dimanche 30 septembre 2018

Synode sur les jeunes I - Le défi de la synodalité


Ce mercredi, le pape François présidera à la messe d’ouverture de la quinzième assemblée synodale des évêques depuis la fondation du synode il y a plus de cinquante ans. Le thème de cette assemblée s’intitule « La jeunesse, la foi et de discernement vocationnel ». Elle durera trois semaines et demie, jusqu’au dimanche 28 octobre.

Durant ce temps, j’essaierai de vous partager régulièrement mes réflexions sur cet événement majeur dans la vie de l’Église. Je le ferai en pensant au processus synodal diocésain que j’ai récemment annoncé et qui sera inauguré le jeudi 11 octobre à l’occasion de la fête de Marie, Mère de l’Église, patronne de notre archidiocèse de Gatineau.

Même si le thème du synode des évêques et celui de notre processus synodal diocésain diffèrent sensiblement, la démarche que suivront les évêques peut inspirer la nôtre. À ce sujet, j’attire votre attention à l’effort consacré par le pape François pour rendre le synode des évêques plus… synodal.

Cela peut sembler paradoxal : le synode des évêques n’est-il pas, en raison de sa nature même, synodal? Ne se présente-t-il pas comme l’exemple parfait ce que l’on entend dans l’Église par synode?

De fait, de nombreux évêques qui ont participé aux synodes durant les dernières décennies se sont souvent plaints de la méthode et de l’esprit qui semblait y régner. D’aucuns sentaient que tout était réglé d’avance, qu’on n’avait pas le droit de soulever certaines problématiques ou de proposer certaines solutions. La consultation préparatoire s’avérait assez superficielle et limitée; les documents de travail accumulaient les généralisations et lieux communs.

Déjà avec les deux assemblées synodales sur le mariage de 2014 et 2015, François a changé la donne. La première assemblée, extraordinaire, a rassemblé un plus petit groupe que d’habitude : une centaine d’évêques du monde (les présidents de conférences épiscopales) plus les cardinaux de la curée. Cette première assemblée devait « préparer » la seconde en déblayant le terrain. Elle-même a été précédée d’une vaste consultation du peuple de Dieu, explicitement désirée par le pape. À la première session de cette assemblée extraordinaire, il invita les participants à s’exprimer ouvertement, avec courage et conviction… et à écouter avec humilité et attention. En autres mots, il a voulu libérer la parole des participants.

Durant la deuxième assemblée synodale sur le mariage, nous avons souligné le cinquantième anniversaire de cette institution. (J’ai eu la grâce de participer à ces deux assemblées synodales en tant président de la CÉCC et ensuite à titre de délégué de l’épiscopat canadien.) À cette occasion, le pape François partagea sa vision du synode

Voici quelques phrases-clés de ce discours :

  • Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre ». C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de Vérité » (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7).
  • Pour le bienheureux Paul VI, le Synode des Évêques devait proposer de nouveau l’image du Concile œcuménique et en refléter l’esprit ainsi que la méthode. Le même Pape exposait que l’organisme synodal « pourra être perfectionné par la suite ». Vingt ans plus tard, saint Jean-Paul II lui faisait écho, en affirmant que « peut-être cet instrument pourra encore être amélioré. Peut-être la responsabilité pastorale collégiale peut-elle s’exprimer dans le Synode encore plus pleinement ». Nous devons avancer sur ce chemin.
  • Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire.
  • Le "sensus fidei" empêche une séparation rigide entre "Ecclesia docens" et "Ecclesia discens", puisque le Troupeau possède aussi son propre "flair" pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l'Église. 

Permettez-moi d’expliquer cette dernière phrase. Le sensus fidei, c’est le flair intuitif des croyants pour ce qui, dans la vie et dans l’histoire, correspond à l’Évangile ou, au contraire, le contredit. Il s’agit d’un flair collectif, partagé par les femmes et les hommes qui suivent Jésus et qui s’ouvrent à son Esprit. Les évêques et les prêtres ne peuvent monopoliser ce flair ou prétendre le dicter : leur rôle est de le discerner, de reconnaître comment l’Esprit parle à l’Église d’aujourd’hui à travers ses membres.

Le pape François affirme que ce sens de la foi, partagé par tous les fidèles, empêche de voir l’Église comme étant composée de deux groupes : un premier (les clercs) chargé de l’enseignement (l’Ecclesia docens) et un second (les laïcs) dont le rôle consiste à écouter et obéir (l’Ecclesia discens). Au contraire, les clercs doivent être à l’écoute de l’Esprit qui parle à l’Église dans la vie des laïcs. Cette conviction entraîne un changement radical dans la façon de discerner la voix de l’Esprit dans l’Église. Ce changement, voulu et encouragé par François et de nombreux évêques, provoque de grandes résistances chez d’autres : d’où l’intérêt de suivre ce nouveau synode, quel qu’en soit le thème.

Dans mon prochain commentaire, j’examinerai comment le pape François a encadré ces principes dans la nouvelle législation pour les synodes d’évêques publiée récemment sous le titre de Episcopalis communio. Je montrerai comment cette nouvelle législation informe déjà cette quinzième assemblée des évêques. Et j’indiquerai comment ses principes inspirent aussi la démarche synodale que nous entreprenons dans notre diocèse.