jeudi 20 décembre 2012

Dieu comme un ongle d'orteil!


Lire Hébreux 10, 4-10

Lorsque en théologie on parle du sens de Noël, on se sert d’une expression technique : l’incarnation du Verbe. Dans la langue populaire, on connaît l’expression « un ongle incarné, » c’est-à-dire un ongle qui pousse mal et qui entre dans la chair. En coupant la chair, l’ongle incarné cause une infection, de l’inflammation, de la douleur. Personne n’aime souffrir d’un ongle incarné

Lorsqu’on parle de l’incarnation du Verbe, on parle aussi de quelque chose qui entre dans la chair humaine, non pas pour la blesser mais pour la guérir. Le Verbe, c’est la deuxième personne de la Trinité, la deuxième personne divine qui existe depuis toute éternité dans une communion parfaite avec le Père et l’Esprit-Saint, chacun des trois étant  Dieu, et pourtant n'étant qu’un seul Dieu à trois.

Il y a deux mille ans, quelque chose d’impossible est arrivé : le Verbe est entré dans la chair humaine, il s’est « incarné » en Jésus de Nazareth, le fils de Marie. L’auteur de la lettre aux Hébreux y voit la réalisation d’un passage du psaume 39, rédigé des centaines d’années auparavant : « Tu m’as fait un corps… Alors j’ai dit : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. » En mettant ces mots dans la bouche du Verbe venant dans le monde, l’auteur montre que l’incarnation était déjà annoncée dans l’Ancien Testament.

Dans la mentalité juive de l’époque, le corps est plus qu’un assemblage d’ossature, d’organes et de tissus. Le corps, c’est la personne humaine en tant qu’elle peut entrer en relation avec les autres. Grâce à ses yeux, elle peut voir le monde. Ses oreilles lui permettent d’entendre, sa bouche de parler. Elle peut marcher vers l’autre, ou s’en éloigner. Elle peut frapper l’autre, ou lui offrir une caresse. Voilà le corps : la personne engagée et active dans l’histoire des relations humaines.

Le Verbe prend un corps pour entrer dans l’histoire humaine, pour tisser des relations avec les hommes et les femmes, pour leur dire avec des mots humains la profondeur de l’amour divin, pour offrir sa vie en mourant sur une croix. L’incarnation du Verbe est donc inséparable de la rédemption qu’il vient accomplir. Noël trouve son sens dans les ténèbres du Vendredi Saint... et dans la lumière de Pâques.

Le sens de la fête que nous vivrons en quelques jours se déploie dans la vie, la mort et la résurrection de celui qui est venu « faire la volonté » du Père. Et la volonté du Père, c’est que nous soyons tous et toutes pleinement vivants. Fêtons donc sa venue, émerveillons-nous devant son incarnation, rendons grâce pour sa présence parmi nous. Grâce à lui, nous pouvons connaître la vie en abondance.

dimanche 16 décembre 2012

Bonheur, plaisir, joie


Lire Philippiens 4,4-7

J’animais un atelier avec un groupe de jeunes. Je leur ai demandé de réfléchir un peu à la différence entre la joie et le plaisir. Après quelques instants, ils ont commencé à me proposer des éléments de réponses, que je vous partage aujourd’hui.

Le plaisir est superficiel, alors que la joie, c’est un sentiment profond. Le plaisir passe alors que la joie dure. Le plaisir peut coûter cher, la joie jaillit dans la gratuité. Le plaisir rend égoïste, tandis que la joie nous ouvre aux autres. Il y a des plaisirs dangereux pour nous, qui peuvent nous blesser et nous rendre esclaves. La joie, par contre, guérit et fait grandir en dignité et en humanité.

En continuant mon échange avec ces jeunes, nous avons constaté que notre société de consommation est axée, non pas sur la joie, mais sur le plaisir. On cherche à nous vendre toutes sortes de choses en nous assurant qu’elles nous donneront du plaisir. De fait, nous sommes arrivés au point où la plupart des gens décriraient le bonheur comme une suite de plaisirs sans fin, sans interruption. La recherche du bonheur est devenue une recherche du plaisir.

Or il était évident à ces jeunes, suite à cet exercice, que la valeur sûre se trouve dans la joie. Ce qui nous comble comme personnes humaines, ce qui donne sens à la vie, ce qui nous établit en communion avec les autres se trouve du côté de la joie, non pas du plaisir. Peut-être devrions-nous arrêter de rechercher le bonheur, si l’on n’y voit qu’une suite de plaisirs? Peut-être devrions-nous plutôt rechercher la joie?

Sans le savoir, ces jeunes faisaient écho aux paroles de Saint-Paul proclamées en ce dimanche : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, laissez-moi vous le redire, soyez dans la joie. »

Imaginez si notre monde adoptait cette parole comme devise, si chacun, chacune se mettait vraiment à rechercher la joie, d’abord et avant tout. En recherchant cette joie pour nous-mêmes, nous deviendrions des sources de joie pour les autres. La paix, la justice ne tarderaient pas à se tailler une place. Le monde en serait transformé.

Peut-être est-ce là le vrai cadeau à nous donner ce Noël? Peut-être est-ce là la meilleure résolution à prendre en ce Nouvel An? Rechercher la joie. Et devenir source de joie pour les autres.

mercredi 5 décembre 2012

Le chaleureux Saint Paul


Lire Philippiens 1, 4-11

Saint Paul était un homme complexe. Grand écrivain et pauvre orateur. Apôtre de l’unité et méfiant des apôtres. Penseur sévère et pasteur affectueux. Affectueux? Cela ne fait pas partie du portrait habituel de ce grand homme. Pourtant, la lettre aux Philippiens que nous lisons ce dimanche est tout empreinte de l’attachement affectif de Paul pour cette communauté du nord de la Grèce. Voyons un peu ces quelques versets introductifs.

« Chaque fois que je prie pour vous, c’est toujours avec joie. » On reconnaît la joie comme un des motifs principaux de cette lettre. Paul y revient constamment. Le souvenir des frères et des sœurs qu’il a laissé à Philippes est pour lui source de joie. Plus que le simple plaisir, la joie s'avère un sentiment profond qui dure au-delà de l’instant, qui transforme le regard, qui élève le cœur. Voilà ce que Paul ressent en pensant aux Philippiens.

« Ce que vous avez fait pour l’Évangile en communion avec moi… Vous communiez à la grâce qui m’est faite. » La communion consiste en cette profonde union liant les personnes qui luttent pour la même cause, qui partagent les mêmes espoirs, qui rêvent des mêmes idéaux. L’Évangile que Paul leur a prêché établit entre lui et les Philippiens une vraie communion qui se manifestera par l’accueil, l’appui et l’engagement que ces derniers donneront à Paul dans son ministère.

« Je vous porte dans mon cœur. » Le cœur, dans la pensée juive, c’est plus que le siège des émotions. C’est aussi le centre de la pensée, de la connaissance, de la volonté, de la personnalité. Dire qu’on porte quelqu’un « dans son cœur, » c’est affirmer que cette personne est tellement liée à sa vie qu’on ne peut vivre sans elle. Paul voit ainsi les Philippiens, car toute sa vie de prédicateur, toute sa mission, trouve son sens dans ces hommes et ces femmes qui, grâce à lui, sont venus à la foi. L’œuvre de Paul n’est pas un projet idéologique, mais une aventure personnelle tissée de relations humaines riches et fortes.

« Mon attachement pour vous dans la tendresse du Christ Jésus. » Paul nomme souvent les qualités du Christ : sa fidélité, son humilité, son obéissance, sa justice, sa foi, son amour. Ici, il s’arrête à une qualité du Christ souvent passée sous silence : sa tendresse. Littéralement, en grec, Paul dit « ses entrailles », faisant référence aux entrailles d’une mère desquelles jaillit la vie d’une enfant. Il s’agit d’un amour tout maternel, tissé d’accueil inconditionnel, de miséricorde, de patience infinie, de douceur. Voilà la tendresse du Christ pour nous. Voilà la tendresse de Paul pour les Philippiens.

À l’exemple de Paul, trouvons notre joie dans les personnes qui nous entourent. Vivons en communion avec elles. Portons-les dans notre cœur. Entourons-les de notre tendresse. Ainsi serons-nous de vrais témoins de l’Évangile.