiration dans la deuxième lecture de ce dimanche; oui dans cette lecture mal-aimée où Saint Paul affirme que les femmes doivent être soumises à leurs maris. Permettez-moi de m’expliquer.

D’abord, je vous ferai remarquer que la phrase de Paul concernant les femmes est précédée d’une autre phrase qui établit le contexte à ne jamais oublier. Il enseigne que les époux doivent être soumis « les uns aux autres ». Il s’agit donc d’une soumission mutuelle et égalitaire. En autres mots, Paul invite les maris autant que les femmes à s’écouter mutuellement, à se traiter également avec respect et attention, à chercher à rendre l’autre heureux. De plus, il invite les hommes à aller encore plus loin dans cette soumission : ils doivent imiter le Christ qui a donné sa vie pour son Église. Comme le Christ, les époux doivent être prêts à se sacrifier complètement pour leurs épouses. Lorsque Paul parle de l’amour, il n’évoque ni le sentiment romantique que chantent nos ballades populaires, ni la passion sexuelle qui hante notre culture contemporaine. Il parle d’un amour inconditionnel et sacrificiel qui se donne jusqu’au bout pour le bien de l’autre. À son époque, ce message était révolutionnaire. Malheureusement, il est toujours d’actualité : en effet, des études récentes révèlent que 30% des femmes du monde subissent toujours la violence aux mains de leurs maris. Oui, le message de Paul aux hommes mérite encore d’être répété, médité et mis en pratique.

Vous vous pourquoi ce message me parle en tant qu’évêque dans le contexte de l’abus sexuel des mineurs par le clergé? Eh bien, comme tous les évêques, je porte un anneau à ma main. Cet anneau me rappelle que je suis marié à mon Église diocésaine, que je dois l’aimer à la manière du Christ. Et cette Église, elle n’est pas une institution à protéger, mais une famille composée de personnes concrètes, certaines d’entre elles plus vulnérables que d’autres. Pour moi, évêque, aimer mon épouse veut dire aller jusqu’au bout dans mon désir de voir s’épanouir les plus petits et les plus pauvres de mon diocèse en leur révélant la compassion et l’amour du Père éternel, en leur ouvrant des espaces d’écoute et d’accueil, quelles que soient leurs blessures, quel que soit leur cheminement.

Peut-être si tous les évêques du passé avaient mis en pratique la leçon de Saint Paul, nous ne connaîtrions pas la situation tragique qui nous confronte aujourd’hui. Mais je ne veux pas me complaire à juger mes prédécesseurs, je veux plutôt répondre à l’appel que Jésus me lance ici et maintenant. Si je crois qu’il a les paroles de vie éternelle, je dois chercher comment manifester sa compassion aux personnes bléssées et vulnérables de mon propre diocèse. Voilà au moins un premier pas à prendre.

Je vous invite tous à répondre à l’appel du Pape François en entreprenant avec moi une réflexion semblable. Ouvrons nos cœurs et nos intelligences à l’Esprit du Christ, ne soyons pas des obstacles à son œuvre de grâce, mais des témoins vivants de foi, d’amour et d’espérance. Que d’autres puissent découvrir, grâce à nous, que Jésus a vraiment les paroles de vie. Telle est mon souhait et ma prière.