Lire I Corinthiens 7, 32-35
Saint Paul avait-il été marié? Certains indices dans ses lettres nous porteraient à le croire. Une chose est certaine : durant ses années de voyage et de mission, il était seul. Peut-être son épouse était-elle décédée? Peut-être s’étaient-ils séparés à cause de sa conversion? Quoi qu'il en soit, à lire le texte d’aujourd’hui on pourrait croire que Paul n’ait pas eu une très haute estime du mariage. En effet, une première lecture de ces versets semble trahir une conception négative du mariage, comme s'il pouvait faire obstacle à une foi profonde et engagée. D’ailleurs, certains se sont servis de ce texte dans les siècles passés pour établir la supériorité de la vie religieuse et du célibat sur le mariage, faisant des époux une sorte de chrétiens de seconde classe.
Il me semble qu’on passe là à des conclusions trop rapides. D’abord, il faut se rappeler d’autres épîtres où Paul présente une vision très élevée du mariage, en particulier, sa lettre aux Éphésiens. Là, il compare la relation conjugale à la relation entre le Christ et l’Église : on ne peut pas alors parler de chrétiens de seconde classe.
L’autre chose qu’il faut retenir, c’est que dans ce passage de la première lettre aux Corinthiens, Paul est en train de répondre à des questions très précises qui lui ont été posées par ces premiers chrétiens. Nous n’avons pas ces questions en main, ce qui rend difficile notre compréhension de ses réponses. Il faut donc être prudent dans les conséquences qu’on tire de ces versets. D’autant plus qu’il cherche à nuancer ses positions, se donnant lui-même en exemple, mais insistant sur le fait que tous ne sont pas obligés de le suivre. D’ailleurs, il écrit en introduction à ce passage qu’il ne présente pas un « ordre du Seigneur », mais plutôt « un avis. »
Enfin, il ne faut jamais oublier le contexte culturel de ces lettres. À l’époque, le mariage était sujet de grandes discussions entre deux écoles philosophiques grecques, les cyniques et les stoïciens. Les uns maintenaient l’obligation du mariage, pour le bien de la communauté. Les autres argumentaient en faveur du célibat parce qu’il permettait une plus grande liberté personnelle aux philosophes. Entre ces deux voies extrêmes, Paul trace une ligne sage et sûre, voulant éviter à ces lecteurs qu’ils se fassent trop de « soucis » à cause de ces questions.
Alors, que retenir de ces versets? Peut-être faut-il voir dans l’expression « les affaires du Seigneur » tout ce que peut entraîner l’engagement à la mission d’évangélisation. Pour Paul, les « affaires du Seigneur » représentaient ses nombreux voyages, son manque de stabilité économique, ses séjours en prison, les persécutions qu’il a dû subir. Évidemment, une personne mariée ne peut se permettre de s’engager ainsi, car cela affaiblirait son mariage. Il faut faire un discernement : le Seigneur m’appelle-t-il à m’engager dans une mission d’évangélisation qui exige un tel style de vie? Il vaudra mieux alors être célibataire. Mais il se peut aussi que le Seigneur m’appelle à vivre ma mission d’évangélisation au cœur d’un mariage stable, propice à l’éducation des enfants. Il me semble que Paul nous invite à faire ce discernement sans présenter une option comme supérieure à l’autre.
En fin de compte, il s’agit de chercher la volonté concrète de Dieu. Ce qui compte, comme le dit Saint Paul, c’est de faire ce qui convient le mieux et d’être attaché au Seigneur. Au-delà du célibat ou du mariage, voilà le vrai défi de la vie chrétienne.
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