Ce matin, j’ai enfin décidé d’écrire ce petit billet. Pourquoi aujourd’hui? Parce je viens d’apprendre qu’un évêque américain noir que j’ai eu le privilège de connaître est décédé du cancer durant la nuit. Il s’appelait George, lui aussi, George Murray. Évêque de Youngston, Ohio, il avait été président du comité anti-raciste des évêques américains et secrétaire de leur conférence nationale. J’avais appris à le connaître lorsque j’étais président de la CÉCC. Nous étions devenus un peu amis. J’ai passé une fin de semaine à New York avec lui : nous avons visité des musées, écouté des concerts, flâné dans les rues. Nous avons beaucoup parlé. Homme profondément humain, radicalement chrétien, il m’avait impressionné par sa sagesse, sa foi, sa vision de l’Église et du monde.
Ce matin, je suis allé relire quelques textes de conférences qu’il a données sur la question du racisme. En 2018, il a prononcé un discours où il invitait l’Église américaine à s’engager dans la transformation des attitudes de son pays en commençant par une transformation intérieure des attitudes personnelles des catholiques eux-mêmes. Il encourageait chacun et chacune à s’engager dans la lutte contre le racisme en commençant d’abord par tisser des relations individuelles avec des gens d’autres races, d’autres ethnies, d’autres religions. J’ai retenu une phrase que je propose à la méditation de tous fidèles de notre diocèse et de toute personne de bonne volonté qui me lira :
« Faites l’effort de connaître quelqu’un d’une autre race,
d’écouter leur histoire,
de marcher dans leurs souliers...
Ensuite, servez-vous des dons que vous avez reçu
pour créer des chances
pour les gens qui vivent aux marges de notre société. »
Nous pouvons nous sentir impuissants devant un phénomène aussi répandu et systémique que le racisme. Nous pouvons nous demander à quoi sert de participer à une manifestation ou à signer une pétition. Nous pouvons même être insouciant devant ce qui se passe, convaincus que le racisme n’existe pas chez nous.
Je vous invite à suivre le conseil de Mgr Murray. Apprenez à connaître quelqu’un d’une autre race ou d’une autre religion, prenez le temps de l’écouter, demandez-lui de vous parler de ses expériences de racisme et d’injustice, ouvrez votre cœur à la réalité des autres. Et je dis cela non seulement pour les gens de race blanche, dont je suis, mais pour toute personne qui désire construire une société plus juste et plus fraternelle.
En écoutant les voix des manifestants, j’entends les échos du peuple juif qui criait vers Dieu avec des mots que nous prions encore aujourd’hui à l’Église :
Combien de temps les impies, Seigneur,
combien de temps vont-ils triompher ?
C'est ton peuple, Seigneur, qu'ils piétinent,
et ton domaine qu'ils écrasent ;
ils massacrent la veuve et l'étranger,
ils assassinent l'orphelin...
On s'attaque à la vie de l'innocent,
le juste que l'on tue est déclaré coupable.
(Psaume 93)
Mais je n’entends pas seulement un cri, je vois également un «signe des temps» dans ces manifestations qui s’étendent à travers le monde. J’y vois l’œuvre de l’Esprit-Saint qui vient «renouveler la face de la terre» (Psaume 103) et du Christ ressuscité qui vient faire «toutes choses nouvelles» (Apocalypse 21). Engageons-nous aujourd’hui dans l’œuvre de Dieu.
Prions pour la conversion des cœurs, pour la fraternité entre les peuples, pour la justice et pour la paix. Mais posons aussi un petit geste qui pourrait faire une grande différence : allons à la rencontre de nos frères et de nos sœurs qui nous semblent si différents. Nous découvrirons que nous sommes tous les enfants du Bon Dieu!
+ Paul-André Durocher
6 juin 2020