Depuis hier après-midi, nous discutons des situations qui ne correspondent pas à la figure de la famille chrétienne telle que dessinée par Jésus. En particulier, nous avons discuté de l'accompagnement des couples divorcés-remariés et des polygames qui, en Afrique, sont tout à fait acceptés dans la culture. La discussion s'est centrée sur la question de l'accès aux sacrements de la réconciliation et de l'Eucharistie.
Certains disent NON: pour eux, la réalité objective de la non-correspondance à la loi du Christ, soit au niveau moral, soit au niveau sacramentel, empêche l'accès aux sacrements. Selon eux, il faudrait plutôt inviter à la communion spirituelle.
D'autres disent OUI: ce serait un signe de miséricorde en réponse au besoin sincère de se sentir proche du Christ. L'un d'eux a cité le prophète Isaie: « Vous qui avez faim, venez et mangez, sans payer de prix. »
Troisième voie: PARFOIS - tout dépendrait de la situation concrète de la personne, de son attachement au Christ, de son cheminement personnel. Il faudrait discerner chaque cas.
Presque tous suggèrent d'aider ces couples à être libérés de leur premier lien afin d'en assumer un nouveau dans l'Église, lorsque c'est possible: d'où l'appel à : i. une simplification du processus de nullité; ii. l'établissement d'un processus administratif pour certains cas ; 3. une compréhension plus large et une utilisation plus généreuse de privilège paulinien de dissolution des mariages en certains cas par le Pape; iv. la gratuité du processus.
Ma position personnelle? Il me semble qu'on devrait étudier cette question dans une démarche plus globale, une pastorale d'ensemble pour les personnes qui vivent l'échec de leur mariage. Reconnaissons que, dans certains cas, ces personnes vivent une expérience spirituelle profonde. Les évêques ne pourraient-ils pas alors avoir la liberté d'inclure l'accès aux sacrements comme élément de cette pastorale?
Une chose est certaine, tous les évêques au Synode sont POUR l'indissolubilité du mariage et POUR un accompagnement miséricordieux de ceux qui connaissent l'échec. Il ne s'agit pas de choisir entre les deux, mais de savoir comment les articuler concrètement dans les diverses situations qui se présentent à nous.
Une dernière remarque: je suis frappé par la place que prennent les histoires personnelles des individus, des couples et des familles dans nos discussions. Les évêques citent des histoires; les observateurs nous racontent leurs histoires; et derrière certaines interventions je sens une histoire personnelle très concrète. Il me semble que le Synode nous invite à passer d'une théologie purement déductive (qui part des principes pour les appliquer dans les situations concrètes) à une théologie plus inductive (qui part des situations concrètes pour en tirer des principes). Évidemment, cette distinction ne doit pas être tenue de façon absolue, mais plutôt en équilibre, en tension saine et fructueuse. Elle rappelle que l'expérience concrète des chrétiens et des chrétiennes est aussi un 'lieu théologique', une source de compréhension pour les chemins de Dieu.
j'aime beaucoup le dernier paragraphe de votre blogue!
RépondreEffacerJe suis très heureux que vos débats soient alimentés par des "histoires" concrètes de personnes. Oui à une théologie inductive, la seule, à mon humble avis, qui soit évangélique (voir la pratique de Jésus).
RépondreEffacerJe me permets donc d'ajouter une autre histoire: la nôtre. Marié religieusement (et de manière très "choisie") à une compagne elle-même très engagée et croyante, nous avons eu deux garçons maintenant adultes et eux-mêmes en couple (l'un marié civilement et sans enfant et l'autre non marié et avec un jeune garçon de 3 ans).
Nous avons vécu ensemble comme couple et famille pendant 15 ans environ, avant de nous séparer de facto (avec la garde conjointe des enfants) pendant deux ans. Puis nous avons repris la vie commune et familiale pendant une autre période de 15 ans environ.
Au terme de ces plus de 30 ans de vie conjugale et familiale, nous en sommes tous les deux arrivés à la conclusion absolument claire (au terme de bien des prières, consultations, réflexions, nouveaux départs, etc.) que notre vie de couple était "de moins en moins vivante" (et au niveau psychologique et au niveau spirituel) et qu'elle était, de manière irréversible, appelée à toujours moins de vie et plus de mort.
Nous aurions pu continuer à vivre cette "vie non vivante", car l'atmosphère conjugale était encore bien acceptable (nous n'étions pas du tout "à couteaux tirés"). Mais cela aurait été trahir cet "appel à la vie, et à la vie en abondance" qu'est venu nous lancer Jésus de Nazareth.
[IL SEMBLE QUE MON COMMENTAIRE SOIT TROP LONG: JE PUBLIERAI DONC LA SUITE DANS LE COMMENTAIRE SUIVANT...]
Dominique Boisvert
Scotstown
[SUITE DU COMMENTAIRE PRÉCÉDENT...]
RépondreEffacerC'est donc d'un commun accord, par fidélité à l'appel du Christ à la vie, que nous avons choisi de nous séparer d'abord (une nouvelle fois), puis de divorcer 3 ans plus tard. Poursuivre notre "mariage indissoluble" aurait été clairement, pour nous deux, une solution de facilité (moins de risques, financiers et psychologiques; moins de "vagues" avec nos enfants et dans nos deux familles; moins de peurs quant à notre avenir à chacun). Mais une solution de facilité qui, au plus profond de notre conscience ("éclairée", je crois), aurait été un manque de fidélité à l'Évangile et à son appel à la vie.
Nous avions donc le choix entre "être fidèles à la règle ecclésiale de l'indissolubilité du mariage" (à la "lettre" de la loi), ou "être fidèle à l'Évangile tel que nous le dictait notre conscience" (à "l'esprit" de la loi). La première était clairement et définitivement synonyme de mort; la seconde, beaucoup plus risquée et difficile, n'offrait aucune garantie ni à l'un, ni à l'autre des deux conjoints (et encore moins à tous les deux), mais c'était le seul chemin qui ouvrait possiblement sur la vie.
Je sais: c'est l'absolu contraire de tout ce qu'enseigne notre sainte mère l'Église! Comment un mariage, longuement préparé et désiré par des époux chrétiens pour des motifs largement spirituels, peut-il aboutir à une situation de "mort" contraire à l'appel de l'Évangile? Comment deux chrétiens engagés peuvent-ils, en conscience, en arriver à divorcer par fidélité à leur vocation chrétienne et à l'Évangile? C'est le monde à l'envers!
Et pourtant c'est notre histoire concrète! Qui ne "fitte" certainement dans aucun manuel de théologie (déductive, généralement) du mariage!
Et pour compléter la petite histoire, 6 ans après le divorce, force est de constater que nous ne nous sommes pas trompés: chacun des deux conjoints, après être passé par des période très douloureuses de rupture et de deuil, est maintenant à nouveau en couple (dans les deux cas sans être marié, ni religieusement ce qui serait impossible en raison du divorce, ni civilement) dans une relation beaucoup plus vivante (et exigeante) que celle que nous avons choisi de laisser derrière nous. Chacun de nous deux vit avec un nouveau conjoint assez distant de toute question religieuse. Et pourtant, nous avons conservé tous deux d'excellents liens, profonds, qui n'empiètent aucunement avec notre nouvelle relation, mais qui manifestent bien la fidélité que nous avons choisi de vivre: une fidélité apparemment brisée, infidèle (selon le modèle standard, prescrit), mais une fidélité en profondeur, au niveau des valeurs de l'Évangile.
Voilà! J'espère que notre histoire peut contribuer, un peu, à montrer le caractère forcément artificiel de toute "loi théorique et mur à mur". Bien sûr, il en faut dans toute institution humaine (je le sais, j'ai une formation d'avocat :-) ! Mais l'Église, avant d'être une institution humaine, devrait d'abord et avant tout essayer d'être une aventure spirituelle, un souffle d'interpellation radicale en même tant que de liberté radicale évangéliques!
De grâce, quittez les "commandements" de la loi naturelle et les impératifs tatillons de l'orthodoxie théologique (déductive)! Et venez sur le terrain, écouter les innombrables "histoires" familiales ou conjugales (toutes différentes) et appeler chacune d'entre elles au meilleur de la Vie qu'annonce la Bonne Nouvelle!
Dominique Boisvert
Scotstown
boisvert.dominique@gmail.com
www.dominiqueboisvert.ca
Permettez-moi un second commentaire, à la suite de la lecture de divers reportages sur le Jour 4 du Synode dans le National Catholic Reporter (où vous êtes d'ailleurs cité abondamment, suite à votre participation au "press briefing" en anglais.
RépondreEffacerJ'espère que vous trouvez le temps, malgré votre horaire très chargé, de lire les quelques commentaires que suscite votre blogue: en tous cas, c'est pour moi un moyen inespéré de communiquer directement mes préoccupations (partagées par de nombreux chrétiens avec qui j'ai réfléchi et participé au questionnaire préparatoire au Synode) à un participant direct aux travaux du Synode!
VOICI MON COMMENTAIRE: toute la réflexion et les discussions autour de la simplification (ou de l'accélération) du processus ecclésiastique "d'annulation des mariages" risque d'être du temps largement gaspillé. Car la notion même de "nullité ecclésiastique du mariage" correspond à des arguties théologiques et canoniques (je vous rappelle que j'ai une formation d'avocat) qui ressemblent très souvent au débat sur "le sexe des anges"! Excusez-moi d'être direct ou apparemment un peu brutal: mais la plupart des motifs canoniques d'annulation ne correspondent AUCUNEMENT à la RÉALITÉ DES COUPLES D'AUJOURD'HUI.
Essentiellement parce que ce que l'Église nous demande de "prouver", c'est que le lien du mariage n'a jamais existé, que le mariage n'était pas valide. Ce qui, bien sûr, peut être le cas d'une infime minorité de situations, mais qui ne correspond ABSOLUMENT PAS à la réalité de l'immense majorité des couples qui aboutissent à un échec.
Comment pouvez-vous demander à un couple qui a vécu ensemble pendant des années, qui a eu ensemble plusieurs enfants, avant de rencontrer un obstacle définitif de prétendre, pour les fins de l'Église que son mariage n'a jamais existé? Pour la grande majorité des chrétiens (et des familles en général), la séparation définitive ou le divorce sont un ÉCHEC (l'échec d'une vraie relation, ou d'un véritable mariage) et NON PAS l'inexistence de cette relation ou de ce mariage (ce que l'Église exige pour reconnaître la "nullité" du mariage!
C'est pourquoi toute l'approche de l'Église pour tenter de justifier l'injustifiable (reconnaître qu'un mariage n'a jamais existé, pour satisfaire aux exigences de l'indissolubilité, alors que la relation ou le mariage a bel et bien existé dans la plupart des cas) est nécessairement une approche anthropologique vouée à l'échec. Approche qui encourage l'hypocrisie pour tenter de se plier à des "normes" qui n'ont, dans la grande majorité des cas, aucun rapport avec, ou aucune vraisemblance dans, la VRAIE VIE.
Espérons que notre Église ne s'acharnera pas dans cette voie sans issue...
Dominique Boisvert
boisvert.dominique@gmail.com