mercredi 29 mai 2013

Des gestes qui parlent

Lisez I Corinthiens 11, 23-26


Les gestes parlent. Une rose donnée à un ami endeuillé parle de notre sympathie. Un gâteau couvert de bougies allumées parle de notre joie de partager l'anniversaire d'un autre. Une caresse parle de notre tendresse pour un enfant. Oui, les gestes parlent.

Ils parlent aussi dans le domaine religieux. Nous nous mettons à genoux pour exprimer notre adoration de Dieu. Nous abaissons nos têtes en un signe de respect. Nous nous inclinons profondément en signe d'humilité. Nous nous rassemblons avec d'autres pour exprimer l'union des cœurs dans une foi commune. Les gestes parlent aussi ce domaine.

Le jour de la Pentecôte, après avoir proclamé la mort et la résurrection du Christ, on a demandé à saint Pierre ce qu'il fallait faire. Sa réponse ? : «Soyez baptisés." Le baptême est un acte rituel dans lequel nous exprimons notre désir de conversion, de l'amour et du pardon que Dieu nous offre en Jésus. C'est un geste qui parle.

Cela se vérifie dans tous les sacrements de l'Église. La confirmation exprime notre ouverture à la mission que Dieu confie à son peuple. Le mariage est un signe vivant de l'amour que Jésus a pour son Église. L'onction des malades parle de la confiance que nous avons en la puissance de guérison de Dieu. La réconciliation exprime notre foi en la fidélité de Dieu pour nous, pauvres pécheurs. L'ordination est une manifestation de Jésus conduisant son peuple comme un bon berger. Tous ces gestes parlent avec éloquence.

Parmi tous les sacrements, le plus grand est l'Eucharistie, que nous appelons aussi la messe. Saint Paul explique clairement qu'il s'agit là aussi d'un geste parlant : «Quand vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne." 



Le cœur du message évangélique y est proclamé : le Christ qui est mort pour nous est ressuscité pour nous donner la vie. Les apôtres ont proclamé cette Bonne Nouvelles partout où ils allaient. Ils ne se lassent pas de le répéter, convaincus qu'ils étaient que Dieu a voulu faire preuve de miséricorde à tous.

En évangélisant, les apôtres ne se restreignaient pas aux mots. Ils répétaient aussi un geste, le même que Jésus leur avait donné comme un mémorial la veille de sa mort: prendre le pain et le vin, rendre grâces, le partager, le consommer. «Faites ceci en mémoire de moi», dit Jésus. Et chaque fois que nous répondons à l'invitation de Jésus, nous annonçons au monde qu'il est le Messie de Dieu, le Sauveur du monde, le Seigneur de l'univers.

«Aimons-nous, non seulement en paroles mais en actes,» dit saint Jean dans une de ses lettres. L'invitation concerne non seulement notre amour pour nos frères et sœurs, mais aussi notre amour pour Dieu. Exprimons notre amour pour Dieu dans la prière, mais n'oublions pas de le proclamer par la célébration de l'Eucharistie. Car ce geste tout simple parle plus fort que les mots.

samedi 25 mai 2013

Saignant ou bien cuit?

Lire Romains 5, 1-5

Lorsque nous, citoyens du vingt-et-unième siècle, pensons au sang, nous pensons à ce liquide composé de plasme, de globules rouges et de globules blancs, de plaquettes et d’hémoglobine. Nous pensons au cœur qui fait circuler le sang par les poumons pour se faire oxygéniser, par les reins et le foie pour se faire purifier. Nous pensons aux leucémies, ces cancers du sang qui risquent de tuer. Nous pensons aux transfusions de sang qui sauvent les vies. En somme, nous pensons comme les scientifiques et les médecins que nous sommes tous, chacun à sa façon.

Mais au temps de Jésus, on ne savait rien de tout cela. On ne savait même pas que le sang circulait dans le corps. Tout ce qu’on savait, c’est que perdre trop de sang, c’est mourir. Le sang, c’est la vie.

Et la vie, c’est sacré. Quand on voulait faire un sacrifice, on tuait un animal et on répandait son sang sur l’autel : on offrait sa vie à Dieu.

En Jésus-Christ, tout est renversé. C’est lui qui répand son sang, et il le répand pour nous. Il l’a explicité le soir avant de mourir : « Prenez et buvez. Ceci est la coupe de mon sang, le sang de la nouvelle Alliance, qui sera répandu pour vous. »



Paul pousse le symbolisme encore plus loin. Il affirme qu’en répandant son sang pour nous, Jésus a répandu l’amour de Dieu dans nos cœurs. En autres mots, c’est Dieu qui se sacrifie afin de nous donner un nouveau principe de vie. Ce n’est plus un liquide rouge qui est source de vie, c’est l’amour même de Dieu, répandu non pas sur des autels mais dans nos cœurs. Et tout ça, grâce à l’Esprit Saint qui nous a été donné.


Enfin, dans la pensée juive, le cœur n’est pas le siège des émotions, mais le siège de la pensée et de la volonté. L’amour de Dieu répandu dans nos cœurs, ce n’est pas une question de sentiment, mais d’illumination et de décision. L’amour, c’est une nouvelle façon de comprendre et une nouvelle motivation pour nos choix. Voilà ce que fait l’Esprit de Jésus en ces disciples. Voilà l’œuvre du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

mercredi 15 mai 2013

Enfants d'esclavage, enfants de liberté


Lire Romains 8,8-17

Nombreux sont les péchés contre la dignité humaine, mais l'esclavage est à classer parmi les pires. Envisager une personne en tant que possession d'une autre; accepter comme normale l'idée qu’un être humain doive servir l'autre sans liberté de pensée, de mouvement ou de volonté; réduire un être humain à l'ombre de ce que signifie être humain: tout cela s'érige en un crime contre l'humanité elle-même.

Malheureusement, l'esclavage fait partie de la réalité humaine depuis le début de la société. Au temps de Jésus, il s'agissait toujours d'une institution acceptée, en particulier chez les Romains et les Grecs. Chez plusieurs de ces esclaves, habitués à la crainte et l'incertitude chronique, le message de l'Évangile ne pouvait que provoquer une réaction positive. Pour eux, la simple idée que chaque personne jouit d'une dignité et d'une valeur intrinsèques était vraiment une Bonne Nouvelle.

Paul contraste la situation de l'esclave à celui de l'enfant né de parents libres. Cet enfant, chéri par ses parents, aimé par sa famille, destiné à hériter de la fortune de son père, voit s'ouvrir devant lui ou elle tout un avenir. Quel contraste avec l'esclave qui habite la même maison, mais ne connaît aucune liberté, est chéri par personne, n'a pas de famille, est destiné à la pauvreté pour la durée de sa vie.

Paul affirme que ceux et celles qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils et filles de Dieu. Ils ne se rapportent pas à Dieu comme des esclaves à leur maître, mais comme des enfants à leurs parents aimants et attentionnés. Ils savent qu'ils sont protégés et choyés. Et ils sont destinés à hériter de la fortune de leur Père: la vie éternelle elle-même.




L'Esprit nous conduit hors l'esclavage vers la liberté. De qui serions-nous esclaves? De fait, nous sommes esclaves de nous-mêmes: de nos passions, de nos besoins, de nos insécurités et de nos obsessions. Paul appelle tout ça «la chair». Cette expression symbolise pour lui tout ce qui nous entraîne par en bas et nous empêche d'être vraiment libres.

Si nous demeurons esclaves de «la chair», il n'y a aucun espoir pour nous: nous sommes condamnés à la mort. Si, en revanche, nous ouvrons nos cœurs à l'Esprit de Dieu, en laissant derrière nous les allures de «la chair», alors nous sommes promis à la vie, la vie en abondance, la vie sans fin.

À la Pentecôte, l'Esprit descendit sur les apôtres et les enflamma. Ce même Esprit nous est offert aujourd'hui: Esprit de vérité et d'amour, Esprit qui nous conduit de l'esclavage et de la peur vers la vie en abondance. Réjouissons-nous donc dans l'Esprit. Et prions pour l'Esprit. Et vivons dans l'Esprit

vendredi 10 mai 2013

Un défi d'interprétation qui en vaut la peine


Lire Hébreux 9, 24-28; 10, 19-23

            Habituellement, les lectures prescrites pour la liturgie catholique sont continues, mais pas en ce dimanche de l'Ascension. Nous commençons par la fin du chapitre 9 de la lettre aux Hébreux pour ensuite sauter les dix-huit premiers versets du chapitre 10 et reprendre au verset 19, finissant au verset 23. Essayons de comprend ces deux blocs de texte.

            Dans le premier, l'auteur s'applique à une interprétation particulière de la passion, de la résurrection et de l'ascension du Christ à la lumière du culte juif au Temple de Jérusalem. Il s'agit là d'une lecture originale, très créative, qui cherche à comprendre le sens du mystère pascal en tant qu'accomplissement des rites de l'Ancien Testament. L'auteur compare Jésus au grand-prêtre qui, une fois l'an, au Grand Jour du Pardon ("Yom Kipour"), se rendait dans l'espace le plus sacré du Temple, le "saint des saints" , isolé du reste du Temple par un voile. Là, il aspergeait le sol avec le sang d'un taureau qu'il avait offert en sacrifice pour lui-même, ainsi que le sang d'un bouc qu'il avait offert pour tout le peuple. Il revenait alors vers le peuple à l'extérieur du Temple pour réciter la prière du Grand Pardon.

            De fait, le rituel est beaucoup plus compliqué, mais cette esquisse nous suffit pour comprendre les propos de l'auteur. Celui-ci suggère que par son mystère pascal, le Christ est entré dans le vrai "saint des saints" , c'est-à-dire le ciel, en présence de Dieu le Père. Ainsi, le sacrifice de sa propre vie prend une valeur éternelle que les sacrifices annuels du grand-prêtre ne pouvaient avoir. Et le sacrifice du Christ,  détruisant la puissance du péché à tout jamais, devient la source perpétuelle du pardon pour tout le Peuple de Dieu. Lorsqu'à la fin des temps Jésus "sortira" de ce sanctuaire pour revenir vers nous, ce ne sera pas dans le but d'intercéder pour notre pardon, mais afin de manifester la gloire du salut qu'il nous a déjà acquis.


            Le deuxième bloc de notre lecture en tire les conséquences: avec le Christ, comme lui, nous pouvons accéder au "saint des saints" , en présence de Dieu. Le voile de son humanité, le Christ l'a "déchirée" dans sa résurrection: l'humanité transformée par la puissance de l'Esprit n'est plus un obstacle, mais un chemin vers Dieu. Déjà par le baptême, cette "eau pure" qui a lavé notre corps, nous vivons d'une vie nouvelle: vie de foi, de pardon et d'espérance.

            Ce texte nous présente sans doute de nombreuses difficultés à cause des références à une liturgie juive qui n'existe plus. Il n'en est pas moins une invitation qui parle encore aujourd'hui, une invitation au courage et à la joie, même au coeur des épreuves. Avec Jésus, nous avons accès au Père. Grâce à Jésus, son pardon nous est assuré. En Jésus, nous avons pleine assurance, "car il est fidèle, celui qui a promis".

            L'auteur de la lettre des Hébreux nous invite donc à voir l'ascension du Christ, non pas comme une "séparation", mais comme une étape de notre propre transformation. Jésus nous entraîne déjà avec lui, au-delà des apparences, dans le "saint des saints" . Notre vie est déjà habitée par la présence divine. Alléluia!

mercredi 1 mai 2013

Une ville peut-elle vraiment être sainte?


Lire Apocalypse 21, 10-23

« La ville sainte. » Voilà comment depuis très longtemps est désignée Jérusalem. Située sur une petite montagne, elle était presque imprenable. Le roi David avait réussi l’exploit de sa conquête et avait décidé d’en faire sa résidence et la capitale d’Israël. Il y déménagea l’arche de l’Alliance qui contenait les pierres sur lesquelles étaient inscrits les dix commandements. Il avait fait le vœu d’y construire un Temple pour abriter l’arche. C’est son fils Salomon qui réussit à compléter ce vœu, 968 ans avant la naissance de Jésus-Christ.

Quatre cents ans plus tard, ce sont les Babyloniens qui assiégèrent la ville sainte. Leur victoire fut marquée par la destruction du Temple. Durant les années d’exil qui suivirent ce triste événement, le prophète Ézéchiel imagina la reconstruction de Jérusalem. Dans un songe qu’il décrit dans son livre, Ézéchiel voit la gloire de Dieu, sous l’aspect d’un nuage lumineux, descendre sur un nouveau Temple pour y demeurer.

De fait, Jérusalem serait reconstruit dans les siècles suivants, avec ce qu’on appelle le second Temple. Même à l’époque de Jésus, on continuait à l'embellir, à le décorer. Tout bon Juif devait s’y rendre trois fois par année pour un pèlerinage. Mais Jésus avait prévu sa destruction. De fait, en l’an 70 après Jésus-Christ, un soldat romain y mit le feu. Le second Temple fut détruit. Il n’a jamais été rebâti.

Saint Jean, écrivant après ces événements, rêva comme Ézéchiel d’une Jérusalem renouvelée. Son rêve reprend plusieurs éléments de la vision de l’ancien prophète, avec cette différence essentielle : dans la nouvelle Jérusalem, il n’y aurait pas de Temple. Saint Jean s’explique ainsi : « Dans la cité, je n’ai pas vu de temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l’Agneau. »

En effet, dans la puissance de l’Esprit, Dieu habite les cœurs des hommes et des femmes qui se tournent vers lui. La demeure de Dieu n’est pas faite de pierre. Elle est faite des vies humaines qui se confient à lui.

Pour nous chrétiens et chrétiennes, une église n’est pas la demeure de Dieu. Une église, c’est plutôt la maison du Peuple de Dieu, le lieu de la rencontre, de la louange et de la prière. Il faut toujours se rappeler que la vraie demeure de Dieu, c’est chacun de nous. Assurons-nous que nos vies rayonnent de cette présence divine. Chaque ville peut être une ville sainte, pourvu que ses habitants n’oublient pas cette présence amoureuse et mystérieuse en leurs cœurs.