M. Roch Cholette est animateur de radio ici à
Gatineau. Ce matin, il a déploré le fait que j’ai pris la parole lors d’un
rassemblement de citoyens qui protestaient le projet d’un nouvel oléoduc dans
la région.
Je ne sais pas si M. Cholette croit personnellement
tout ce qu’il dit à la radio. Il joue bien le rôle de provocateur, ce qui attire
la clientèle et les dollars à son poste. Tout cela est de bonne guerre. Malheureusement,
les propos qu’il véhicule sont souvent gobés par des gens peu informés, ce qui
peut parfois empêcher un sain dialogue sur des questions importantes.
M. Cholette s’est offusqué de ma prise de parole parce
que, selon lui, elle enfreint le principe de la séparation de l’État et de l’Église.
Si je comprends bien sa position, il ne faudrait jamais qu’une personne s’exprime
publiquement sur un sujet d’actualité à résonnance politique en faisant appel à
ses principes religieux. La question qu’il soulève est importante, voire
essentielle, si nous voulons progresser dans le vivre ensemble nécessaire à
toute société laïque et pluraliste.
Dans le fond, il s’agit de définir la liberté religieuse.
Celle-ci se limite-t-elle au simple exercice d’un culte, ou inclut-elle la
possibilité de parler de sa foi en public, d’interpeller les acteurs sociaux en
fonction de principes inspirés par la foi et de s’engager ouvertement au nom de
sa foi dans la construction d’une société ouverte à ces principes ?
Je donne un exemple. L’Église catholique est contre la
traite des humains. Ai-je le droit, dans une société laïque, de dire pourquoi
je m’oppose à cette pratique ?
Ai-je le droit d’interpeller les politiciens pour qu’ils érigent des lois pour
l’empêcher ? Est-ce que
je peux m’engager comme croyant ou croyante dans la construction d’une société qui
refuse toute forme d’esclavage ?
Si l’on me refuse ce droit, peut-on en même temps m’affirmer que je suis libre
de pratiquer ma religion ?
Je ne le crois pas.
La séparation de l’Église et de l’État veut garantir que le
gouvernement n’impose pas de loi qui limiterait la liberté religieuse ou favoriserait
une religion aux dépens d’une autre. D’autre part, elle veut garantir qu’aucune
religion n’impose sa vision à l’ensemble de la population en réduisant l’État au
rôle d’exécuteur de sa puissance dominatrice. Autrefois, il est vrai, le Québec
s’est trouvé quelque peu dans la deuxième situation alors que certains gouvernements
cherchaient l’assentiment des évêques catholiques avant de passer une loi. Je
regrette personnellement qu’il en fût ainsi dans le passé, et je n’ai aucun
désir de retourner à cette pratique. Je ne connais aucun évêque québécois qui
couve un tel désir. Je crois d’ailleurs que la société québécoise ne l’accepterait
jamais. Tant mieux !
Alors, pourquoi M. Cholette s’offusque-t-il qu’un
citoyen comme moi prenne la parole librement pour exposer ses convictions
personnelles ? De quoi
a-t-il peur? Je ne lui demande pas d’être d’accord avec moi. Je lui demande
simplement de respecter mon droit de pratiquer ma religion et ma liberté de
parole… comme je respecte la sienne.
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