lundi 11 avril 2016

Amoris Laetitia - Point de départ

(Version originale d'un article publié aujourd'hui en italien dans l'Osservatore Romano, quotidien du Vatican)


Comme j’avais participé aux deux assemblées synodales sur la famille, j’avais hâte de lire Amoris laetitia. Je voulais voir comment le Pape François reprendrait la relatio synodi et l’ensemble des échanges que nous avions eus en sa présence dans l’aula. Je peux affirmer que la lecture de l’exhortation a provoqué en moi un écho de cette «joie» que le Pape évoque dans son titre. Le plus j’avançais dans ce texte, le plus je me réjouissais de son style sapientiel, personnel et concret. Ce qui, dans la relatio synodi, avait été exprimé de façon sèche ou impersonnelle devenait, dans les mots du Pape, un message élevant, interpellant, encourageant et stimulant. J’ai été particulièrement heureux de découvrir le chapitre 4, une réflexion sur l’amour conjugal qui réussit à marier spiritualité et psychologie dans un langage qui saura rejoindre, j’en suis sûr, les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Le chapitre 8, qui a provoqué le plus de discussion dans mon milieu, présente une réflexion subtile qui invite à l’étude, à l’approfondissement, à la créativité pastorale.

Dans une entrevue accordée à un journal, j’ai affirmé voir dans ce texte le fruit d’un processus synodal réussi. Mais ce n’est pas le fruit ultime. L’exhortation est plus qu’un point d’arrivée, il est aussi un point de départ. Lors de la célébration du 50e anniversaire de la création du Synode des évêques, le Pape François nous a rappelé que «le chemin synodal commence en écoutant le Peuple... continue en écoutant les pasteurs... culmine dans l’écoute de l’Évêque de Rome». Nous entreprenons donc la troisième étape de ce chemin, l’écoute du Pape, qui nous rappelle d’ailleurs dans l’introduction de l’exhortation : «La complexité des thèmes abordés nous a montré la nécessité de continuer à approfondir certaines questions doctrinales, morales, spirituelles et pastorales... Dans chaque pays ou région peuvent être cherchées des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux.» (nos 2-3). C’est pourquoi, si dans un premier temps j’ai lu ce texte à partir de mon expérience de Père synodal, je commence maintenant à le lire comme pasteur d’un diocèse.

Mon diocèse, aux dimensions relativement restreintes, est marqué par la sécularisation croissante de notre société, entraînant le vieillissement de nos paroisses et la diminution de nos ressources financières. Comment accueillir l’exhortation dans ce contexte? Comment répondre aux nombreux défis? Comment assurer que la grande sagesse qui y est déployée rejoigne les couples qui en ont tant besoin?

Le premier défi sera d’assurer la lecture et l’assimilation de l’exhortation par nos prêtres et agentes de pastorale. Heureusement, plusieurs d’entre eux y trouveront la confirmation de l’attitude d’accueil, d’accompagnement et d’inclusion qu’ils pratiquent déjà dans leur ministère paroissial. Ce qui sera nouveau pour nous sera d’avoir à portée de main un texte magistériel qui pose les fondements bibliques, théologiques et psychologiques d’une telle attitude. Nous devrons évaluer nos actions à la lumière des critères présentés par le Pape.

Au-delà de nos attitudes personnelles, il faudra aussi étudier comment animer des communautés mieux capables d’annoncer et de vivre l’Évangile de la famille. Une intuition m’habite : il faudra revoir toutes nos activités pastorales à la lumière de leur impact sur la famille, en lien avec la pastorale familiale. Avec nos ressources limitées, nous pouvons difficilement envisager la mise sur pied de nouveaux projets ou services. Mais nous pouvons ajuster les projets et services existants pour qu’ils soient plus sensibles aux enjeux soulevés par le Synode et entérinés par notre Pape.

Je rends grâce à Dieu pour le chemin synodal parcouru et pour Amoris Laetitia. Je confie à Dieu l’étape que nous entreprenons maintenant. Je lui demande simplement de nous donner d’être assez habités par la joie de l’amour que nous pourrons chanter allègrement tout en marchant.

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