Lire Éphésiens 5, 15-20
Apprendre qu’on a été nommé évêque, c’est à
la fois une grande joie et une source d’anxiété. L’anxiété n’est pas diminuée
par le secret qu’on doit garder en attendant que la nomination soit publiée à
Rome. Je dois dire que j’ai trouvé difficile cet intervalle de huit jours entre
ma nomination et son annonce. Ça fait quinze ans, mais je m’en souviens bien :
ma vie avait changé sans que je puisse en parler à qui que ce soit.
J’ai pu au moins en profiter pour me
choisir une devise. En effet, une vieille tradition veut qu’un nouvel évêque se
choisisse quelques mots qui expriment un peu la vision de son ministère. J’ai
fouillé pendant plusieurs jours dans la bible, mais j’ai fini par m’arrêter à
une homélie de saint Augustin. Dans cette homélie du jour de Pâques, l’évêque
du quatrième siècle réfléchit au chant de l’Alléluia qui résonne dans l’église
en ce dimanche de la Résurrection. Il suggère qu’en ce jour, l’Église de la
terre est unie à l’Église du ciel par le chant de l’Alléluia. Mais il propose
aussi qu’il y a une différence qu’il ne faudrait pas négliger : au ciel,
on chante alléluia au repos, tandis que sur la terre, on chante alléluia en
marchant, comme des pèlerins. L’Alléluia du pèlerin, c’est un chant
d’encouragement, un chant d’entrain qui le pousse à ne pas lâcher, qui remet la
joie au cœur d’un chemin qui est parfois pénible. C’est ainsi, dit Augustin,
qu’il faut chanter alléluia sur la terre : en marchant. Il finit son
homélie en latin avec ce défi : canta
et ambula, chante et marche.
J’ai choisi ces mots comme devise d’abord
parce qu’ils font allusion aux années que j’ai consacrées à l’étude du chant,
d’une part, et à mon engagement en Église, d’autre part. Mais encore plus, ces
mots me parlent d’un mouvement fondamental de la vie chrétienne qui rythme
célébration et engagement, rituel et vie quotidienne, sacrements et
transformation du monde. Le chant représente cette dimension joyeuse et
spontanée de la vie de l’Esprit qui s’exprime dans la gratitude et la louange.
Mais la vie chrétienne, c’est aussi la marche : l’engagement au cœur du
quotidien où, par nos choix et nos actions, nous cherchons à bâtir un monde
ouvert au Royaume de justice, de paix et de joie.
N’est-ce pas là le rythme que nous présentent
ces quelques versets de l’épître de Saint Paul aux Éphésiens en ce dimanche? Paul
nous dit que la vie chrétienne au cœur du monde n’est pas facile, parce que le
monde ne partage pas les valeurs de l’Évangile : « nous traversons
des jours mauvais, » dit-il, durant lesquels il faut absolument rester
attaché à la volonté de Dieu.
Mais même au cœur de cet immense défi, il
faut savoir chanter et célébrer le Seigneur, car il est ressuscité, il a
triomphé du mal et de la mort, il est la source de notre espérance et de notre
amour. Il faut chanter « des psaumes, des hymnes, de libres
louanges » avec nos voix, certes, mais surtout avec notre cœur.
Écoutons donc cette invitation de Saint
Paul, écoutons ce défi de saint Augustin, apprenons « à chanter et à
marcher » au jour le jour. Canta et
ambula.
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