Aujourd'hui ont commencé les travaux du Synode. Pour vous aider à vous faire une idée du rythme de ces journées, voici mon horaire d'aujourd'hui. Réveil à 6h - prière du matin et office de lecture individuellement; messe à 7h, suivi du petit déjeuner; départ de l'autobus à 8h15 pour nous mener au Vatican, où la session commence à 9h30. Pause-café à 11h et continuation de la session jusqu'à 12h30. Retour à la maison, dîner et sieste. à 16h, l'autobus repart pour le Vatican, où se tient la session de l'après-midi, sans pause de 16h30 à 19h00. Retour à la maison pour souper à 19h30. Me voici donc rendu à 20h30 dans ma chambre pour répondre aux courriels du jour et rédiger le petit texte que vous lisez. Je pense que je dormirai bien ce soir.
Comme je l'ai écrit il y a quelques jours, c'est mon deuxième Synode. Ce matin, j'ai vu une première différence: le Pape était là 20 minutes avant le début de la session pour accueillir lui-même les participants en leur donnant la main. Il est descendu prendre la pause-café avec nous, jasant avec tous ceux qui l'approchaient. Quel vent de fraîcheur.
Et la démarche même du Synode est plus fraternelle. Les présidents parlent leur propre langue, plutôt que le latin. Les touches d'humour ne manquent pas. Il règne une belle fraternité dans la salle.
Ce matin, le Pape a pris la parole pour nous inviter à parler ouvertement, avec franchise; et à écouter attentivement, avec humilité. Ce sont les deux qualités nécessaires pour l'exercice de la synodalité - qui veut dire, littéralement, 'faire route ensemble'. Je crois que les intervenants l'ont pris au sérieux.
Ont suivi deux longs discours: le premier, du secrétaire du synode, nous a tracé le cheminement parcouru par le secrétariat depuis la dernière assemblée il y a trois ans; le second, plus théologique, cherchait à faire le point sur certaines questions dont nous aurions à discuter durant ces deux semaines.
Et cet après-midi ont commencé les interventions des délégués. Chacun a le droit à quatre minutes pour partager son avis sur tel ou tel point de la discussion. Une amélioration par rapport aux autres synodes: les interventions suivent l'ordre de l'Instrument de travail (que vous pouvez retrouver ici - http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20140626_instrumentum-laboris-familia_fr.html.
Comme le sujet de mon intervention concernait un des premiers paragraphes, j'ai été un des premiers à prendre la parole. J'ai présenté quelques réflexions en lien avec le numéro 15 de l'instrument de travail: Quelques motifs de la difficulté de la réception (de l'enseignement de l'Église par le monde d'aujourd'hui). Ce que j'ai surtout voulu dire, c'est qu'il ne faut pas voir seulement ce qu'il y a de négatif dans le monde qui nous entoure. C'est vrai qu'il y a beaucoup de foyers brisés, d'enfants abandonnés, de personnes profondément blessées par les relations familiales. C'est vrai que la sexualité est vécue plus souvent comme une activité de loisir que comme un langage amoureux de don de soi profond à l'autre. C'est vrai que de moins en moins de couples choisissent de se marier. Mais il y a aussi des réalités positives vécues dans notre monde d'aujourd'hui. J'ai nommé l'engagement pour l'égalité des hommes et des femmes dans le mariage, le refus de toute violence faite aux enfants ou aux femmes, le rôle grandissant des pères dans la vie affective de leurs enfants, la place donnée à la communication, au respect, à la mutualité des relations. Tout cela est bon, doit être reconnu et célébré par les responsables d'Église. Ce sont comme des pierres d'attente où l'on peut accrocher la vision profondément humanisante que porte l'Église sur la famille, le mariage et la sexualité.
J'ai aussi affirmé que l'Église elle-même pourrait enrichir sa théologie du mariage en engageant ce dialogue avec le monde moderne. Les évêques avaient un grand pas dans cette direction il y a cinquante ans lors du Concile Vatican II. Nous devons les imiter en allant à la rencontre de l'autre, comme nous y invite le Pape François.
Voilà, c'est fait. J'ai vécu quatre minutes de grande nervosité (mes mains en tremblaient) et d'adrénaline. Plusieurs m'ont partagé des mots d'encouragement. Mais ce n'était qu'un discours parmi seize autres cet après-midi. Suivi d'une heure d'échanges libres où chacun disposait de trois minutes pour réagir à ce qu'il avait dit.
Un évêque a résumé ainsi les propos de cet après-midi:
1. Nous avons un travail important à réaliser dans le renouvellement du langage de l'Église au sujet de la sexualité, du mariage et de la famille; nous devons entre autres passer d'un langage théologique et moralisant à un langage plus biblique et inspirant, qui saura élever les esprits et les coeurs et inviter au meilleur.
2. Nous devons apprivoiser la gradualité de l'expérience chrétienne qui s'élabore dans le temps, souvent assez lentement; d'où l'importance de l'accueil, de l'accompagnement pastoral, de la patience.
3. Nous devons poser un regard d'amitié sur le monde d'aujourd'hui en y cherchant les pierres d'attente (mon expression!) qui permettront d'engager un vrai dialogue des chefs de l'Église avec les gens qui vivent l'expérience de la famille.
Une journée bien remplie, un bon départ, un avant-goût de la richesse de la réflexion qui nous ttend dans les prochains jours. En attendant, je m'en vais me coucher. Bonne nuit!
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