Lire Galates 6, 14-18
Pour les Juifs, la
circoncision des mâles est le signe physique essentiel de l’appartenance au
Peuple choisi, un signe inscrit de façon permanente dans la chair, de façon encore
plus radicale qu’un simple tatouage. Dans le récit où Dieu établit son Alliance
avec Abraham, c’est Dieu lui-même qui fixe cette loi pour tous les descendants
de ce dernier. Les historiens des religions discutent du sens de la
circoncision dans l’ancien Moyen-Orient : serait-ce un signe d’appartenance,
un sacrifice sanglant ou un rite de passage? Quoi qu’il en soit, la loi de la
circoncision pour les hommes juifs ne connaissait pas d’exception. Un païen qui
désirait devenir juif devait se faire circoncire.
Voilà le nœud du
problème qui pose difficulté aux Galates nouvellement convertis à la foi en
Jésus-Christ. Venus des religions traditionnelles grecques, ils ne connaissent
rien aux lois d’Israël. Saint Paul, qui leur a proclamé l’Évangile, leur a fait
comprendre qu’ils ne devaient pas s’occuper de ces lois, puisque le salut vient
de la foi en Jésus, Sauveur du monde. Mais d’autres disciples, qui ont grandi
dans le judaïsme, ne le voient pas ainsi. Pour eux, Jésus est juif, il n’est
pas venu abolir la Loi. Alors, pour suivre Jésus, il faut aussi se soumettre à
la loi juive. Conclusion : ces nouveaux chrétiens doivent se faire
circoncire.
Pour Paul, cette
question symbolise le conflit fondamental entre deux façons de comprendre notre
relation à Dieu. Cette relation dépend-elle d’abord de ce que je fais à l’égard
de Dieu, ou dépend-elle d’abord de ce que Dieu fait à mon égard? Pour Paul, la
réponse est claire : Dieu est venu vers nous en son fils Jésus, il s’est
penché sur nous dans son grand amour — manifesté sur la croix — et il nous a
libérés des puissances du mal en nous donnant son Esprit. Tout vient de Dieu.
Tout est grâce.
Selon Paul, croire en
la circoncision comme nécessaire au salut -- ou en n’importe quelle autre condition
que nous aurions à rencontrer --, c’est glisser vers cet orgueil qui veut nous
faire croire que nous pouvons nous sauver nous-mêmes. C’est nier la gratuité de
l’amour de Dieu pour nous. C’est affirmer que la mort de Jésus n’est pas l’événement
central de cette histoire d’amour. C’est nous aligner avec l’esprit du « monde »
plutôt qu’avec l’Esprit de Jésus.
Voilà pourquoi Paul
affirme de façon radicale : « La croix de notre Seigneur Jésus Christ
reste mon seul orgueil... Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir ou de ne pas
avoir de circoncision, c’est la création nouvelle. »
Dans cette « création
nouvelle », la Loi se résume à l’amour inconditionnel, amour reçu de Dieu,
amour partagé avec les autres. C’est par amour que Paul avait été lapidé et
flagellé : voilà les seules « marques » qu’il porte dans son
corps et qui ont un sens pour lui.
Ce même amour, enfin,
permet à Paul de finir cette lettre abrupte et raide avec des mots de tendresse
à l’égard des Galates : « Frères, » les appelle-t-il malgré la
controverse qui les oppose, « que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ
soit avec votre esprit. » À une telle prière qui recherche l’unité au-delà
des conflits, nous ne pouvons que répondre avec Paul : « Amen! »
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