dimanche 12 novembre 2017

Homélie aux funérailles de Mgr Jacques Landriault



Sur la photo officielle de Monseigneur Jacques Landriault, celle qu’on retrouvait dans les églises et presbytères du diocèse de Timmins, on le voyait debout, habillé en clergyman, une bible familiale dans sa main, un sourire en coin sur les lèvres comme s’il disait : « Viens lire ce texte avec moi. J’ai un secret à te partager. »

De fait, Jacques était un amoureux de la Parole de Dieu. En cela, il s’est avéré un vrai Père du Concile Vatican II qui avait remis la Parole de Dieu à l’honneur dans la liturgie et dans la vie chrétienne.

Je vous propose donc de relire les textes que nous venons d’entendre ce matin comme si notre frère Jacques était là avec nous et qu’il voulait nous partager ce secret qui, durant sa longue vie, lui a donné une raison de vivre, de s’engager, de prier et de servir.

Let’s start with the first reading, from the prophet Hoseah, (2:16-25) written many centuries before Jesus’s time, at a moment in Israel’s history when the people had fallen into corruption and injustice, when they relativized the Sinai Covenant and the Law of Moses, adapting it to include the worship of foreign divinities known as the Baals, or masters.

Oui, à l’époque du prophète Osée, le peuple avait oublié ses racines, il avait oublié le Dieu qui l’avait tiré de l’esclavage en Égypte et mené en Terre promise.

Devant cette situation tragique, le prophète prend la parole, il s’exprime à la place de Dieu. Est-ce qu’il menace? Est-ce qu’il annonce la punition? Est-ce qu’il prédit la destruction? Non.
Il donne à Dieu la voix d’un amoureux qui veut mener son épouse infidèle dans un lieu secret pour lui parler cœur à cœur. Il la ramène au lieu où elle avait d’abord connu son amour afin de la séduire à nouveau, de la fiancer à nouveau. Et ces nouvelles fiançailles produiront des fruits de justice et de droit, de fidélité et de tendresse.

Instead of threatening and condemning, the God of Hoseah wants to renew a loving relationship with Israel. Hoseah’s tender, kindhearted God was also the God of Jacques Landriault. How he enjoyed speaking of God’s affectionate love. His homilies—which often much too long … like mine threatens to be today—were filled with a deep yearning to introduce his listeners to his loving God.

Son expérience du Marriage Encounter, du Cursillo, de la Rencontre et du Renouveau charismatique dans les 1970 lui ont permis de libérer sa propre affectivité naturelle, une affectivité qu’il avait un peu étouffée durant ses premières années d’épiscopat, croyant qu’un évêque se devait de maintenir une certaine distance relationnelle afin de préserver la dignité de l’ordre. Il m’a partagé un jour que ces expériences lui avaient permis de se « déconstiper » (c’était son expression). Et les gens qui l’ont connu dans le diocèse de Timmins et durant sa retraite à Ottawa se souviennent de lui comme d’un homme affectueux, tendre, simple d’accès, proche des plus petits et des plus faibles. Oui, son cœur vibrait au diapason du Dieu de tendresse qu’a voulu révéler le prophète Osée au peuple d’Israël.

La deuxième lecture nous fait avancer plusieurs siècles dans le temps, peut-être une soixantaine d’années après la mort et la résurrection du Christ. L’apôtre Jean – et la communauté qu’il animait – avait médité pendant de nombreuses années sur le mystère du Christ donnant sa vie pour nous libérer du mal. Au cœur du passage de la première lettre de Jean que nous avons écouté ce matin (4,10-21), nous entendons cette magnifique profession de foi : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. »

Let us note what the Apostle John affirms in today’s second reading: faith is not the result of an intellectual process, even less a habit that is caught by osmosis. It springs from a foundational experience of being loved!

Cette conviction habitait tellement notre frère Jacques qu’il en a tiré sa devise personnelle lorsqu’il fut ordonné prêtre. Elle ne l’a jamais abandonné. Dans un testament spirituel rédigé en 1989, un an avant sa démission comme évêque à cause de sérieux problèmes cardiaques, il écrivait :

« Je remercie le Bon Dieu de m’avoir donné la vie, de m’avoir racheté et de m’avoir comblé de son Esprit avec tous ses dons, de m’avoir gardé dans son amour toute ma vie. »

On sent que, pour Jacques, ces mots ne sont pas des formules vides, des clichés religieux appris dans une école de prédication, mais plutôt une expression profondément personnelle qui traduit son expérience spirituelle fondamentale : celle d’être aimé de Dieu.

Only this experience of being loved can explain Jacques’s great confidence in life, his enthusiasm in the face of all challenges, a hope that knew no limits. He had the gift of seeing the positive in even the most difficult situations.

Dieu sait le nombre de projets qu’il a entrepris durant ses années d’épiscopat, marquées par sa participation au Concile Vatican II. Durant ses courtes années à Alexandria, il participe à la fondation nationale des Scouts francophones du Canada. À Hearst, il construit une cathédrale. Il collabore à la transformation du petit séminaire en Collège. Il dirige l’adaptation du diocèse à la vision renouvelée du Concile. Il réorganise le système salarial des prêtres pour le rendre plus équitable en les aidant à créer un fonds de compensation pour aider les plus pauvres.

Lorsqu’il est nommé au diocèse de Timmins en 1971, il continue d’administrer le diocèse de Hearst afin d’entreprendre une grande consultation sur l’organisation des diocèses du Nord-est ontarien et du Nord-ouest québécois. Il devient ainsi le père du diocèse de Rouyn-Noranda, qu’il aidera à rêver et à former dans le respect de diversités régionales. Une fois le diocèse de Hearst confié à son bon ami Roger Despatie, il travaille à l’aggiornamento du diocèse de Timmins.

Once he became bishop of Timmins, he moved the diocesan centre and residence from Haileybury to Timmins. (I was once a parish priest of Haileybury, and some parishioners still hold that against him…) He renovated the cathedral to adapt it to the new liturgical norms and endeavoured to make it the mother-church of the diocese.

Toujours à Timmins, il organise un immense programme de formation aux nouveaux ministères qui transformera les paroisses en habilitant de nombreux laïques à s’engager dans la pastorale. Il accueille les agentes et les agents de pastorale, il lance le diaconat permanent, il préside au renouvellement des pratiques catéchétiques entourant les sacrements de l’initiation. Ce n’est que son pauvre cœur qui l’empêchera d’entreprendre de nouveaux projets. Continuellement, il se sent porté, propulsé par la conviction que Dieu l’aime, que Dieu nous aime : jamais ne flanchèrent sa confiance et son espérance. Nous l’avons toujours connu avec un sourire aux lèvres.

Mais soyons clairs : ces nombreux projets qu’il aura entrepris et réalisés durant son ministère épiscopal ne sont pas le fruit d’une imagination fertile ou de caprices épiscopaux. Au contraire, ils sont soutenus par la conviction que ce sont des projets voulus par Dieu.

In his prayer—and those who knew him well can testify that he truly was a man of prayer—he discerned God’s will for his diocese and for himself. He sought out God’s will and, once discerned, he did all he could to accomplish it. “Thy will be done on earth as it is in heaven” was not just a formula for him, but a way of life.

Sa devise épiscopale était justement tirée de la prière que Jésus a enseignée à ses disciples (Mt 6, 6-13) : VOLUNTAS TUA, ta volonté. Même à la toute fin de sa vie, alors qu’il désirait tellement aller à la rencontre du Seigneur, il acceptait sa divine volonté. Lors de notre dernière rencontre, il m’a confié qu’il priait quotidiennement que Dieu vienne le chercher… mais il se résignait à continuer à respirer et à prier, si c’était là la volonté de Dieu.

Mais ne pensez pas que ses dernières années n’aient été qu’une passive résignation face à une santé de plus en plus chancelante. Lorsqu’il est déménagé à la résidence Bruyère à Ottawa, il y a trouvé un nouveau terrain fertile pour le ministère. Il y visitait les autres résidents, les écoutait, priait avec eux, les conseillait, leur parlait de la tendresse de Dieu.

En pensant à ces dernières années, je dois aussi me faire l’écho de la gratitude de Jacques pour l’archidiocèse d’Ottawa, à Messeigneurs Gervais et Prendergast qui ont su si bien l’accueillir et lui permettre de vivre sa retraite dans la dignité et dans la sérénité. Mgr Prendergast s’est fait particulièrement proche de lui durant les dernières années. Cet accompagnement fut pour lui une expérience de guérison et de réconciliation, lui un fils du diocèse d’Ottawa qui s’était vu obligé de se donner au diocèse de Timmins pour être ordonné prêtre. N’est-ce pas que le Seigneur réussit à écrire droit avec des lignes croches?

Ainsi, dans ses dernières, Jacques a pu mettre le comble à son amour de l’Église, une Église qu’il aima profondément, jusqu’à la fin. Écoutons ces mots de son testament spirituel de 1989 :

« Je veux dire aux prêtres, diacres, religieux, religieuses, hommes, femmes, les jeunes et les enfants des diocèses, d’Alexandria-Cornwall, de Hearst et de Timmins, particulièrement, combien je les ai aimés, combien je les aime encore et combien je continuerai de les aimer au purgatoire et au ciel. »

As he contemplated the final moments of his life, Jacques wrote these moving words in his spiritual testament:

“‘Till the last moments of my life, I would like each beat of my heart to be an act of love for the Sacred Heart of Jesus and for the Immaculate heart of Mary, and that my last breath be an act of faith, of hope and of love.”

Et il concluait en nous demandant de prier pour lui :

« Faites-moi l’aumône d’une prière, d’une messe, d’une communion, d’un chapelet, d’un chemin de croix. Ne tardez pas. Mon âme brûle du désir de voir Dieu, de contempler Marie, de m’unir à tous mes parents et mes frères et sœurs dans le ciel pour chanter les louanges de Dieu trois fois saint. »

Alors, répondons au souhait de notre frère Jacques ce matin en offrant cette eucharistie afin que l’Esprit-Saint achève son travail en lui et le fasse entrer dans la gloire du Fils auprès du Père. Il entendra résonner dans son cœur ces beaux mots de l’Évangile : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître. »
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mardi 9 mai 2017

"Ad limina" 13 - Commission pour la protection des mineurs

Il y a deux ans, dans la foulée de la crise des abus sexuels commis sur des mineurs par des prêtres, cette commission a été créée par le Pape François pour l'aviser sur les pistes à suivre dans la promotion de la sécurité des mineurs dans l'Église. Présidée par le cardinal O'Malley, archevêque de Boston, elle est desservie par un secrétaire à temps plein, l'abbé Robert Oliver, que nous avons rencontré avec un consultant, le père Stephen Rossetti, tous deux américains. 

Dans un premier temps, nous avons présenté notre réalité québécoise et de nos efforts pour mieux gérer les allégations tout en protégeant les personnes vulnérables et en favorisant un climat de confiance dans la vigilance. 

L'abbé Oliver nous a expliqué que la commission ne gère aucun cas particulier - cela relève de la Congrégation de la doctrine de la Foi. Elle travaille plutôt de façon pro-active pour aider les diocèses à rendre toutes les institutions catholiques sécuritaires pour les enfants. Cette sécurité doit être promue et assurée dans l'ensemble de nos institutions et de nos programmes. Pour ce faire, il faut développer des politiques précises et bien connues, et elles doivent être suivies. Nous étions intéressés par l'histoire américaine à cet égard, très instructive pour tous les épiscopats.

Nous avons beaucoup discuté du soin pastoral des victimes, question distincte du processus canonique encadrant le malfaiteur. Les avocats des compagnies d'assurance qui nous représentent militent souvent contre tout contact avec les victimes, mais nous savons que dans beaucoup de cas, c'est le contact entre une victime et un évêque ouvert, à l'écoute et empathique qui peut faire toute la différence pour sa guérison. 

Nous avons aussi échangé au sujet des divers programmes de filtrage qui sont mis en place à travers le monde : filtrage des candidats à la prêtrise, filtrage des employés de l'Église, filtrage des bénévoles. Nous savons que cela occasionne des résistances, mais c'est essentiel. Trop d'organismes qui travaillent avec des personnes vulnérables l'ont appris, et l'Église ne peut pas traîner de la patte à cet égard. 

Nous avons discuté en profondeur de la question de la formation des candidats à la prêtrise. La mise en place de bonnes évaluations psychologiques et un regard plus critique sur le comportement des candidats durant ses années au séminaire et son stage pastoral permettent aujourd'hui de s'assurer qu'aucun candidat problématique ne soit ordonné. Récemment, on se rend compte de l'importance de l'accompagnement des jeunes prêtres durant leurs premières années de ministère. Le mentorat fait ses preuves, de même que les groupes d'appui. 

Le célibat est-il la cause de la pédophilie? La recherche indique que non. D'une part, la grande majorité des actes pédophiles sont commis par des gens mariés ou en couple. Par ailleurs, l'orientation pédophilique est établie bien avant que le prêtre se présente au séminaire. L'important c'est de déterminer si le candidat est apte à vivre son célibat d'une façon bien intégrée et mature. 

Dans le fond, la question est plus large. Comment l'évêque peut-il accompagner ses prêtres afin d'assurer la santé spirituelle-psychologique-physique de ses prêtres? On a souligné l'importance des groupes de soutien, des sessions avec tous les prêtres, d'un service d'accompagnement spirituel, de l'accès aux soins psychologiques.


Un évêque émet une proposition concrète : une session de formation d'une semaine à Rome pour tous les évêques intéressés et leurs délégués, annoncée bien d'avance, qui dépasserait les seules questions canoniques. Nous nous rendons compte que deux heures avec ces spécialistes, c'est bien peu. En même temps, nous avons beaucoup appris d'eux. Nous les avons applaudi chaleureusement pour le travail qu'ils accomplissent.


"Ad limina" 12 - Conseils pour la promotion de l'unité chrétienne et pour le dialogue religieux

Depuis quelques jours, je n'ai pas été fidèle aux lecteurs et lectrices de mon blogue. Je m'en excuse. Le temps libre est limités alors que le rythme de nos rencontres s'accélère, et j'ai passé une bonne partie de ce temps à suivre la situation dramatique à Gatineau. Mon coeur et mes pensées sont constamment tournées vers les gens affectés par cette tragédie.

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J'essaie de reprendre le fil de mes petits rapports. Je vous ai déjà parlé de notre rencontre spéciale avec le pape François jeudi dernier. Mais je ne vous ai pas parlé de la rencontre très intéressante que nous avions eu durant la matinée avec deux conseils pontificaux: celui pour la promotion de l'unité chrétienne et les relations avec les juifs, et celui pour le dialogue inter religieux.

Avec Mgr. Farrell, secrétaire du premier conseil, nous avons fait le tour des divers dialogues internationaux que maintient l'Église catholique avec les Églises orthodoxes, les Églises orientales et les divers communautés ecclésiales issues de la réforme protestante. Nous sommes devenus plus conscients des efforts du pape François de maintenir un œcuménisme théologique, spirituel et pratique avec tous ces divers groupes. Mgr. Farrell a souligné l'importance des dialogues locaux, comme ceux que maintient la Conférence des évêques catholiques du Canada, qui aident à diffuser le fruit des dialogues internationaux et créent le climat dans lequel ce fruit peut être accueilli dans l'unité qui existe déjà entre nous. 

Quant au dialogue inter-religieux, une large part de notre discussion a été consacrée aux relations avec les musulmans. Le secrétaire de ce conseil, Mgr Ayuzo, nous a partagé la consternation des membres de ce dicastère à l'occasion de l'attentat à la mosquée de Québec. Jamais on ne se serait jamais attendu à un tel geste dans le contexte multi-culturel du Québec. C'est un signe de la possibilité de violence qui sommeille dans toutes nos sociétés, violence qu'il faut toujours combattre et dénoncer. Mais il y a un projet d'humanité commune qu'il faut favoriser : c'est la perspective du Pape François.

Le dialogue avec les autres religions n'est pas toujours facile. Il faut garder une perspective historique. Mgr Ayuzo nous rappelle les grands axes des derniers pontificats à cet égard : Paul VI - dialogue avec le monde; Jean-Paul II - dialogue pour la culture de la paix; Benoît XVI - dialogue dans la charité et dans la vérité; François - dialogue dans le respect et l'amitié. C'est un long chemin sur lequel il ne faut pas se décourager.

Notre président, Mgr Lortie, a exprimé notre sentiment commun à la fin de l'échange : "Ce qui m'a touché dans cette présentation c'est la complexité des questions et l'attitude que vous-mêmes prenez devant elles: écoute attentive, sagesse, fidélité au Pape qui, face à des situations qui semblent sans issue, discerne les chemins pour avancer. Merci de votre travail."




samedi 6 mai 2017

"Ad limina" 11 - Un projet pilote du pape François


Jeudi 4 mai, en fin d'après-midi, nous avons participé à une rencontre inusitée avec le pape François et quelques représentants des Congrégations les plus importantes de la curie romaine. Cette rencontre s'inscrit dans une série d'initiatives entreprise par le pape pour renouveler les liens entre les évêques diocésains, responsables de l'Église dans leurs milieux respectifs, et ses proches collaborateurs.

Lors de mes deux premières visites "ad limina" (1999 et 2006), j'avais eu l'occasion -- comme tous les évêques -- de rencontrer individuellement le pape en fonction pour une quinzaine de minutes. En complément de ces rencontres individuelles, tous les évêques du groupe participaient à une session formelle où l'on échangeait des discours élaborés au préalable. 

Le pape François a préféré remplacer ces rencontres individuelles par une session de travail avec tous les évêques d'une région, session de deux heures marquée par l'échange libre sur des thèmes d'intérêt vital tant pour le pape que pour les évêques diocésains. De nombreux évêques ont déjà manifesté leur grande satisfaction face à ce changement.

Dans un désir de pousser plus loin l'innovation, le pape François avait convoqué une première rencontre au mois de février entre un groupe d'évêques du Chili, quelques responsables de Congrégations romaines et lui-même. Il voulait ainsi traiter avec ces évêques de thèmes transversaux qui recoupent les champs de compétence de ces diverses Congrégations. Cette première expérience s'étant avérée positive, le pape a décidé de refaire l'expérience avec un second groupe d'évêques, en l'occurrence ceux du Québec. L'invitation de participer à cette initiative nous avait été transmise la semaine dernière par le Cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques, à qui le pape avait confié l'organisation de la rencontre. Depuis la réception de l'invitation, nous nous sommes préparés à la rencontre en échangeant entre nous sur les thèmes que nous espérions y aborder.

La rencontre elle-même, qui a duré trois heures, s'est déroulée en trois temps. Après un moment de prière, Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l'AECQ, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal et le cardinal Gérald Lacroix, archevêque de Québec, ont brossé un tableau général de l'activité des évêques au Québec dans le contexte actuel caractérisé par la sécularisation et le pluralisme. 

Dans un deuxième temps, les divers évêques du Québec ont partagé leur expérience personnelle en nommant leurs défis et leurs espoirs. Les représentants des Congrégations romaines étaient invités à tour de rôle à présenter leurs propres observations, en fonction de leur champ de compétence. Moi, j'ai parlé de l'importance que revêt pour moi sa lettre "La joie de l'Évangile", et comment elle oriente mon ministère épiscopal et m'invite là favoriser l'éclosion d'une Église toujours plus ouverte et engagée.

Dans un troisième temps, le Pape François pris la parole pour nous inviter à écouter la voix de l'Esprit-Saint qui parle encore aujourd'hui comme il a parlé à l'apôtre Philippe au début de l'Église. En faisant référence au chapitre 8 des Actes des apôtres dont un extrait figurait à la liturgie du jour, il a rappelé comment l'Esprit avait invité Philippe à se lever pour avancer et à aller rejoindre un promeneur solitaire afin de lui porter la joie de l'Évangile. De même, a dit le pape, il faut que nous n'ayons pas peur de nous lever et d'avancer, sans que le chemin soit toujours clair; d'aller à la rencontre de l'autre non pas d'abord pour lui parler mais pour l'écouter; et de semer la joie partout où nous passons. Il nous a aussi rappelé cet autre passage du sixième chapitre des Actes des apôtres où ces derniers délèguent des gens pour s'occuper de l'administration de la communauté afin qu'ils puissent se consacrer à la prière et au ministère de la Parole. Ainsi, le pape a-t-il souligné, nous devrions placer la prière et la prédication de l'Évangile au coeur de notre ministère quotidien et leur accorder la priorité. Enfin, le pape nous a invité à nous faire proches de nos prêtres et, sans regretter le passé, à nous tourner résolument vers l'avenir avec courage et détermination. Il nous a donné congé en nous rappelant qu'ils nous reverrait tous jeudi prochain, tel que prévu, pour la rencontre de groupe ordinaire.


Je suis profondément touché par l'honneur qui nous a été fait de pouvoir participer à ce projet pilote et de contribuer au renouvellement de la formule traditionnelle de la visite "ad limina". Le pape François nous a accordé un insigne privilège et j'en suis reconnaissant. Comme mes collègues de l'AECQ, je me sens écouté, compris et confirmé dans mon ministère d'évêque. Quelle grâce!

jeudi 4 mai 2017

"Ad limina" 10 - Dicastère pour le service du développement humain intégral

Ce mercredi 3 mai, notre visite était consacrée au nouveau Dicastère pour le service du développement humain intégral. Il s'agit d'un autre département de la Curie romaine récemment créé par le pape Françoise en fusionnant quelques dicastères qui s'apparentaient par leurs champs de responsabilité : les Conseils pontificaux pour la justice et la paix, pour la charité (Cor unum), pour la pastorale des migrants et pour la pastorale de la santé. Le préfet, le Cardinal Turkson, nous a expliqué que cette fusion aurait dû être complétée dès le début de 2017, mais une extension de plusieurs mois s'est avérée nécessaire due à la complexité de la démarche. Nous avons remarqué un légère confusion organisationnelle au début de notre rencontre, mais nous avons surtout été frappé par l'énergie que se dégage de ces hommes et de ces femmes engagées dans des domaines dramatiques à ce moment de notre histoire mondiale: la traite des humains, la crise des réfugiés, le traffic des drogues, la prolifération des armes, la pastorale dans les milieux hospitaliers, carcéraux et nautiques, l'écologie, etc.

Nous avons expliqué au Cardinal Turkson la récente restructuration de nos propres offices à l'AÉCQ et la création d'un conseil appelé "Église et société" qui recouvre les champs d'intérêt du nouveau dicastère. Nous lui avons parlé de la récente journée d'étude que nous avons consacré à l'avenir de l'engagement social de l'Église, et de la nécessité pour nos diocèses et nos paroisses de collaborer de façon toujours plus étroite avec les organismes communautaires pour le développement humain dans nos milieux respectifs et à la grandir du monde. Le Cardinal a noté une suggestion que je lui ai proposée: développer des critères de collaboration avec des organismes non-catholiques qui nous aideraient à bien mener ces efforts de partenariat dans la reconnaissance mutuelle de nos compétences et de nos valeurs. 

Nous avons souligné le rôle important joué par Développement et Paix dans nos efforts de favoriser l'épanouissement des hommes et des femmes des pays plus pauvres du monde. Nous avons discuté de l'impact de l'encyclique du Pape, Laudato Si', pour une écologie intégrale humaine. Nous avons expliqué un peu la situation de nos premières nations au Québec, qui vivent une relation avec l'Église un peu différente de celle qu'on retrouve ailleurs au pays. Nous avons parlé de l'accueil des réfugiés au Canada et de l'importance de favoriser une solidarité toujours plus grande entre pays riches et pauvres du monde, nous rappelant que notre foi nous pousse à agir dans ce sens.

En somme, nous avons vécu un temps d'échange riche et nourrissant autour de thèmes qui nous affectent tous, quelle que soit notre foi ou non-foi. Nous avons pris conscience de l'ampleur de la tâche requise dans la réorganisation de la Curie et nous admirons les nombreuses personnes qui y sont engagées pour leur esprit de service et leur dévouement. Merci, Cardinal Turkson.



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Depuis 1888, le Collège pontifical canadien accueille des prêtres venus du Canada afin de poursuivre des études supérieures dans les diverses universités catholiques de la ville. (Voir leur site web à http://www.sulpc.org/sulpc_college_pontifical_canadien.php)

C'est la tradition que, lors de leur passage à Rome pour la visite "ad limina", les évêques viennent au collège y partager un repas avec les prêtres-étudiants qui y logent. Hier soir, les évêques du Québec ont fait honneur à cette tradition en nous rendant à la réception et au souper qui était aussi commandité par l'ambassade du Canada auprès du Saint-Siège. Sur la photo ci-jointe, vous me voyez en compagnie de l'ambassadeur, M. Dennis Savoie, et du recteur du Collège canadien, M. Éric Sylvestre, prêtre de St-Sulpice. Remarquez la belle brochette de drapeaux québécois derrière moi!



Ce fût un plaisir pour moi de me retrouver à cette résidence où j'avais logé en 1995-1996 alors que je complétais la Licence en théologie à l'université Grégorienne. Tant de bons souvenirs m'ont visité au cours de ce repas où j'ai pu reprendre contact avec plusieurs prêtres québécois œuvrant à Rome, dont le Cardinal Ouellet. Merci aux Sulpiciens qui gèrent cette institution depuis sa fondation; merci au recteur, aux résidents et au personnel qui nous ont si bien accueilli; merci à l'ambassade du Canada pour son soutien et sa présence. Ce fût une bien belle soirée!


mercredi 3 mai 2017

"Ad limina" 9 - Congrégation pour le clergé et Secrétariat pour la communication

Quoique la majorité de l'énergie dépensée durant la visite "ad limina" est consacrée à la préparation des rencontres avec les dicastères romains, les rencontres mêmes et le suivi à leur assurer, le coeur de cette visite demeure les moments de prière auprès des tombeaux des saints Pierre et Paul. Car cette visite est d'abord un pèlerinage aux sources historiques et géographiques de notre Église.

Il était donc tout à fait indiqué de commencer nos visites hier en nous rendant célébrer la messe près du tombeau de saint Pierre dans la crypte de la basilique qui porte son nom. Mgr Luc Cyr, archevêque de Sherbrooke et vice-président de l'AÉCQ, a présidé notre célébration. Dans l'impressionnante crypte de la basilique, de nombreux autels ont été érigés dans autant d'alcôves, permettant  à plusieurs groupes d'y célébrer l'eucharistie simultanément. Comme c'est impressionnant d'entendre l'écho d'hymnes chantées en diverses langues alors que nous sommes tournés vers la tombe de saint Pierre, visible à travers une ouverture vitrée située devant l'autel réservé aux évêques en visite "ad limina". Nous y faisons l'expérience concrète de la catholicité de l'Église, son universalité, son unité dans la diversité des cultures et des époques.



Par après, nous nous sommes rendus à la Congrégation pour le clergé y rencontrer le cardinal Beniamino Stella et son équipe. Comme l'indique son titre, cette congrégation est responsable du clergé diocésain dans le monde (prêtres et diacres) ainsi que de leur formation. Nous avons passé 90 minutes en compagnie du cardinal qui nous a chaleureusement accueilli. Tout au long de la rencontre, nous sentions de sa part un réel intérêt pour notre situation et pour les défis qui sont nôtres: manque de relève pour le ministère presbytéral, vieillissement et surmenage des prêtres en fonction, intégration des prêtres venus d'ailleurs pour nous porter main forte, tragédie des abus sexuels commis par des prêtres, renouvellement de la formation des prêtres, spécificité du ministère des diacres. Il nous a invité à faire preuve de créativité et d'audace, à chercher ensemble des pistes nouvelles, à lui faire connaître les expériences qui s'avèrent fructueuses et porteuses d'espérance. 



Cette première m'a rappelé que la visite "ad limina" ne permet pas de régler les problèmes, mais de partager nos préoccupations, d'apprendre ce qui se passe ailleurs dans le monde, d'expliquer notre réalités concrète et de faire connaître nos initiatives et nos espoirs. Je sors de cette rencontre avec le sentiment d'avoir été entendu et compris. Je suis encouragé par l'ouverture manifestée par la Congrégation et par son encouragement à faire preuve de créativité. Je me sens appuyé dans mon ministère d'évêque, ce qui compte beaucoup pour moi. En somme, une rencontre fructueuse et encourageante.

La deuxième rencontre de la journée était consacrée au Secrétariat pour la communication. Il faut savoir qu'au Vatican, il existe présentement neuf institutions consacrées aux communications : Le Conseil pontifical pour les communications sociales, le journal Osservatore Romano, le Centre de télévision du Vatican, Radio-Vatican, la Salle de presse du Saint-Siège, le service photographique, la Librairie éditrice vaticane, la Typographie vaticane et le Bureau Internet du Vatican. Traditionnellement, chacune de ces institutions travaillait indépendamment des autres et développait son propres réseau de participation, sa propre page Web, sa propre politique éditoriale, etc. 

Le pape François a été élu avec un mandat clair de réorganiser la Curie romaine afin qu'elle fonctionne de façon plus efficace et coordonnée. Évidemment, tout ce secteur des communications exigeait une refonte radicale. C'est ce qu'a fait le pape en créant ce nouveau Secrétariat pour la communication. Son préfet, Mgr Dario Viganò, un prêtre de Milan, nous a expliqué son mandat de réunir ces neuf institutions en une seule organisation intégrée. Le but est de préservé les nombreux acquis de ces institutions, tout en coordonnant les efforts en vue d'une meilleure stratégie communicative mondiale.




Par ailleurs, le secrétaire du dicastère, Mgr Lucia Adrian Luiz, nous a rappelé qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de stratégie ou de technologie. De fait, les communications sociales modernes entraînent des mutations profondes au niveau même de la réflexion humaine. En autres mots, les gens ne pensent plus de la même façon! S'adapter à cette transformation communicative n'exige pas seulement savoir comment se servir d'un téléphone mobile, Mais savoir comment parler à quelqu'un dont les informations viennent surtout d'images, de bribes de phrases et de vidéos-chocs. L'homo sapiens fait place à l'homo mediaticus. Voilà le vrai défi pour nous, qui sommes au service d'une Parole qui se dit Bonne nouvelle!

Cette session m'a permis de mieux saisir l'ampleur de la tâche que s'est fixée notre pape François en travaillant à la réorganisation de la Curie romaine. Je suis heureux d'apprendre que la motivation de cette réorganisation n'est pas seulement administrative et technologique, mais profondément théologique. Il s'agit, en effet, de mieux adapter les offices du Vatican à la mission de l'Église au coeur du monde pour faire connaître Jésus-Christ et faire avancer son royaume de justice, de paix et de joie. Je suis aller donner ma main à Mgr Viganò à la fin de notre rencontre pour lui souhaiter courage dans cette entreprise importante que lui a confiée le pape François. 

Notre visite "ad limina" est finalement lancée. Et après cette première journée, je peux affirmer qu'elle est bien lancée!






mardi 2 mai 2017

"Ad limina" 8 - Quelques jours de repos

Les évêques du Québec jouissent d'une longue fin de semaine en Italie. En effet, le 1er mai est congé national ici, l'équivalent de notre fête du travail. Presque tous les bureaux et magasins sont fermés aujourd'hui, la circulation est ultra-légère (fait rare à Rome!).

Depuis notre retour de retraite vendredi soir, nous en avons profité pour faire notre lavage et notre repassage, pour aller prendre de longues marches (voir la photo ci-dessous) et pour flâner dans les nombreuses librairies religieuses qu'on retrouve près du Vatican.




Certains ont fait une excursion à Assise samedi pour se recueillir auprès du tombeau de Saint François. D'autres ont fait une tournée des fouilles archéologiques sous la basilique St-Pierre et se sont approchés de ce que de nombreux spécialistes croient être le tombeau même du premier pape. Moi, je me suis rendu à un concert de musique symphonique samedi soir (ce que je n'ai pas souvent la chance de faire). Pour les mélomanes, le programme comprenait le premier concerto de piano de Tchaikovsky, ainsi que les poèmes symphoniques de Respighi, Les fontaines de Rome et Les pins de Rome. Et hier soir, je suis allé me promener du côté de l'Église St-Antoine-des-Portugais pour entendre le titulaire des grandes orgues présenter le premier concert dans une série qui, au fil des prochains mois, parcourra l'ensemble de l'oeuvre de Messiaen. 

Jésus invitait ainsi ses apôtres à "venir à l'écart pour se reposer." J'ai senti que je répondais à son invitation durant les derniers jours. Par ailleurs, comme les autres évêques, e continue à répondre aux courriels du bureau, à préparer les conférences que je dois donner, à lire et à étudier divers documents. J'ai aussi ouvert le livre sur l'évangélisation que je me suis procuré à la librairie samedi.

Ce qu'il y a de beau dans tout cela, c'est le temps que ça nous donne de construire entre nous de belles amitiés. Car nous nous retrouvons souvent : pour la messe quotidienne, pour les repas, pour une marche dans la ville, pour un café, pour un temps d'échange... La théologie veut que l'ordination à l'épiscopat soit aussi l'entrée dans le "collège épiscopal", le corps ministériel que forment ensemble les évêques. La "collégialité" est une concept difficile à définir mais elle implique une certaine fraternité dans la mission, une union des coeurs dans le service d'Église, une collaboration sérieuse dans les projets et une solidarité réelle face aux défis et aux problèmes. C'est beau en théorie... mais pour que ça soit vrai, il faut se donner du temps pour s'écouter, partager son vécu, ouvrir son coeur. Une des grâces de nos jours ensemble à Rome, c'est de nous permettre de faire l'expérience d'une collégialité non seulement théorique mais réelle. Ça, c'est un vrai cadeau du Seigneur.

Je viens d'en vivre un fruit. Nous sortons d'une réunion de deux heures où nous avons partagé nos espoirs et nos attentes, nos convictions et nos propositions pour les dix jours de rencontre qui commenceront demain. J'ai été touché par la qualité de l'écoute mutuelle, le respect, la franchise et la créativité qui ont marqué cette réunion. C'est certainement le fruit de notre retraite de la semaine dernière et de ces quelques jours de liberté auxquels nous avons goûté ensemble.


Demain commence le travail. Mais avant d'aller rencontrer la Congrégation pour le clergé et la Secrétairerie pour les communications, nous irons célébrer la messe près du tombeau de St-Pierre dans la basilique qui porte son nom. Il est bon de commencer ainsi nos rencontres, en faisant mémoire de cet apôtre, premier chef de l'Église à qui le Seigneur a confié un ministère si important malgré toutes ses imperfections. Nous aussi, nous sommes marqués par nos lacunes et nos faiblesse. Mais si le Seigneur a su se servir de Pierre pour faire son oeuvre, il saura aussi se servir de nos propres pauvretés. C'est du moins la prière que je ferai au pied du tombeau du premier évêque de Rome demain matin.

vendredi 28 avril 2017

"Ad limina" 7 - dernière conférence de la retraite

Le Père Ranchi nous a proposé, comme dernière conférence de notre retraite, une méditation à partir de la question que le Christ ressuscité posa à Pierre : "Simon, Fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?" (Jean 21) Voici quelques-unes de ses réflexions.


Une belle question. Une question exigeante.

Quand Jésus interroge Pierre, c'est moi qu'il interroge.

Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l'amour.

Notons ce que Jésus ne demande pas. "As-tu compris mon message? As-tu compris la Croix? As-tu compris la mission que je te confie?" 

C'est comme si Jésus était en train d'évaluer sa propre mission : a-t-il réussi à faire naître l'amour dans le coeur de Pierre?

Dans cette scène, il y a un nouveau commencement. Il y a trois ans, ils avaient entendu l'appel de Jésus: "Suis-moi". Et voilà que retentit de nouveau l'appel. Comme si la foi était un perpétuel recommencement.

Celui qui a renié devient un ami. Celui qui avait été renié renouvelle sa confiance.

Tout commence avec la décision de Pierre d'aller pêcher. Comme s'il voulait retourner à son passé, avant qu'il ne rencontre Jésus. Ses compagnons aussi. Mais ils ne prirent rien. Nuit sans étoile, nuit amère. Ils ne peuvent pas revenir en arrière, faire comme s'ils n'avaient pas connu le Christ. Ils savent maintenant que, sans lui, la vie n'est que vent et vide.

Mais à l'aube, sa voix se fait entendre, peut-être ironique : "N'avez-vous pas de poisson?" Ils sont obligés de le reconnaître, sans lui, ils ne peuvent rien.

Il les invite à lancer leurs filets de l'autre côté de la barque, et leurs filets s'emplissent. Mais là n'est pas le miracle. Le vrai miracle, c'est Pierre qui met ses vêtements, se jette à l'eau et s'élance vers Jésus. Le vrai miracle, c'est Pierre qui se presse d'abandonner sa barque (malgré tous sa belle récolte de poissons) pour s'attacher au Christ.

Voilà la vraie sainteté. Non pas une absence de péché, mais un retour continuel vers la source de l'amour.

Le vrai miracle, c'est que les faiblesses de Pierre ne sont pas des obstacles, mais des occasions pour Pierre de renouveler son amour pour Jésus.

Avec Pierre, je peux répondre : "Oui, Seigneur, je suis ton ami. Je t'aime comme je peux, avec ce que je suis, avec mes faiblesses. Et tel que je suis, je te suivrai."

Jésus ne confie pas ses brebis à Pierre, le rocher, mais à Simon, l'ami! Non pas le nom de la fonction, mais le nom de l'intimité.

Au soir de notre vie, Jésus nous posera la même question: "Es-tu mon ami?"

...

Après la réponse finale de Pierre, Jésus peut retourner au Père, car il a laissé derrière lui la chose la plus importante : un peu d'amour dans le coeur de quelqu'un. 

Si on me demande si j'ai la foi, je réciterai peut-être le Credo. Mais dans sa première lettre, saint Jean affirme que les chrétiens se reconnaissent à leur foi non non dans une série de propositions, mais dans l'amour. "Mais nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru!"

Qu'est-ce qu'évangéliser? C'est annoncer que nous croyons à l'amour, et inviter l'autre à aimer avec nous.

Il faut faire de l'expérience d'amour le lieu privilégié de l'évangélisation.

Le salut ne consiste pas dans le fait que j'aime Dieu, mais dans le fait que Dieu m'aime!

Et l'amour de Dieu n'est pas seulement "pour moi", mais "en moi". De sorte qu'il aime "en" moi, et "par" moi.

"Qui n'aime pas son frère est homicide," écrit saint Jean. L'indifférence tue. Rester à la fenêtre et simplement regarder rend complice du mal. 

,,,

La question que Jésus pose à Pierre, il me la pose. Et je ne dois pas l'esquiver. Ni les réunions ni les devoirs ne doivent m'en éloigner. Elle est essentielle. Je dois y répondre dans ma prière, mais surtout avec ma vie.

Et ma réponse ne doit pas être théorique ou intellectuelle, mais passionnelle! La Parole s'est faire chair et sang... ainsi, ma foi doit-elle se faire chair et sang.

Le fondement de la Loi, c'est "Tu es aimé." Et son accomplissement, c'est "Tu aimeras."

Voici, en conclusion, une photo du Père Ranchi prise avant qu'il ne nous quitte. Le souvenir de son enseignement et de son sourire ne nous quittera pas de sitôt.




jeudi 27 avril 2017

"Ad limina" 6 - Partie II

La septième conférence: une méditation sur la rencontre de Marie-Madeleine avec Jésus le matin de Pâques. La question de Jésus : "Femme, pourquoi pleures-tu?" Voici quelques réflexions du Père Ranchi.

C'est étonnant, les premiers mots du Christ ressuscité selon saint Jean sont : "Parle-moi de ta tristesse, de ta misère, de ton épreuve." C'est pour ces larmes qu'il est venu.

La question de Jésus ne cherche pas à arrêter les pleurs, mais à les accueillir. 

Le ressuscité n'éblouit pas, ne s'impose pas. Il se fait proche, intime. Il recueille les larmes dans ses archives éternelles (cf. le psaume 55). Ce ne sont pas nos péchés qui sont consignées dans les archives de Dieu, mais nos larmes.

Sur la croix, Jésus s'était arrêté à la souffrance du bandit. Au jardin, il s'arrête à la souffrance du disciple.

Le monde est un immense accouchement de vie nouvelle, à laquelle Dieu assiste comme sage-femme, plein d'encouragement, d'affection et de soutien. 

Christ glisse la puissance de la résurrection dans le monde par la fente de la blessure de la Croix, et désormais sa vie est unie à la nôtre.

L'indicatif divin devient l'impératif humain. Comme Dieu s'occupe de la souffrance humaine, ainsi doit faire l'Église, chacun de ses membres, chacun de ses ministres.

"La moisson est abondante" (Matthieu 9,37). Quelle est cette moisson? Celle des larmes du monde. Trop de larmes tombent sans être aperçues, sans être recueillies. Notre tâche, c'est de les cueillir.

Notre mission est double: annoncer la Bonne nouvelle et sécher les larmes.

La Bible n'offre aucune réponse à la question de la souffrance, et Jésus lui-même n'a pas expliqué comment sécher la source des larmes. Mais nous savons une chose: devant les larmes, Jésus n'a qu'une attitude, il se fait compassion.

Dans le récit du bon samaritain (Luc 10, 25-37), 10 verbes décrivent son action. Ce sont comme les nouveaux dix commandements. Voyons les trois premiers verbes, car ils nous tracent un chemin à suivre si nous voulons imiter Jésus.

Premier verbe: Le Samaritain vit les blessures de cet homme. Pour bien voir un jardin, il faut se mettre à genoux et l'explorer de près. Ainsi devons-nous regarder les personnes qui nous entourent, en nous mettant à genoux devant elles.

Deuxième verbe: Le Samaritain s'arrêta. Le monde ne se divise pas entre riches et pauvres, entre Occident et Orient, entre chrétiens et musulmans... La vraie division se fait entre ceux qui s'arrêtent devant la souffrance des autres, et ceux qui ne s'arrêtent pas! Nous sommes toujours à la course, nous risquons de passer mille fois sans rien voir, nous risquons de piétiner des trésors sans les voir.

Troisième verbe: Le Samaritain le toucha. C'est tout un défi pour nous, ce toucher. Toucher la blessure de l'autre, se faire intime avec la souffrance, c'est aussi se laisser toucher.

Voir, s'arrêter, toucher... Cela décrit Dieu, tel que nous le découvrons en Jésus. Et cela devient notre mission.

Dans le mystère pascal, toute blessure peut devenir une fente par laquelle se glisse la lumière de l'espérance. Et cela, en commençant par mon propre coeur.

Ci-dessous, une photo en gros plan des fleurs de vigne près de ma fenêtre. Le printemps est bien avancé en Italie!