Ce mercredi, le pape François
présidera à la messe d’ouverture de la quinzième assemblée synodale des évêques
depuis la fondation du synode il y a plus de cinquante ans. Le thème de cette
assemblée s’intitule « La jeunesse, la foi et de discernement
vocationnel ». Elle durera trois semaines et demie, jusqu’au dimanche 28
octobre.
Durant ce temps, j’essaierai de
vous partager régulièrement mes réflexions sur cet événement majeur dans la vie
de l’Église. Je le ferai en pensant au processus synodal diocésain que j’ai
récemment annoncé et qui sera inauguré le jeudi 11 octobre à l’occasion de la
fête de Marie, Mère de l’Église, patronne de notre archidiocèse de Gatineau.
Même si le thème du synode des
évêques et celui de notre processus synodal diocésain diffèrent sensiblement,
la démarche que suivront les évêques peut inspirer la nôtre. À ce sujet,
j’attire votre attention à l’effort consacré par le pape François pour rendre
le synode des évêques plus… synodal.
Cela peut sembler paradoxal :
le synode des évêques n’est-il pas, en raison de sa nature même, synodal? Ne se
présente-t-il pas comme l’exemple parfait ce que l’on entend dans l’Église par synode?
De fait, de nombreux évêques qui
ont participé aux synodes durant les dernières décennies se sont souvent plaints
de la méthode et de l’esprit qui semblait y régner. D’aucuns sentaient que tout
était réglé d’avance, qu’on n’avait pas le droit de soulever certaines
problématiques ou de proposer certaines solutions. La consultation préparatoire
s’avérait assez superficielle et limitée; les documents de travail accumulaient
les généralisations et lieux communs.
Déjà avec les deux assemblées
synodales sur le mariage de 2014 et 2015, François a changé la donne. La
première assemblée, extraordinaire, a rassemblé un plus petit groupe que
d’habitude : une centaine d’évêques du monde (les présidents de
conférences épiscopales) plus les cardinaux de la curée. Cette première
assemblée devait « préparer » la seconde en déblayant le terrain.
Elle-même a été précédée d’une vaste consultation du peuple de Dieu,
explicitement désirée par le pape. À la première session de cette assemblée
extraordinaire, il invita les participants à s’exprimer ouvertement, avec
courage et conviction… et à écouter avec humilité et attention. En autres mots,
il a voulu libérer la parole des participants.
Durant la deuxième assemblée
synodale sur le mariage, nous avons souligné le cinquantième anniversaire de
cette institution. (J’ai eu la grâce de participer à ces deux assemblées
synodales en tant président de la CÉCC et ensuite à titre de délégué de
l’épiscopat canadien.) À cette occasion, le pape François partagea sa vision du synode.
Voici quelques phrases-clés de ce discours :
- Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre ». C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de Vérité » (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7).
- Pour le bienheureux Paul VI, le Synode des Évêques devait proposer de nouveau l’image du Concile œcuménique et en refléter l’esprit ainsi que la méthode. Le même Pape exposait que l’organisme synodal « pourra être perfectionné par la suite ». Vingt ans plus tard, saint Jean-Paul II lui faisait écho, en affirmant que « peut-être cet instrument pourra encore être amélioré. Peut-être la responsabilité pastorale collégiale peut-elle s’exprimer dans le Synode encore plus pleinement ». Nous devons avancer sur ce chemin.
- Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire.
- Le "sensus fidei" empêche une séparation rigide entre "Ecclesia docens" et "Ecclesia discens", puisque le Troupeau possède aussi son propre "flair" pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l'Église.
Permettez-moi d’expliquer cette
dernière phrase. Le sensus fidei,
c’est le flair intuitif des croyants pour ce qui, dans la vie et dans l’histoire,
correspond à l’Évangile ou, au contraire, le contredit. Il s’agit d’un flair
collectif, partagé par les femmes et les hommes qui suivent Jésus et qui
s’ouvrent à son Esprit. Les évêques et les prêtres ne peuvent monopoliser ce
flair ou prétendre le dicter : leur rôle est de le discerner, de
reconnaître comment l’Esprit parle à l’Église d’aujourd’hui à travers ses
membres.
Le pape François affirme que ce
sens de la foi, partagé par tous les fidèles, empêche de voir l’Église comme
étant composée de deux groupes : un premier (les clercs) chargé de
l’enseignement (l’Ecclesia docens) et
un second (les laïcs) dont le rôle consiste à écouter et obéir (l’Ecclesia discens). Au contraire, les clercs
doivent être à l’écoute de l’Esprit qui parle à l’Église dans la vie des laïcs.
Cette conviction entraîne un changement radical dans la façon de discerner la
voix de l’Esprit dans l’Église. Ce changement, voulu et encouragé par François
et de nombreux évêques, provoque de grandes résistances chez d’autres : d’où
l’intérêt de suivre ce nouveau synode, quel qu’en soit le thème.
Dans mon prochain commentaire,
j’examinerai comment le pape François a encadré ces principes dans la nouvelle
législation pour les synodes d’évêques publiée récemment sous le titre de Episcopalis communio. Je montrerai
comment cette nouvelle législation informe déjà cette quinzième assemblée des
évêques. Et j’indiquerai comment ses principes inspirent aussi la démarche
synodale que nous entreprenons dans notre diocèse.
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