Le Père Ranchi nous a proposé, comme dernière conférence de notre retraite, une méditation à partir de la question que le Christ ressuscité posa à Pierre : "Simon, Fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?" (Jean 21) Voici quelques-unes de ses réflexions.
Une belle question. Une question exigeante.
Quand Jésus interroge Pierre, c'est moi qu'il interroge.
Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l'amour.
Notons ce que Jésus ne demande pas. "As-tu compris mon message? As-tu compris la Croix? As-tu compris la mission que je te confie?"
C'est comme si Jésus était en train d'évaluer sa propre mission : a-t-il réussi à faire naître l'amour dans le coeur de Pierre?
Dans cette scène, il y a un nouveau commencement. Il y a trois ans, ils avaient entendu l'appel de Jésus: "Suis-moi". Et voilà que retentit de nouveau l'appel. Comme si la foi était un perpétuel recommencement.
Celui qui a renié devient un ami. Celui qui avait été renié renouvelle sa confiance.
Tout commence avec la décision de Pierre d'aller pêcher. Comme s'il voulait retourner à son passé, avant qu'il ne rencontre Jésus. Ses compagnons aussi. Mais ils ne prirent rien. Nuit sans étoile, nuit amère. Ils ne peuvent pas revenir en arrière, faire comme s'ils n'avaient pas connu le Christ. Ils savent maintenant que, sans lui, la vie n'est que vent et vide.
Mais à l'aube, sa voix se fait entendre, peut-être ironique : "N'avez-vous pas de poisson?" Ils sont obligés de le reconnaître, sans lui, ils ne peuvent rien.
Il les invite à lancer leurs filets de l'autre côté de la barque, et leurs filets s'emplissent. Mais là n'est pas le miracle. Le vrai miracle, c'est Pierre qui met ses vêtements, se jette à l'eau et s'élance vers Jésus. Le vrai miracle, c'est Pierre qui se presse d'abandonner sa barque (malgré tous sa belle récolte de poissons) pour s'attacher au Christ.
Voilà la vraie sainteté. Non pas une absence de péché, mais un retour continuel vers la source de l'amour.
Le vrai miracle, c'est que les faiblesses de Pierre ne sont pas des obstacles, mais des occasions pour Pierre de renouveler son amour pour Jésus.
Avec Pierre, je peux répondre : "Oui, Seigneur, je suis ton ami. Je t'aime comme je peux, avec ce que je suis, avec mes faiblesses. Et tel que je suis, je te suivrai."
Jésus ne confie pas ses brebis à Pierre, le rocher, mais à Simon, l'ami! Non pas le nom de la fonction, mais le nom de l'intimité.
Au soir de notre vie, Jésus nous posera la même question: "Es-tu mon ami?"
...
Après la réponse finale de Pierre, Jésus peut retourner au Père, car il a laissé derrière lui la chose la plus importante : un peu d'amour dans le coeur de quelqu'un.
Si on me demande si j'ai la foi, je réciterai peut-être le Credo. Mais dans sa première lettre, saint Jean affirme que les chrétiens se reconnaissent à leur foi non non dans une série de propositions, mais dans l'amour. "Mais nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru!"
Qu'est-ce qu'évangéliser? C'est annoncer que nous croyons à l'amour, et inviter l'autre à aimer avec nous.
Il faut faire de l'expérience d'amour le lieu privilégié de l'évangélisation.
Le salut ne consiste pas dans le fait que j'aime Dieu, mais dans le fait que Dieu m'aime!
Et l'amour de Dieu n'est pas seulement "pour moi", mais "en moi". De sorte qu'il aime "en" moi, et "par" moi.
"Qui n'aime pas son frère est homicide," écrit saint Jean. L'indifférence tue. Rester à la fenêtre et simplement regarder rend complice du mal.
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La question que Jésus pose à Pierre, il me la pose. Et je ne dois pas l'esquiver. Ni les réunions ni les devoirs ne doivent m'en éloigner. Elle est essentielle. Je dois y répondre dans ma prière, mais surtout avec ma vie.
Et ma réponse ne doit pas être théorique ou intellectuelle, mais passionnelle! La Parole s'est faire chair et sang... ainsi, ma foi doit-elle se faire chair et sang.
Le fondement de la Loi, c'est "Tu es aimé." Et son accomplissement, c'est "Tu aimeras."
Voici, en conclusion, une photo du Père Ranchi prise avant qu'il ne nous quitte. Le souvenir de son enseignement et de son sourire ne nous quittera pas de sitôt.