mercredi 25 janvier 2012

Mariage ou célibat?

Lire I Corinthiens 7, 32-35

Saint Paul avait-il été marié? Certains indices dans ses lettres nous porteraient à le croire. Une chose est certaine : durant ses années de voyage et de mission, il était seul. Peut-être son épouse était-elle décédée? Peut-être s’étaient-ils séparés à cause de sa conversion? Quoi qu'il en soit, à lire le texte d’aujourd’hui on pourrait croire que Paul n’ait pas eu une très haute estime du mariage. En effet, une première lecture de ces versets semble trahir une conception négative du mariage, comme s'il pouvait faire obstacle à une foi profonde et engagée. D’ailleurs, certains se sont servis de ce texte dans les siècles passés pour établir la supériorité de la vie religieuse et du célibat sur le mariage, faisant des époux une sorte de chrétiens de seconde classe.

Il me semble qu’on passe là à des conclusions trop rapides. D’abord, il faut se rappeler d’autres épîtres où Paul présente une vision très élevée du mariage, en particulier, sa lettre aux Éphésiens. Là, il compare la relation conjugale à la relation entre le Christ et l’Église : on ne peut pas alors parler de chrétiens de seconde classe.

L’autre chose qu’il faut retenir, c’est que dans ce passage de la première lettre aux Corinthiens, Paul est en train de répondre à des questions très précises qui lui ont été posées par ces premiers chrétiens. Nous n’avons pas ces questions en main, ce qui rend difficile notre compréhension de ses réponses. Il faut donc être prudent dans les conséquences qu’on tire de ces versets. D’autant plus qu’il cherche à nuancer ses positions, se donnant lui-même en exemple, mais insistant sur le fait que tous ne sont pas obligés de le suivre. D’ailleurs, il écrit en introduction à ce passage qu’il ne présente pas un « ordre du Seigneur », mais plutôt « un avis. »

Enfin, il ne faut jamais oublier le contexte culturel de ces lettres. À l’époque, le mariage était sujet de grandes discussions entre deux écoles philosophiques grecques, les cyniques et les stoïciens. Les uns maintenaient l’obligation du mariage, pour le bien de la communauté. Les autres argumentaient en faveur du célibat parce qu’il permettait une plus grande liberté personnelle aux philosophes. Entre ces deux voies extrêmes, Paul trace une ligne sage et sûre, voulant éviter à ces lecteurs qu’ils se fassent trop de « soucis » à cause de ces questions.

Alors, que retenir de ces versets? Peut-être faut-il voir dans l’expression « les affaires du Seigneur » tout ce que peut entraîner l’engagement à la mission d’évangélisation. Pour Paul, les « affaires du Seigneur » représentaient ses nombreux voyages, son manque de stabilité économique, ses séjours en prison, les persécutions qu’il a dû subir. Évidemment, une personne mariée ne peut se permettre de s’engager ainsi, car cela affaiblirait son mariage. Il faut faire un discernement : le Seigneur m’appelle-t-il à m’engager dans une mission d’évangélisation qui exige un tel style de vie? Il vaudra mieux alors être célibataire. Mais il se peut aussi que le Seigneur m’appelle à vivre ma mission d’évangélisation au cœur d’un mariage stable, propice à l’éducation des enfants. Il me semble que Paul nous invite à faire ce discernement sans présenter une option comme supérieure à l’autre.

En fin de compte, il s’agit de chercher la volonté concrète de Dieu. Ce qui compte, comme le dit Saint Paul, c’est de faire ce qui convient le mieux et d’être attaché au Seigneur. Au-delà du célibat ou du mariage, voilà le vrai défi de la vie chrétienne.

jeudi 19 janvier 2012

L'indifférence, une vertu chrétienne?

Lire I Corinthiens 7, 29-31

Le passage de Saint Paul qui nous est présenté aujourd’hui semble presque bouddhiste dans son contenu. En effet, le Gautama Bouddha enseignait il y a 2500 ans que la souffrance vient de nos désirs non-comblés. D’après lui, pour être heureux, il suffirait d’apprendre à vivre sans désir. Évidemment, c’est tout un projet. Pour y arriver, le bouddhisme déploie tout un enseignement qui, parfois, a des résonnances d’Évangile.

Mais il y a une grande différence entre l’indifférence enseignée par le Bouddha et le détachement enseigné par saint Paul. Pour le Bouddha, il s’agit d’une discipline personnelle qui mènerait lentement vers un état d’extase ou de paix intérieure parfaite. Pour saint Paul, il s’agit plutôt d’une vision du monde où le sens ultime des choses ne se trouve pas en elles-mêmes, mais dans le Christ.

Essayons de comprendre. Paul écrit : « Que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui sont heureux, comme s’ils n’étaient pas heureux, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas. » Paul ne dit pas que les chrétiens doivent éviter le mariage, les sentiments ou le commerce. Mais il dit que la valeur de ces réalités, la valeur de toute réalité, ne réside pas dans les réalités elles-mêmes. Leur valeur vient de leur place dans le plan de Dieu : tout doit être vu en fonction de l’amour de Dieu pour nous, et de notre foi en lui.

Saint Paul nous propose donc une règle de vie. Dans mes choix, je ne dois pas m’arrêter aux choses elles-mêmes, mais à leur place dans le plan de Dieu. Comment tel choix m’aidera-t-il à grandir dans l’amour de Dieu ? Comment cela favorisera-t-il la croissance du Règne de Dieu au cœur du monde ? Voilà les questions à se poser.

Saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, enseignait à ses compagnons à développer une « sainte indifférence » face aux réalités du monde afin de pouvoir s’attacher, à travers ces réalités, à l’amour de Dieu qui seul donne sens à nos vies. La prière qu’il nous a laissée est comme un écho du texte de Saint Paul : « Prends Seigneur et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté. Tout ce que j'ai et tout ce que je possède, c'est Toi qui me l'as donné. Tout cela, Seigneur, je Te le rends. Tout est à Toi, disposes-en selon Ton entière volonté. Donne-moi seulement de T'aimer, donne-moi cette grâce, elle seule me suffit. »

mercredi 11 janvier 2012

La sexualité selon saint Paul

Lire I Corinthiens 6,12-18

La liturgie catholique omet parfois un verset ou un bout de phrase lors de la proclamation publique d’un texte à la messe afin d’en faciliter la compréhension orale. Mais il me semble qu’on ne peut bien comprendre la deuxième lecture de ce dimanche qu’en le lisant au complet, ce que je vous encourage à faire. Car ce texte est capital pour bien saisir l’éthique sexuelle de saint Paul et, par conséquent, de la tradition de l’Église. Essayons d’en dégager les principes.

D’abord, la morale de Paul n’est pas de l’ordre du permis et du défendu. Il ne s’agit pas pour lui de faire une liste de règlements dont la brisure constituerait un péché. Paul cherche plutôt à répondre à la question : quels choix humains correspondent le mieux à la vie que Dieu fait surgir en moi? Il s’agit donc d’une morale de liberté et d’épanouissement, une morale qui recherche le bien parce que ce bien me fait grandir comme être humain. La vie n’est pas un test qui nous est imposé afin de voir qui mérite la récompense éternelle, mais un processus de croissance que Dieu nous invite à embrasser.

Ensuite, Paul explique que la sexualité n’est pas un simple appétit comme la faim ou la soif. C’est que la sexualité humaine nous fait entrer en relation avec un autre. L’être humain se construit ou se détruit par sa façon de construire ou de détruire ses relations. La sexualité n’est donc pas simplement une question de plaisir ou de besoin : elle est profondément relationnelle.

Troisième point : notre façon de construire et de vivre nos relations doivent correspondre à la relation qui fonde notre vie, c’est-à-dire à notre relation à Dieu en Jésus-Christ. Paul donne un exemple très clair : faire de la relation sexuelle un échange commercial limité à la seule dimension du plaisir (la prostitution) ne correspond pas à la relation que Dieu veut vivre avec nous, faite de respect, de gratuité, de respect et d’amour. Voilà pourquoi une vie sexuelle débridée ne peut jamais être compatible avec la vie de grâce que nous découvrons en Jésus.

Quatrième et dernière observation : tout dans ce monde doit servir à notre croissance en humanité et en liberté. Si je deviens esclave à une réalité de ce monde – la sexualité, par exemple – il est clair que je m’éloigne du plan d’amour que Dieu a pour moi. Au contraire, si une réalité de ce monde me permet de grandir dans l’amour de Dieu, je deviens plus humain et plus vivant. C’est ce qui arrive lorsque la sexualité devient ce langage d’amour, de fidélité et de générosité qu’elle est appelée à être dans le mariage.

Ce ne sont là que quelques réflexions provoquées par la lecture de ce paragraphe de Saint Paul. Mais elles nous présentent une vision profonde de la sexualité humaine et un projet éthique engageant tout l’être humain. Une chance que l’Esprit nous habite pour nous donner la sagesse et la force nécessaires pour vivre ce projet!